Immobilier : où acheter pendant la crise et comment ?
S’offrir un jardin, un balcon, une résidence secondaire… Le confinement a donné de nouvelles envies aux Français. Mais sont-elles réalisables ?
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Le marché immobilier va-t-il lui aussi souffrir de la crise sanitaire ? Après le confinement, qui avait bloqué les transactions, le temps perdu a été rattrapé. Les prix des logements en France, fin juin 2020, étaient même de 5,7 % plus élevés qu’un an plus tôt, selon l’indice Notaires-Insee. Mais les ventes s’étaient pour beaucoup décidées en début d’année, à des prix qui ne reflètent plus forcément la réalité du marché. Depuis, les aspirations des acheteurs ont un peu évolué. Et la crise économique pourrait changer la donne.
La pierre se met au vert
Les Français, après avoir été enfermés chez eux pendant des mois, veulent prendre l’air. « La demande a nettement augmenté pour les maisons, ou les appartements avec balcon, terrasse ou en rez-de-jardin. Ils se vendent plus vite, alors que les ventes des autres appartements ont chuté de 20 % », constate Souad Bacquer, de l’agence Guy Hoquet de Quimper. Ce qu’observent les agents immobiliers commence à se voir dans les chiffres. En étudiant les avant-contrats (promesses de vente) conclus de mai à juillet 2020, les notaires d’Ile-de-France ont noté que la hausse des prix des maisons allait sans doute s’accélérer jusqu’à dépasser celle des appartements dans la région, au cours des prochains mois.
À savoir. La chambre des notaires d’Île-de-France évalue la hausse du prix des maisons à 8 % entre octobre 2019 et octobre 2020, contre 7,2 % seulement pour les appartements.
Télétravail, un effet variable
Grâce au télétravail, nombre de salariés ont rêvé de s’installer au vert ou dans des villes où ils pourraient acheter plus grand. « Cela ne se voit pas encore vraiment dans les prix, peut-être parce que beaucoup d’entreprises limitent le télétravail à un ou deux jours par semaine », indique Laurent Vimont, chez Century 21.
À savoir. Toutefois, Laurent Vilmont note un regain d’intérêt pour quelques villes jusqu’à une centaine de kilomètres de Paris, comme Fontainebleau, Chantilly, Marne-la-Vallée ou Chartres.
A la campagne ou près de la mer
Depuis le printemps, les agents immobiliers en région sont très sollicités par des citadins en quête d’une maison de campagne. Toutes ces prospections n’ont pas débouché sur des achats, mais les ventes de résidences secondaires progressent. Dans la Creuse, par exemple, certaines agences enregistrent deux fois plus de transactions que l’année dernière, avec des acheteurs souvent venus d’autres départements, attirés par des prix qui restent modestes. « Il est encore difficile de savoir s’il s’agit d’un mouvement national et pérenne », indique Me Frédéric Violeau, notaire en Normandie et président de l’INDI (Institut notarial de droit immobilier).
À savoir. La demande est également forte pour les régions littorales. « C’était déjà un marché très actif, porté par l’arrivée à la retraite des enfants du babyboom », indique Loïc Cantin, président adjoint de la FNAIM. « Et comme les Français n’ont pas pu partir à l’étranger cet été, ils ont été plus nombreux à s’intéresser aux maisons sur les côtes. »
Crise économique, des effets incertains
Compagnies aériennes, pétrolières, hôtellerie, restauration, aéronautique, prêt-à-porter… Des pans entiers de l’économie ont été mis à mal, et les plans de réductions des effectifs se multiplient. Jusqu’où cette crise peut-elle secouer le marché immobilier ? « Il est plus difficile d’envisager un projet immobilier lorsqu’on a perdu son emploi ou lorsqu’on le redoute », souligne Loïc Cantin. Mais souvent, cela réduit aussi l’offre de biens : les propriétaires préfèrent attendre pour revendre. Ainsi, la machine se grippe… Ce qui peut réduire fortement le nombre de transactions, mais pas forcément les prix.
À savoir. « Pour l’instant, ce sont surtout les emplois précaires (intérim, CDD…), qui ont été touchés. Or, ces ménages ont déjà en temps normal rarement les moyens d’acheter. Cela explique le faible impact sur les prix, au moins jusqu’à présent », remarque Me Frédéric Violeau.
Des banques plus exigeantes
Aujourd’hui, les banques craignent que les ménages aient plus de mal à rembourser. Et si le marché se retournait, les emprunteurs en difficulté devraient peut-être céder leur bien à perte… Les banquiers redoublent donc de vigilance. Déjà, avant le confinement, ils avaient durci les conditions d’octroi des prêts en appliquant strictement les règles préconisées par le Haut Conseil de la stabilité financière. Ils ne veulent plus prêter si l’emprunteur dépasse un taux d’endettement de 33 % , n’a pas d’apport personnel ou veut s’endetter sur plus de 25 ans. Ils regardent aussi de plus en plus près la situation financière des emprunteurs, et même le bien à financer. « Certaines banques demandent des photos du logement, pour s’assurer de la qualité du bien avant d’accorder un prêt », observe Sandrine Allonier, du site vousfinancer.com.
