Insomnies, ça suffit !
Nous passons un tiers de notre vie à dormir, pourtant nous ne sommes pas toujours des experts en la matière. En témoignent les troubles du sommeil, qui s’aggravent souvent avec l’âge. Et si on apprenait à gérer cette partie essentielle de notre existence ?
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« La durée de sommeil nécessaire à chacun est d’environ encore cinq minutes… de plus », s’amusait le peintre Max Kauffman. Cette boutade pointe notre difficulté à mesurer nos réels besoins. Avec l’âge, nos nuits se transforment : la baisse d’activité quotidienne diminue la nécessité de récupérer et donc le temps du repos. Le sommeil devient moins profond et plus fragmenté par des éveils nocturnes. On a naturellement tendance à se lever et se coucher plus tôt que durant la vie active, quitte à piquer un petit somme réparateur en début d’après-midi (vingt minutes, pas plus !).
« Souvent, ni les idées que nous avons sur le sommeil ni le ressenti de nos nuits ne correspondent à la réalité, constate le Dr Marc Rey. Une consultation médicale et la tenue d’un agenda dédié aident à y voir plus clair. » Les spécialistes parlent d’insomnie chronique quand celle-ci survient plus de trois fois par semaine durant trois mois. Inutile d’en arriver là pour agir ! Des outils fiables existent. À chacun de les tester, de les mixer et de se reposer sur la formule qui lui convient.
Insomnies : plus de mots et moins de médicaments
Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) figurent en tête de liste des recommandations sanitaires. Sur le long terme, leur efficacité dépasse de beaucoup celle des somnifères. « L’attente des patients est de retrouver un sommeil idéal. Celle du thérapeute porte plutôt sur la modification des croyances et sur l’amélioration de la qualité de vie dans la journée », note Sylvain Dagneaux, psychologue et praticien en TCC. Le spécialiste individualise son approche. Il s’intéresse aux ressentis du patient, décrypte ses habitudes de vie et voit ce qui « cloche ». Par exemple, une personne « du soir » qui multiplie les grasses matinées et passe des heures devant un écran décale son rythme naturel. Dès lors, éveils nocturnes et coups de blues se multiplient et l’heure du lever est chaque fois repoussée.
Le psy va souligner les mauvais réflexes pour en proposer de bons : se lever comme si on allait au travail et arpenter la forêt plutôt que la Toile. Pour inscrire ces changements durablement, le soignant peut proposer l’aide de la méditation de pleine conscience, de la relaxation, de l’hypnose ou de la cohérence cardiaque. Seul inconvénients des TCC : leur coût. Elles ne sont toujours pas remboursées, sauf en hôpital de jour.
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) est une déclinaison des TCC. « On considère que ce n’est pas l’insomnie le problème, mais le fait de lutter contre elle, annonce la psychologue Sylvie Rousseau. Un éveil nocturne entraîne de l’anxiété. On s’inquiète des conséquences du manque de sommeil, on planifie la journée à venir… Ça augmente notre niveau d’éveil ! Essayer de contrôler l’insomnie la renforce. » Avec l’ACT, on cherche au contraire à accepter ce qu’on ne peut changer immédiatement. « Plutôt que de se dire “Je ne vais pas réussir à dormir”, je conseille à mes patients de faire précéder la phrase par “Ma tête me dit que…”. Ça met de la distance », explique encore la psychologue. La pratique de la méditation de pleine conscience aide aussi à rester dans le présent au lieu d’imaginer des situations angoissantes. « Pour ça, il est crucial de s’entraîner en journée : on aura de meilleurs réflexes la nuit », insiste la spécialiste.
Soigner ses journées pour améliorer ses nuits
Les bons repas font le bon dormeur. La qualité du sommeil est aussi sous influence de l’assiette. Le matin, les protéines (viande blanche, œufs, jambon) favorisent la vigilance. Le soir, on dîne deux à trois heures avant le coucher. On évite les repas trop lourds, car la digestion échauffe le corps. Les études montrent que les glucides et en particulier les féculents (sucres lents) stimulent la production de la sérotonine, elle-même indispensable à la sécrétion de la mélatonine, l’ »hormone du sommeil ». Le dîner doit aussi contenir du triptophane, un acide aminé (présent dans les légumes secs, la banane…) essentiel à la fabrication de la sérotonine. La consommation d’un peu de sucré favorise l’endormissement. Si on veut craquer pour une mousse au chocolat, c’est donc au dîner !
On se dégourdit pour mieux s’engourdir !
Les spécialistes sont formels : rien de tel qu’un entraînement physique régulier (minimum cinquante minutes, trois fois par semaine) pour améliorer les dodos. L’effet est optimal après un effort d’endurance de plus de deux heures. « La pratique physique – marche, footing léger, natation, yoga, tai-chi-chuan – a un effet anti-inflammatoire. Elle limite l’éveil et les insomnies liées aux douleurs du corps, détaille le chercheur Mounir Chennaoui. Elle diminue aussi le temps de latence avant l’endormissement. En outre, elle préserve le sommeil profond (le plus réparateur), qui a tendance à diminuer chez les seniors. »
Du yoga du soir au matin
De nombreux travaux ont montré que la discipline aide à retrouver une bonne qualité de sommeil. « La séance du matin, dynamique, « rallume le moteur ». Celle de la fin de journée va aider à s’apaiser, commente Lionel Coudron, médecin et yogathérapeute. Plus globalement, postures et exercices respiratoires favorisent la régulation du système nerveux parasympathique, qui calme l’ensemble du corps, stimule la sécrétion de sérotonine et de mélatonine. Dès qu’on s’y met, ces outils très simples agissent. »
Merci à Sylvain Dagneaux, psychologue et praticien en TCC, auteur de « Prendre en charge l’insomnie par les TCC », éd. Dunod, à Mounir Chennaoui, codirecteur de l’équipe d’accueil Vigilance Fatigue Sommeil (Vifasom) à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu et auteur du « Petit livre du sommeil », éd. First, au Dr Lionel Coudron, médecin et professeur de yoga, co-auteur de « Yoga thérapie : soigner l’insomnie », éd. Odile Jacob, à Françoise Couic-Marinier, docteure en pharmacie, co-auteure de « Aromathérapsy », éd. Terre vivante, au Dr Patrick Lemoine, psychiatre, auteur de « Docteur, j’ai mal à mon sommeil », éd. Odile Jacob, au Dr Marc Rey, neurologue, président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), auteur des « 50 règles d’or pour bien dormir », éd. Larousse et à Sylvie Rousseau, psychologue, auteure de « Cessez de nourrir votre tigre », éd. Eyrolles.
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