Fugue chez l’ado : reconnaître les signes, comment réagir ?
Chaque année, 57 700 fugues sont signalées en France, soit 150 fugues par jour. La plupart du temps, les adolescents cherchent à "fuir une réalité dans l’espoir de vivre autrement". Le point avec le psy Xavier Pommereau, consulté pour réaliser la fiction "La Fugue", diffusée ce 6 janvier à 21h05 sur France 2.
- Pourquoi un ado fugue-t-il ?
- Fugue : à quel âge ?
- Signes avant une fugue
- Comment réagir ?
- Mon enfant a fugué : que faire ?
- Conséquences sur la famille
- Comment éviter une récidive ?
- 2 fugueurs sur 3 sont des filles
- Fugue : que dit la loi ?
En France, 57 700 fugues sont signalées chaque année, soit 150 fugues par jour. Mais un tiers des fugueurs ne sont pas retrouvés dans les six mois qui suivent. En fuguant, les adolescents cherchent à créer une rupture brutale, pour mettre un terme à leur mal être. Quelles sont les causes d’une fugue chez l’adolescent, quel message l’ado souhaite-t-il faire passer ? Comment réagir en tant que parents et gérer son retour à la maison ? Consulté pour la réalisation de la fiction « La Fugue », diffusée ce 6 janvier à 21h05 sur France 2, le psy Xavier Pommereau* nous livre ses conseils.
Pourquoi un ado fugue-t-il de chez lui ?
« La fugue, comme d’autres passages à l’acte à l’adolescence, c’est d’abord la volonté de rompre avec le mal-être. La fugue fait d’ailleurs partie des premiers signes de mal-être chez l’adolescent, et il est important de ne pas le banaliser », précise Xavier Pommereau, spécialiste des adolescents au CHU de Bordeaux. Par ailleurs, « un ado ne fugue pas pour faire de la peine à ses parents, mais il espère secrètement que cette fugue va changer les choses : on va se rendre compte qu’il est mal, on va le prendre au sérieux, lui venir en aide« . Mais si le passage à l’acte soulage sur le moment, l’ado se rend vite compte que son mal-être est toujours présent, et espérera alors qu’on vienne le rechercher.
Par ailleurs, certaines causes peuvent accentuer le mal-être de l’enfant, comme les séparations parentales par exemple. « Lorsque l’un des parents refait sa vie, que le père accueille un enfant avec une autre femme, l’ado a l’impression qu’il n’a plus sa place, qu’il ne va plus être aimé et que quelqu’un d’autre va prendre sa place ». Il y a également (comme dans le téléfilm La Fugue), la fréquence des violences sexuelles dans l’enfance ou au début de son adolescence, ajoute le spécialiste. « L’ado se sent sali, il ne peut plus se supporter et la fugue est pour lui un moyen d’y échapper ». Parmi les autres causes : la maladie de l’un des parents, le harcèlement, le cyberharcèlement, ou encore les violences familiales qui poussent l’enfant à rompre avec cette difficile réalité.
A quel âge un ado fugue-t-il de la maison ?
C’est souvent à partir de 12, 13 ou 14 ans, pendant les années au collège que les adolescents commencent à fuguer.
Quel sont les signes à repérer avant une fugue ?
Les signes avant-coureurs font eux aussi référence à la rupture. Il peut s’agir de scarifications par exemple, souvent associées aux fugues. « Une jeune fille qui se scarifie et qui est en mal-être, les clash et autres ruptures brutales avec l’entourage ou les amis (alors que tout allait bien), un ado qui s’enferme dans sa chambre… Toutes ces formes de ruptures sont des signaux qui signifient que l’ado va mal, qu’il veut mettre un terme à son mal-être et couper court à cette situation qu’il ne supporte plus, explique le psy Xavier Pommereau. A l’école, la baisse des résultats scolaires, n’est pas typique des ados qui décident de fuguer, note le spécialiste. Ce qui sera plus fréquent en revanche, c’est l’absentéisme : « les mots d’absence, le lycée qui contacte les parents pour dire qu’il ne s’est pas rendu à l’école… L’absentéisme scolaire est déjà une forme de fugue ».
Mon enfant va mal, menace de partir, comment réagir ?
Le spécialiste recommande aux parents d’être attentifs à l’entourage de l’enfant, aux amis ainsi qu’aux frères et sœurs qui peuvent être témoins d’un certain nombre de choses. « Ce n’est pas rare que les amis, eux aussi soucieux, confient leur inquiétude aux parents ». Et bien qu’ils soient portés sur le numérique, il arrive même que les ados laissent des mots sur la table du salon en mettant ce qu’ils ressentent sur papier. « personne ne me comprend », « j’en ai marre, si ça continue, je vais m’en aller« . Ces menaces doivent être prises au sérieux car « s’en aller » peut être synonyme de faire une fugue et dans le pire des cas faire une tentative de suicide.
Ce qu’il ne faut surtout pas faire : c’est gronder son ado, ou banaliser la situation, prévient le psy. Car s’il est réprimandé, « l’ado ne va plus rien vouloir dire, il va se sentir jugé, étiqueté. Il faut pouvoir manifester son inquiétude, lui parler et lui proposer de se faire aider, tous ensemble, par un psychologue« . Une bonne manière de faire ressortir des choses que l’adolescent ressentait jusqu’alors et n’osait aborder avec ses parents.
