Fortnite : les jeux vidéo rendent-ils les ados dépendants ?

Brigitte Macron s’est inquiétée de la dépendance au jeu Fortnite alors que l’OMS a récemment reconnu l’addiction aux jeux vidéo comme une pathologie. Ces jeux ont-t-il un impact sur la perception de la violence ? Réponses du Dr Rocher, psychiatre addictologue, et du Dr Picherot, pédiatre.

  • Trouble du jeu vidéo
  • Addiction aux jeux vidéo
  • Conséquences des jeux de guerre
  • Addiction Fortnite : que faire ?
  • Age minimum Fortnite

[Mise à jour du 8 février à 9h56]. Ce 3 février 2021, lors d’une visite à la Maison des adolescents de Blois, Brigitte Macron a exprimé son inquiétude concernant l‘addiction aux jeux vidéos qui concerne de nombreux adolescents. « Fortnite, c’est terrible… Quand ils sont sur des jeux comme ça, comment faire pour qu’ils arrêtent ?« , s’est ainsi demandée la Première dame. « Il faut être particulièrement attentif à eux en ce moment. L’adolescence est déjà un âge qui n’est pas simple… Avec cette crise, c’est encore plus compliqué« , a ajouté Brigitte Macron selon La Nouvelle République. Une prise de position qui n’a pas vraiment plu aux gamers, qui dénoncent une critique injuste de Fortnite alors que la jeunesse française est confrontée à de nombreux autres problèmes beaucoup plus graves, estiment-ils. Certains psychologues considèrent aussi que ce jeu vidéo est un bouc émissaire trop facile. « Est-ce le jeu vidéo qui entraîne l’échec scolaire, ou l’échec scolaire qui amène l’adolescent à surinvestir le jeu vidéo ?« , se demande ainsi Niels Weber, psychothérapeute et spécialiste des addictions aux écrans, dans Le Monde. Pour autant, cette remarque n’est pas sans fondement, puisque l’OMS a récemment reconnu l’addiction aux jeux vidéo comme une pathologie.

Trouble du jeu vidéo : qu’est-ce que c’est ?

Pour autant, l’addiction aux jeux vidéo a été officiellement reconnue comme une pathologie par l’Organisation mondiale de la Santé le 25 mai 2019. Le « trouble du jeu vidéo » a donc intégré la 11e classification internationale des maladies, qui n’avait pas été réactualisée depuis 1990. Cette nouvelle maladie « se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables », précise l’OMS. Quelles limites fixer à son enfant ? On fait le point avec le Dr Bruno Rocher, psychiatre spécialisé en addictologie. et le Dr Georges Picherot, pédiatre et représentant de la Société Française de Pédiatrie à l’Observatoire Nationale de la Protection de l’Enfance*. 

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Est-il vraiment accro aux jeux vidéo ?

Difficile de faire la différence entre un usage normal et une pratique potentiellement problématique, voire addictive (appelée gaming disorder selon la dénomination anglaise officielle) ? « Cette question est d’ailleurs actuellement en train d’être débattue par des spécialistes, même si ça l’est moins suite à la décision prise par l’OMS« , explique le Dr Rocher. Toutefois, la pratique peut être considérée comme problématique, si le joueur réunit tous ces comportements :  

  • Si la pratique des jeux vidéo de votre enfant ou de votre ado a des conséquences pour lui ou pour vous. C’est-à-dire, « s’il y a une véritable souffrance individuelle ou familiale en lien avec l’utilisation de jeux vidéo« , précise le Dr Rocher. Et d’ajouter que « ce n’est pas seulement le joueur qui détermine si sa pratique est excessive ou non, le point de vue de l’entourage est extrêmement important.« 
  • S’il joue pendant une longue durée : « l’OMS a fixé cette durée à 12 mois, une durée qui donne une certaine massivité à la problématique. On ne parle pas d’une utilisation qui va durer un weekend ou juste le temps des vacances scolaires, mais d’une pratique qui s’inscrit dans la durée. A partir de ce moment-là, on peut considérer que l’usage est excessif« , explique le spécialiste. 
  • Si le jeu l’obsède et prend une place centrale dans son quotidien. Autrement dit, « dès qu’il a un moment de libre, il joue ou s’il est occupé à autre chose, son esprit se concentre sur les parties qu’il a déjà jouée ou celles à venir« . 
  • S’il y a un impact négatif sur le développement individuel, physique et social de l’enfant. Autrement dit, le jeu est problématique lorsqu’il a des conséquences négatives sur son investissement familial, scolaire ou social.
  • Sil n’arrive pas à arrêter de jouer de manière durable, malgré vos avertissements et la connaissance du caractère problématique du jeu. « Il fait des tentatives d’arrêt, mais celles-ci sont inefficaces sur le long terme« , précise l’expert. 

