Exposition à la pornographie : un site pour protéger les enfants

Dès l’âge de 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à la pornographie, le plus souvent de manière accidentelle. A l’occasion du Safer Internet Day, le gouvernement lance le site www.jeprotegemonenfant.gouv.fr, à destination des parents, pour lutter contre l’exposition des jeunes à la pornographie en ligne. Entretien avec Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles.

  • Enfant et pornographie : à quel âge ?
  • Conséquences
  • Banalisation de l’acte sexuel
  • Limiter l’accès des mineurs à la pornographie
  • Sensibiliser les parents
  • Jeprotegemonenfant.gouv.fr
  • Sensibiliser les enfants
  • Covid, confinement et écrans

Exposition à la pornographie : à quel âge ?

[Mise à jour du 8 février à 10h]. Alors que les enfants sont de plus en plus connectés et possèdent leur propre smartphone, il est parfois difficile pour les parents de contrôler le contenu qu’ils consultent sur le net. Dès l’âge de 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à la pornographie. La première exposition à la pornographie arrive parfois même avant 12 ans, et elle est très souvent involontaire : un jeune sur deux affirme être tombé dessus par hasard, et plus de la moitié estime avoir vu ses premières images pornographiques trop jeune. Pour autant, peu de parents en sont conscients : seulement 7% d’entre eux estiment que leurs enfants regardent de la pornographie au moins une fois par semaine.

« L’exposition des enfants à la pornographie fait partie des sujets qui me préoccupent  tout particulièrement : les chiffres nous montrent qu’il y a une exposition de plus en plus importante et de plus en plus précoce à du contenu pornographique, nous précise Adrien Taquet. « C’est une forme de violence : à 11 ans, le cerveau d’un enfant n’est pas suffisamment mature pour accueillir ce type d’images » estime le secrétaire d’État en charge de l’Enfance et des Familles. 

Exposition des enfants à la pornographie : quelles conséquences ?

« Au-delà d’être violents pour leur cerveau encore en développement, ces contenus façonnent un certain nombre de choses dans leur représentation, comme leur propre identité sexuelle ainsi que leur rapport à l’autre : leur rapport à la femme, ou à l’homme« , précise Adrien Taquet. Sans compter que « certains contenus sont fondés sur des rapports de domination« , ce qui représente un obstacle à l’égalité entre les femmes et les hommes : la majorité des contenus pornographiques aujourd’hui tend en effet à valoriser la domination masculine et des scènes de violences à l’égard des femmes. Des images qui influencent les plus jeunes.

Et il suffit de sonder les enfants pour constater que la plupart d’entre eux sont choqués par les contenus en ligne qu’ils ont pu voir, ou estiment que c’était trop tôt. Dans un communiqué du 8 février, le gouvernement précise qu’une exposition prématurée aux contenus pornographiques a des conséquences sur le développement psychologique des enfants : choc ou traumatisme, notamment lorsqu’il s’agit d’une exposition involontaire. Aussi, près d’un quart des jeunes déclarent que la pornographie a eu un impact négatif sur leur sexualité en leur donnant des complexes et 44% des jeunes ayant des rapports sexuels déclarent reproduire des pratiques qu’ils ont vues dans des vidéos pornographiques.

Banalisation de l’acte sexuel, augmentation de la prostitution infantile

Par ailleurs, « la diffusion massive de la pornographie auprès de nos enfants contribue à une forme d‘hypersexualisation de la société auprès des plus jeunes, qui n’est pas en faveur de la protection des enfants« , ajoute Adrien Taquet. Il s’inquiète également de l’augmentation de la prostitution infantile, sous des formes que l’on ne soupçonnait pas ou peu jusqu’à présent. « On voit des enfants, de 13 ou 14 ans qui banalisent totalement l’acte sexuel, et qui se livrent à des actes sexuels dans les toilettes contre quelques euros« . Selon les associations, près de 10.000 enfants auraient des comportements prostitutionnels. « Des parents nous apportent des témoignages, on nous remonte des cas à l’Education nationale, dans les tribunaux… C’est un phénomène en pleine explosion, qui touche tous les milieux sociaux », nous précise le secrétaire d’État. Fin 2020, il a d’ailleurs chargé Catherine Champrenault, présidente de la Cour d’appel de Paris, de faire des recommandations sur ce sujet inquiétant.

Quelles mesures sont mises en place pour limiter l’accès des mineurs à la pornographie ?

« Il faut actionner tous les leviers à notre disposition pour agir et diminuer l’exposition des enfants à la pornographie. Cela concerne à la fois tous les acteurs de la chaîne. En ce qui concerne la répression, la loi du 30 juillet 2020 vise à responsabiliser et à sanctionner les éditeurs de contenus. Il y a 30 ans, un article du code pénal prévoyait déjà de punir le fait de faciliter l’exposition des enfants à la pornographie. Le dispositif législatif de l’été dernier réaffirme donc ce principe, en précisant que le « disclaimer » (une bannière censée vérifier l’âge des enfants en cliquant sur un bouton pour affirmer que l’on a moins de 18 ans, ndlr), ne suffisait pas pour protéger les enfants contre l’exposition à ces sites pornographiques« , explique Adrien Taquet. « Cette nouvelle base juridique permet désormais aux associations de saisir le CSA, qui pourra faire état du non-respect par les sites de leur obligation de protection des mineurs ». Par conséquent, si les sites en question ne réagissent pas, « le CSA pourra alors saisir la justice, auprès du Tribunal d’Instance« . 

