Interview – Alexandre Jardin : “Tout suicide crée du silence”
L’auteur du “Zèbre” et de “L’Île des gauchers” signe un roman confession bouleversant sur son frère Emmanuel, qui s’est suicidé en 1993.
3 questions à Alexandre Jardin : “Tout suicide crée du silence”
France Dimanche : Pouvez-vous résumer votre livre ?
Alexandre Jardin : Impossible, il déborde trop d’émotions, de fous rires, d’effrois, de tendresse, de douleurs, de culpabilité. Écrire sur mon frère suicidé au juste niveau – sans frein –, sur les questions que sa liberté m’a posées, est « inrésumable ».
Pourquoi avoir attendu trente ans pour parler de ce secret ?
Tout suicide crée de l’impensable dans une famille, crée du silence criant, très long. J’ai attendu une situation extrême qui changeait tout : l’année dernière, j’ai perdu ma mère, mon beau-père aimé et ma sœur. Vide insoutenable qui a généré chez moi le besoin irrépressible de rendre la vie à mon frère mort. Ma rencontre d’amour m’a donné la sécurité pour entrer dans des émotions risquées.
Quels sont vos projets ? Êtes-vous en train d’écrire un nouveau roman ?
Aimer ma « femme-vie » canadienne, celle dont la qualité de présence change toute la qualité de ma vie, toute ma façon d’écrire. Des films lourds, énormes. Et un livre paniquant que j’achève, qui me fait rire tant il me fait peur. Et prendre soin des autres… la vie associative. Même si le Canada m’aspire.
Recueillis par Amélie DESCROIX
• Frères, Albin Michel, 19,90 €.
Et aussi…
IVG
« Ce sont quelques histoires d’interruption. Douloureuses ou anodines. Singulières. Une interruption aussi, je l’espère, quand bien même furtive, du silence, de la honte et de la colère », écrivait Sandra Vizzavona dans Interruption : l’avortement par celles qui l’ont vécu. Adapté de ce livre-enquête, Interruption passe à la moulinette le tabou de l’IVG à travers divers témoignages. Un vrai spectacle nécessaire porté par Pascale Arbillot, époustouflante !
• Interruption, au Théâtre Antoine jusqu’au 5 novembre.
On refait le procès…
Après Le Manteau de Janis, Alain Teulié renouvelle sa formule magique : duo + suspens. L’auteur imagine cette fois la rencontre, dix ans après le drame, entre Claus von Bülow – condamné à 30 ans de prison pour avoir tenté de tuer sa femme, avant d’être acquitté en appel –, et son avocat. Une joute verbale de haute volée interprétée par Patrick Chesnais et Nicolas Briançon qui s’en donnent à cœur joie dans un décor aussi grandiose que son twist final ! La vérité sur « l’affaire von Bülow » éclatera-t-elle ?
• Le Mystère Sunny, au Théâtre Montparnasse jusqu’au 3 décembre.
Intrigue italienne
Partant de la rumeur que Lucrèce de Médicis ne serait pas morte de « fièvre putride » comme l’atteste la version officielle, mais plutôt assassinée par son mari, l’auteure réinvente la vie de la jeune femme. Grâce à son écriture immersive, elle nous plonge dans les intrigues de la cour de Ferrare au xvie siècle et le destin de cette héroïne rebelle.
• Le Portrait de mariage, de Maggie O’Farrell, éd. Belfond, 23,50 €.
Sororité
Les sœurs Chapel sont six et portent toutes des prénoms de fleurs. Après son mariage, l’aînée meurt subitement. Puis l’histoire se répète avec la cadette. Sorte de thriller gothique, Les Voleurs d’innocence raconte, à travers la voix de l’une des sœurs, la malédiction qui semble peser sur la fratrie. Un roman envoûtant et mystérieux.
• Les Voleurs d’innocence, de Sarai Walker, éd. Gallmeister, 26,40 €.
Tragédie lyrique
L’année du centenaire de Maria Callas, le dramaturge ne pouvait pas faire l’économie d’un (petit) livre sur la diva… même s’il l’évoque indirectement à travers cette Carlotta Berlumi, qui se considère comme sa plus grande rivale. Entre aigreur acerbe, ironie malaisante et situations cocasses propres à Schmitt, sa petite musique agit comme le plus élégant des bel canto.
• La Rivale, d’Éric-Emmanuel Schmitt, éd. Albin Michel, 16,90€.
Amélie DESCROIX et Yves QUITTÉ
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