En somme, il faut bien faire la différence entre temps de jeu excessif et addiction, un phénomène complexe qui dépend de multiples facteurs et qui doit être caractérisé médicalement. Rassurez-vous, la surconsommation de jeux vidéo est fréquente, mais la véritable addiction reste rare. Toutefois, mieux vaut privilégier une pratique sereine et régulée qu’une consommation excessive sur le long terme qui elle, nécessiterait de consulter un spécialiste. 

Jeux de guerre : quelles conséquences sur sa perception de la violence ? 

« Les jeunes sont en effet souvent attirés par les jeux vidéo qui dépassent les limites de la réalité, comme les jeux violents; les jeux de combats, les survival horror, les jeux d’action ou de guerre et cela n’a rien d’inquiétant en soi« , explique le Dr Picherot. Mais ces jeux vidéo, particulièrement ceux à la « première personne » (quand le joueur incarne le personnage qu’il contrôle) banalisent-ils la violence ? « Il n’y a encore pas d’études sur le sujet. Pour le moment, on est sur des aspects non tranchés et très débattus« , soutient d’emblée le Dr Rocher. « Concrètement, nous ne savons pas encore si l’utilisation d’un jeu violent va faire pencher la balance du fonctionnement d’un individu vers des comportements négatifs (attitudes plus violentes envers les autres, idées noires, comportements cyniques…) ou s’il s’agit d’un exutoire capable d’apaiser une violence interne« . En somme, la violence pourrait être soit contenue chez certains jeune ou au contraire débridée. 

« La plupart des joueurs parviennent à trouver des ressources en eux pour se maîtriser et contrôler leur agressivité »

Mais pourquoi est-il si compliqué d’évaluer les conséquences que pourrait avoir la pratique excessive d’un jeu vidéo violent ? « C’est en fait très difficile d’uniformiser les populations et extrêmement dur de comparer, par exemple, l’impact sur un adolescent de 18 ans fragile moralement ou évoluant dans un milieu éducatif déséquilibré et celui sur un enfant de 9 ans sans carence affective« . Le contexte dans lequel l’enfant ou l’ado joue est donc particulièrement influençant. Autrement dit, « chaque joueur gère ses pulsions et ses tensions différemment : quand certains jeunes, plus vulnérables à la violence et dont les jeux vidéo sont potentiellement les seuls temps récréatifs, succombent facilement à une impulsivité, la plupart parviennent à trouver des ressources en eux pour se maîtriser et contrôler leur agressivité », rassure le pédiatre. Par ailleurs, la durée de jeu est un paramètre tout aussi important : « a priori, jouer une heure à un jeu violent ne semble pas problématique, ni inquiétant. En revanche, passer 4-5 heures devant un écran est fatigant pour le cerveau et impacte forcément la capacité cérébrale à réguler ses tensions ou ses pulsions« , précise le Dr Rocher. « Regarder des images violentes n’est donc pas forcément associé à des comportements violents. En revanche, les jeux violents sont excitants et cela impacte forcément la qualité du sommeil de l’enfant, surtout s’il joue juste avant de dormir. Enfin, la lumière bleue émise par les écrans peut diminuer la production de mélatonine, l’hormone régulant le sommeil« , enchérit le Dr Picherot. Donc, mieux vaut éviter de jouer le soir, conseille-t-il. 