Rappelons qu’en décembre 2020, trois associations avaient décidé de saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour obtenir le blocage de six sites pornographiques ne vérifiant toujours pas l’âge de leurs utilisateurs. L’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open), l’Union nationale des associations familiales (Unaf) et le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant (Cofrade) avaient rappelé que les sites visés étaient « en infractions et susceptibles de poursuites ». Il s’agissait notamment de trois déclinaisons du site Jacquie et Michel ainsi que Pornhub.

Exposition des enfants à la pornographie : comment sensibiliser les parents à cette problématique ?

« Il ne s’agit pas d’un déni, je pense que les parents ne se rendent pas compte à quel point et avec quelle facilité leurs enfants sont exposés à ces contenus pornographiques. Il faut sensibiliser les parents sur cette question ». C’est notamment l’objet d’un nouveau spot qui sera diffusé à partir de mardi 9 février. 

Il vise à sensibiliser les parents à l’exposition de leurs enfants, alors que ces derniers sont encore en âge de se poser des questions sur la conception. A table, une petite fille demande à ses parents « comment on fait les bébés ». Une question que tous les enfants de son âge se posent de manière innocente. Ses parents n’ont pas le temps de lui donner d’explications : son frère, à peine un peu plus âgé, se charge de la réponse… pour le moins déconcertante :

« Mais il faut aussi leur apporter des solutions, et des outils pratiques pour les aider à protéger leurs enfants« , précise Adrien Taquet. Par ailleurs, la lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie a été annoncée comme une priorité par Emmanuel Macron fin 2019. C’est pourquoi Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, et Adrien Taquet lancent ce 9 février, à l’occasion du Safer Inter Day, le site : www.jeprotegemonenfant.gouv.fr.

Jeprotegemonenfant.gouv.fr : un site pour lutter contre l’exposition des jeunes à la pornographie

Le site www.jeprotegemonenfant.gouv.fr, disponible dès mardi 9 février, informe, conseille et accompagne les parents sur la mise en place du contrôle parental. « Je suis persuadé que le contrôle parental est un des outils qui permettra aux parents de mieux protéger leurs enfants« , estime Adrien Taquet. « Pour la première fois, nous avons intégré tous les acteurs : téléphonie, moteurs de recherches, plateforme de réseaux sociaux, associations, fournisseurs d’accès à Internet… Ils ont mené des travaux qui aboutissent à ce site, et à l’élaboration d’un baromètre avec des chiffres plus précis quant à l’utilisation du contrôle parental. Il s’agit pour l’instant d’une démarche volontariste. Si cela ne suffit pas, nous irons peut-être un cran plus loin sur la contrainte pour imposer l’utilisation du contrôle parental.

A noter que jusqu’à présent, il n’existait pas de site à destination des parents pour les accompagner dans cette démarche de prévention. Ce site, conçu pour les parents, leur explique comment mettre en place des outils de contrôles parentaux adaptés selon leurs besoins, leurs équipements, l’usage et l’âge des enfants. Il propose également des contenus d’éducation à la sexualité pour libérer la parole entre parents et enfants.

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Comment sensibiliser les enfants qui utilisent internet ou les réseaux sociaux ?

De manière globale, les parents ont un rôle à jouer en sensibilisant leurs enfants « à tous types de violences auxquels ils peuvent être confrontés », précise Adrien Taquet. Comme pour le cyberharcèlement, le harcèlement scolaire, ou encore les violences sexuelles, « on réfléchit, au sein du gouvernement, notamment avec Jean-Michel Blanquer, pour voir comment on pourrait sensibiliser davantage et de manière encore plus systématique, les enfants à toutes formes de violences dont ils pourraient être les victimes. Très tôt, on peut commencer à parler aux enfants de la question de consentement, du rapport au corps ». 

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L’impact du Covid est la thématique de la journée de sensibilisation Safer Internet Day. Qu’il s’agisse de leur temps libre ou des cours à distance, les jeunes ont pour la plupart passé beaucoup plus de temps sur les écrans. « A l’inverse, le confinement a aussi permis aux parents de partager plus de choses avec leurs enfants, de renforcer leurs liens. Il y a eu davantage de temps qualitatif, qui pouvait se faire autour d’un écran« , note Adrien Taquet. « L’écran en tant que tel n’est pas le plus problématique, ce qui compte, c’est l’usage que l’on en fait. Comme un livre ou un jeu de société, il peut aussi servir de partage avec son enfant » ajoute-t-il. Néanmoins, durant la période du premier confinement, « un parent sur deux avait des difficultés à gérer le temps d’écran et environ 40% déclaraient ne pas parvenir à contrôler le contenu » précise le secrétaire d’État.

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