Beaucoup de fugues sont de proximité : l’ado se rend chez son meilleur ami. Mais le risque principal d’une fugue, c’est lorsque le jeune part plus longtemps, avec cette volonté de « se casser », et c’est dans une telle situation qu' »il risque de faire de mauvaises rencontres et se mettre en danger« , explique Xavier Pommereau. |
Mon enfant a fugué : que faire ?
Les parents dont l’enfant a quitté le domicile commencent par le rechercher. D’abord en contactant les amis, les voisins, et la famille de l’enfant. « Quand on est parents d’un ado, il est d’ailleurs toujours nécessaire d’avoir les numéros de portable des amis« , conseille-t-il. Vous devez également le rechercher dans les lieux qu’il a l’habitude de fréquenter (un parc, près de l’école, du terrain de sport, dans le quartier…) ou auprès de l’établissement qui en a la garde (centre aéré, école…) en vous renseignant sur l’heure à laquelle votre enfant est reparti seul.
Evidemment, si personne ne sait où se trouve l’enfant, si vous pensez à une fugue, ou en cas d’informations inquiétantes, il convient de signaler la fugue auprès de la police. « Le signalement en lui-même est une forme de reconnaissance de la gravité du passage à l’acte, une manière de montrer qu’on prend son ado au sérieux, quitte à ce que des retrouvailles se passent au commissariat ». Pour autant, il est difficile pour les forces de l’ordre de prendre au sérieux toutes les fugues, précise le spécialiste : ils attendent généralement des signes de gravité : lettre d’adieu, scarification ou antécédents de tentatives de suicide doivent donc être signalés. Enfin, munissez-vous d’une photo récente de votre enfant avant de vous rendre au commissariat ou à la gendarmerie la plus proche de chez vous.
Fugue : quelles conséquences sur les parents, la famille ?
« Il y a tout d’abord un sentiment d’impuissance, le fait de n’avoir pas vu à quel point son ado n’allait pas bien, mais aussi la culpabilité, qui va être déclenchée par une idée fausse : celle que les fugueurs sont « des cassos ». Quand les parents se rendent au commissariat, ils ont le sentiment d’être de mauvais parents et craignent le regard de l’entourage« , explique Xavier Pommereau. Ainsi, la fugue attaque beaucoup les adultes sur leur parentalité. Et en cas de séparation parentale, la fugue alimente les disputes avec l’autre parent qui n’en avait pas la garde à ce moment-là. « Il faut aussi dire aux parents qu’on a le droit de se désaimer, de se séparer, mais on ne peut pas devenir ex-parent, il faut respecter l’autre dans ce statut« , conseille-t-il. Enfin, toute la famille est bouleversée, y compris les fratries. « Les frères et sœurs se sentent parfois aussi coupables de ne pas avoir vu ou dit aux parents à quel point l’adolescent n’allait pas bien, ou de n’avoir pas signalé la fugue assez tôt alors qu’ils étaient au courant« .
Après une fugue, comment rétablir le dialogue et éviter une récidive ?
Là encore, il ne faut surtout pas gronder ou culpabiliser l’enfant. « Il faut pouvoir débriefer au calme, réfléchir et se poser, en lui disant par exemple : « on n’a rien vu, on est des parents aveugles, on ne s’est pas rendus compte que tu allais mal, est-ce qu’on peut en parler un peu, depuis combien de temps est-ce que tu estimes que ça ne va pas ? Est-ce qu’on peut changer des choses ? etc.« . L’adolescent peut à ce moment se sentir reconnu, écouté et se livrer plus facilement à ses parents. Il est donc essentiel « d’essayer de trouver des solutions, de comprendre quelles sont les causes de son mal-être, de voir aussi comment ils peuvent avoir à remettre en question certaines choses, et se faire aider par un psychologue« , sans qu’il s’agisse toutefois d’une punition. Plutôt lui proposer donc : « puisque tu ne vas pas bien, faisons-nous aider par quelqu’un ». Ainsi, la situation est pacifiée, l’adolescent « ne se sent plus le seul objet d’examen, et cela peut l’aider ensuite à accepter un suivi« .
2 fugueurs sur 3 sont des filles : comment expliquer qu’elles fuguent davantage que les garçons ?
« Les garçons sont plus dans la rupture antisociale : quand ils vont mal, ils auront plus tendance à taguer, faire des actes de vandalisme, manifester de la violence physique ou « se déchirer » en consommant de l’alcool et des drogues, tandis que la jeune fille est plus concentrée sur son corps. Elle va se scarifier, se retourner contre elle-même« , explique Xavier Pommereau.
Fugue : que dit la loi ?
Il faut savoir qu’une fugue ne représente pas un délit en France. Pour autant, les parents sont responsables de leurs enfants devant la loi.
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*Xavier Pommereau est psy, coordonnateur d’un hôpital de jour pour les 13-25 ans à la clinique Béthanie, et auteur de plusieurs ouvrages sur l’adolescence.
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