Il a une addiction à Fortnite, que faire ?

Jeu en réseau, stratégie : comprendre ce qui l’attire

Il faut déjà essayer de comprendre ce qui motive un enfant ou un ado à passer beaucoup de temps devant les jeux vidéo. Est-ce la stratégie du jeu qui l’intéresse ? Est-ce le fait qu‘il joue en réseau, avec d’autres copains ? Est-ce qu’il se sent plus détendu après avoir joué ? Est-ce qu’il joue car autrement il s’ennuie ? Posez-lui des questions et surtout, « intéressez-vous à sa pratique, comme vous le feriez pour n’importe lequel de ses hobbies« , insiste le Dr Picherot. Alors pourquoi ne pas faire une partie avec lui ou le regarder jouer un petit quart d’heure ? Ce moment – valorisant pour l’enfant – sera propice à un échange et pourra vous rassurer sur ses motivations. « Même si la plupart des jeunes savent bien faire la distinction entre le jeu et la réalité, c’est l’occasion de lui rappeler les différences entre le vrai et le virtuel et surtout, de discuter avec lui des dangers, de l’importance du respect et de souligner la gravité des comportements violents« , ajoute-il. 

Ne pas diaboliser Fortnite

Surtout, « ne diabolisez pas les jeux vidéo« , recommande le Dr Picherot. Il faut aussi les percevoir comme des jeux de stratégie et de réflexion. Ils peuvent favoriser la logique et le sens de l’observation. Fornite par exemple, apprend à l’enfant à construire des abris, à fabriquer des armes ou des pièges à partir de différentes ressources. Ensuite, il doit les gérer et mettre en place une stratégie pour combattre d’autres joueurs et gagner du terrain. Il y a donc un véritable challenge.

Évitez de frustrer votre enfant

Concrètement, n’éteignez pas sa console ou son ordi en pleine partie, mais « déterminez ensemble des règles (une heure d’arrêt, à quels jeux peut-il jouer et quand (seulement le weekend, 30 minutes après les devoirs, un peu plus pendant les vacances)…) comme vous le ferez pour la vie de famille, en voiture, à l’extérieur ou pour n’importe quelle activité« , précise le pédiatre. Par exemple, « après ce niveau ou dans 10 minutes, tu arrêtes de jouer ». Et s’il n’en fait qu’à sa tête et qu’il continue, là, stoppez le jeu. Concernant le temps d’écran, « une heure d’écran par jour (tous écrans confondus) est amplement suffisant pour les enfants de 3-4 ans, et deux heures maximum pour les enfants à partir de 5 ans », préconise le pédiatre. 

A quel âge peut-on jouer à Fortnite ou Call of Duty ?

Difficile d’évaluer l’âge minimum d’un jeu. Pour vous donner un ordre d’idée, référez-vous à la signalétique PEGI, un système européen qui estime l’âge minimum d’utilisation d’un jeu vidéo et non en fonction de son niveau de difficulté. Ces carrés apposés sur les boîtes des jeux vidéo donnent des points de repère aux parents et les aident à décider s’ils doivent ou non acheter un produit particulier. 

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Ce pictogramme, présentant un poing fermé, présent sur certains jeux, signifie que le jeu contient des scènes de violence. Si le jeu est classé PEGI 7, les scènes de violence ne peuvent être ni réalistes ni détaillées. Si le jeu est classé PEGI 12, il peut contenir de la violence dans un environnement imaginaire ou une violence non réaliste par rapport à des personnages à figure humaine, alors que s’il est classé PEGI 16 ou 18, il contient des scènes de violence de plus en plus réalistes. Enfin, le site Pédagojeux – qui réunit des acteurs associatifs, des spécialistes de la protection des mineurs et de la famille, des institutions publiques et des acteurs du jeu vidéo – vous aide à gérer au mieux cette activité numérique. Comment ? En mettant à votre disposition plusieurs fiches pratiques (le jeu vidéo et l’âge, le jeu vidéo et le sommeil…) qui répondent aux questions les plus courantes.

*Propos recueillis en octobre 2018.

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