« Game of Thrones », toujours culte ou déjà has-been ?

  • La série Game of Throne, inspirée des romans de George R. R. Martin, fête les 10 ans de son premier épisode diffusé sur HBO le 17 avril 2011.
  • La série s’est achevée en 2019 sur une huitième saison et un ultime épisode qui a divisé les fans.
  • Mais l’arrêt de la série ne signifie pas la fin de la saga : deux tomes du Trône de Fer sont attendus par les fans pour venir clôturer le récit et des spin-off comme House of the Dragons doivent voir le jour dès 2022.

Véritable rendez-vous hebdomadaire immanquable sous peine d’être excommunié de la société, Game of Thrones s’est imposée, dès sa première diffusion sur HBO le 17 avril 2011, comme la série phénomène de sa décennie. Chaque épisode était alors attendu religieusement et il fallait beaucoup de courage aux fans qui avaient le malheur d’avoir du retard dans l’histoire pour éviter commentaires, réactions et autres spoils de l’intrigue sur les réseaux sociaux.

Deux ans après la diffusion de sa huitième et dernière saison – dont l’épisode
final suivi par plus de 19 millions de téléspectateurs aux États-Unis, avait divisé des fans lors de sa sortie – Game of Thrones (ou GOT pour les intimes) continue de séduire le monde entier à coups de dragons, d’histoires de pouvoir, et manipulations…

Et HBO compte bien surfer encore quelque temps sur le succès de sa série, adaptée des romans Le Trône de Fer de George R. R. Martin. À l’occasion des 10 ans du premier épisode, la chaîne américaine a annoncé une
soirée spéciale pour célébrer l’événement. Au programme entre autres : un « Marathrone », un marathon de visionnage de la série de la saison 1 à 8 dont les fonds seront reversés à 10 associations.

Quant à OCS, le diffuseur français exclusif de GOT, il rendra hommage à la série le 17 avril à travers une soirée spéciale de deux heures, Game of Thrones : la série de la décennie. De quoi faire patienter les fans en attendant la sortie en 2022, de House of the Dragons, une série spin-off annoncée par HBO qui revient sur les origines de la Maison Targaryen.

Un succès historique

Game of Thrones c’est 47 récompenses aux Emmy Awards, une diffusion dans plus de 200 pays, un chiffre d’affaires annuel pour HBO estimé à 1 milliard de dollars, un budget de 15 millions de dollars par épisode pour l’ultime saison… Mais c’est avant tout un livre : Le Trône de Fer – écoulé à plus de 85 millions d’exemplaires dans le mondedans lequel son auteur, George R. R. Martin, réalise un savant mélange entre la fantasy, genre très fédérateur, et des inspirations puisées dans l’Histoire.

Pour Florence Lottin, directrice éditoriale chez Pygmalion – maison d’édition française du Trône de Fer – c’est ce « réalisme » historique présent dans les livres qui explique le succès de la saga en France. « À la différence de Tolkien, également un pilier de l’heroic fantasy, George R. R. Martin, propose un univers magique mais suffisamment ténu pour être proche de notre monde, notamment en faisant écho à certains pans de l’Histoire », explique la directrice éditoriale.

En effet, l’une des inspirations majeures du Trône de Fer est l’histoire de France avec l’ouvrage Les Rois maudits de Maurice Druon. Un choix qui contribue également à l’engouement autour de la saga, selon Florence Lottin. « Les jeux de pouvoir ont toujours fasciné et la passion de George R. R. Martin pour l’histoire a apporté un aspect géopolitique à son récit. Grâce à cette richesse de thématiques, la saga contient les ingrédients idéaux pour plaire à un large public : des trahisons, des successions et des intrigues très fortes », détaille-t-elle.

Pour Aurélie Paci, coautrice des Mystères du Trône de Fer – Tome 2, La Clarté de l’histoire, la brume des légendes, la série attire également grâce à son côté logique et vraisemblable et à ses antihéros que l’on retrouvait jusqu’à présent dans Breaking Bad ou Les Soprano (anciennement série la plus regardée de HBO avant d’être détrônée par Game of Thrones en 2014). « Les personnages ont des réactions très humaines. Lorsque l’un d’entre eux commet une action, il en paye le prix et n’est pas sauvé par le scénario. Le spectateur peut alors facilement rentrer en empathie avec eux », déclare Aurélie Paci.