À savoir. Sur vousfinancer.com, plus de 10 % des demandes de prêt n’aboutissent pas, contre 5,5 % l’an dernier. « Depuis juillet, le nombre de transactions qui échouent parce que la banque n’a pas accordé le prêt à l’acheteur a doublé », confirme Loïc Cantin. « Les agents immobiliers n’acceptent plus les propositions d’acheteurs qui veulent financer leur acquisition totalement à crédit, sans apport personnel, car ils savent que cela ne passera pas auprès de la banque », pointe Laurent Vimont, chez Century 21.
Prix, pas de dégringolade générale…
Certains spécialistes estiment que, dans ce nouveau contexte, les prix de l’immobilier, qui ont flambé ces cinq dernières années, devraient s’assagir. « En province, les agents immobiliers constatent déjà une stabilisation des prix, tandis qu’à Paris, ils voient plutôt un gros ralentissement de la hausse », indique Loïc Cantin. Meilleurs Agents estime, lui, que les prix devraient se replier d’environ 1 % d’ici à septembre 2021 en France. Mais, à l’inverse, Century 21 croit qu’ils vont continuer à progresser, mais à un rythme moins rapide.
À savoir. Dans de nombreuses villes, l’offre de logements reste insuffisante par rapport aux besoins, et les taux d’intérêt des crédits, malgré une légère remontée, sont encore très faibles. Il est donc toujours intéressant d’acheter pour ne plus être locataire, ce qui soutient les prix. …
… mais des effets segmentés
En regardant la situation de l’emploi et la tension immobilière (rapport entre la demande et l’offre), qui s’est desserrée depuis mars dans de nombreuses agglomérations, le réseau Meilleurs Agents a identifié les villes les plus exposées à une baisse des prix. En tête, Nice et Montpellier, où la valeur des biens pourrait perdre jusqu’à 2 % d’ici septembre 2021. Même si leurs marchés sont un peu moins tendus aujourd’hui, Bordeaux, Nantes, Lyon, Toulouse, Marseille ou Strasbourg devraient mieux résister, et les prix rester stables. La hausse des prix devrait se maintenir à 2 % à Paris et Rennes, et jusqu’à 4 % à Lille.
À savoir. Les ventes de biens haut de gamme et de résidences secondaires, convoitées par des acheteurs plus aisés et moins touchés par la crise économique, pourraient mieux se porter au cours des prochaines années que les autres segments de marché.
Logements neufs, une offre en berne
– 50 % : c’est la baisse des mises en vente de logements neufs enregistrée au premier semestre cette année, par rapport à l’an dernier, selon la Fédération des promoteurs immobiliers. Ce retard pourrait être comblé en 2021, en partie grâce au prêt à taux zéro et au dispositif Pinel pour l’investissement locatif. En favorisant la demande, ces mesures auront aussi pour effet de soutenir les prix. Il ne faut donc pas espérer de baisse spectaculaire.
Crédits : les gagnants et les perdants
« Les banques font toujours des efforts, avec des prêts à moins de 1 % sur vingt ans, pour les meilleurs profils : des emprunteurs aux revenus confortables, aux situations professionnelles stables, qui disposent de 10 % ou 20 % d’apport et qui remboursent en moins de vingt-cinq ans », observe Sandrine Allonier. En revanche, les crédits coûtent jusqu’à 1,8 % sur vingt ans pour les emprunteurs qui travaillent dans des secteurs touchés par la crise, ont des budgets plus serrés et peu d’apport. « Les banques veillent en outre à ce qu’il leur reste de 5 000 à 6 000 € pour parer aux coups durs (chaudière à changer, ravalement…). Elles peuvent aussi tenir compte de la nécessité d’acheter une seconde voiture, par exemple s’ils partent habiter hors du centre-ville. »
L’avis de l’expert
Quel que soit votre projet, discutez-en d’abord avec votre banquier, pour voir quelle partie de votre rêve rentre dans son plan de financement. Si vous devez revendre pour acheter, cherchez d’abord le logement qui vous conviendrait avant de mettre le vôtre en vente. Car dans les grandes villes, l’offre reste très limitée, et il serait dommage de vous retrouver à la rue. Le jour où vous mettrez votre logement en vente, restez dans la fourchette de l’estimation faite par l’agent immobilier. Les acheteurs, qui visitent des biens en savent plus sur les prix que vous. Vous quittez la ville pour la campagne ? Avant de revendre votre appartement, pourquoi ne testez-vous pas votre nouvelle vie en location ? La campagne a aussi ses contraintes…
Merci à Laurent Vimont, président de Century 21 France
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