Une série portée par Internet

Jusqu’en 2019, Game of Thrones se plaçait en tête des séries les plus
piratées au monde en franchissant la barre des 1 milliard de vues illégales pour sa 7e saison. Grâce à son format hebdomadaire, Game of Thrones a profité de l’avènement du streaming et des réseaux sociaux pour développer sa communauté virtuelle présente chaque semaine pour débattre, dès la sortie d’un épisode, des nouveaux morts et des intrigues de celui-ci.

Dès lors, des groupes de fans ont émergé rapidement sur les réseaux sociaux. En France, le plus notable d’entre eux est « La Garde de Nuit », en référence à la Night’s Watch, organisation militaire issue de la série. Créé à l’origine en 2005 pour que les fans des livres Le Trône de Fer puissent échanger et regrouper des connaissances sur les ouvrages, le groupe est devenu en peu de temps le site francophone de référence sur Game of Thrones notamment grâce à son
encyclopédie en ligne très complète, enrichie par les fans.

« Au départ nous étions une centaine de membres. Mais dès la diffusion du premier épisode, la fréquentation du site a explosé avec un nombre de visiteurs quotidien qui est monté jusqu’à 50.000 pour la 8e saison. Avec le temps, le profil type du fan s’est rajeuni et on a aussi vu beaucoup de profs d’histoire consulter notre site », sourit Aurélie Paci, également vice-présidente de la Garde de Nuit.

Vers une baisse du phénomène ?

Avec l’arrêt de la saga sur une dernière saison et un ultime épisode globalement très critiqués par les fans, Game of Thrones doit-elle s’inquiéter pour sa popularité dans les années à venir ? « Très honnêtement je ne pense pas, déclare Florence Lottin, directrice éditoriale chez Pygmalion, Tout comme le Seigneur des Anneaux n’est jamais passé de mode, Game of Thrones restera selon moi toujours une référence. D’autant plus que la saga littéraire n’est pas terminée. Il reste encore deux tomes pour boucler le récit », ajoute-t-elle.

Sur les réseaux, les fans ne manquent pas de créativité et n’hésitent pas à utiliser l’humour pour renouveler l’univers GOT et le faire perdurer malgré l’arrêt de la série. En février 2019, peu avant la sortie de la 8e et ultime saison, Oscar A. se lance dans la création d’un « Neurchi de Game of Thrones » sur Facebook. Les « Neurchi » – verlan de « chineur » – sont des groupes en ligne spécialisés sur lesquels des passionnées d’une thématique échangent et partagent des contenus humoristiques (memes) souvent issus de la culture Web. « L’attachement à certains protagonistes comme Tywin et Tyrion Lannister permet d’exacerber leurs qualités et leurs défauts dans les memes, et c’est ce qui a le plus de succès », indique Oscar A.

Sur « Neurchi de Game of Thrones », les plus de 10.000 membres s’amusent donc à tourner des personnages ou intrigues en dérision via des montages pour continuer à les faire vivre. « Avec le rythme effréné des sorties de séries actuelles, il est évident que GOT disparait peu à peu des mémoires à courts termes des fans. Il faut donc trouver des alternatives pour maintenir la hype Game of Thrones », explique Oscar A.

De nouvelles séries dérivées, comme House of the Dragons basés sur les préquels du récit de George R. R. Martin, comptent également redorer cette « hype » d’ici 2022. Mais pour Aurélie Paci, si HBO veut espérer fédérer autant de monde avec ces prochaines sagas, la chaîne devra placer la barre très haut : « HBO tente de faire avec Game of Thrones ce que Disney fait déjà avec Marvel ou Star Wars. Or ces spin-off vont arriver dans un contexte de concurrence et de surenchères au nombre de séries sur les plateformes. Il faudra donc éviter un effet de lassitude vis-à-vis du public qui garde en mémoire la déception de la fin de la saison 8. Cette fois-ci, HBO n’aura pas le droit à l’erreur. »

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