Eurovision 2021 : ces chansons qui font polémique en Suède, en Russie et à Chypre
La finale du concours de chanson de l’Eurovision se déroule samedi 22 mai 2021, à Rotterdam, aux Pays-Bas. Après une édition 2020 annulée en raison de l’épidémie de Covid-19, cette année la soirée se tient malgré les contraintes sanitaires. Mais comme souvent, dans certains pays les chansons choisies font polémique.
En Suède, un jeune interprète réfugié congolais
La chanson qui va représenter la Suède s’appelle Voices, « les voix ». Son interprète s’appelle Tousin Chiza, alias Tusse. Il a 19 ans. Réfugié congolais, séparé de ses parents par la guerre, il est arrivé il y a onze ans en Suède. Ce profil ne plaît pas à tout le monde. Lorsque les images de ses premières répétitions à Rotterdam ont été postées sur les réseaux sociaux de l’Eurovision, les messages de soutien ont été accompagnés de nombreuses insultes racistes. C’est déjà arrivé, mais la vague de haine a été telle que la délégation suédoise a protesté officiellement. Les organisateurs du concours, depuis, ont aussi ajouté dans la zone de commentaires qui accompagne toutes leurs publications un texte d’avertissement informant que le racisme et le harcèlement ne sont pas acceptables.
Ce n’est pas la première fois que la Suède est représentée par une personne de couleur. Ce qu’il y a de particulier avec Tusse, c’est le contexte actuel, avec un débat en ce moment dans le pays sur la volonté du gouvernement social-démocrate de durcir les lois d’immigration. La droite a même accepté de s’allier à l’extrême droite sur le sujet, ce qui est une première. Alors dans ce contexte, un jeune réfugié qui défend les couleurs de la Suède, ça fait évidemment réagir. Tusse est devenu un symbole, dans les deux camps.
Il y a quand même un fait qui permet de relativiser ces polémiques. Lors de la finale de Melodifestivalen, les sélections suédoises, trois millions de personnes ont voté pour Tusse, soit presque un tiers des Suédois, un record. Vous pouvez donc être sûr que si Tusse donne à la Suède une septième victoire à l’Eurovision, tout le monde oubliera sa couleur de peau.
En Russie, une chanteuse d’origine tadjike et féministe
« Est-ce que vous êtes prêts pour le changement ? Nous sommes le changement ! » Les paroles de la chanson Russian woman, de Manija, qui représentera la Russie, sont sans équivoque. Elles décrivent l’évolution des femmes russes à travers les décennies. Des femmes qui prennent finalement leur destin en main. La chanteuse russe d’origine tadjike, ambassadrice de l’ONU pour les réfugiés, s’affiche aussi ouvertement féministe. Un choix surprenant dans le contexte social actuel en Russie.
La première performance de Manija – Manija Senguine de son vrai nom – est d’abord d’être sortie victorieuse à l’issue d’un vote du public organisé sur une chaîne fédérale, Pervyy Kanal, proche du pouvoir. Un choix à contre-courant, qui a surpris les plus conservateurs, défenseurs des valeurs traditionnelles. Manija Senguine, 30 ans, est fière de ses origines tadjikes, tout en revendiquant sa culture russe, un contrepoids insuffisant aux yeux des nationalistes. L’artiste n’a jamais caché ses engagements, aussi bien aux côtés des femmes battues que des homosexuels, dans un pays, où majoritairement, ces causes, au mieux n’ont pas droit de cité, au pire font l’objet de restrictions légales sévères.
Les critiques n’ont pas manqué, mais le choix de Manija a pourtant été maintenu. Même l’ultra-conservateur Vladimir Jirinovski n’a pas eu raison de Manija. Le leader du parti baptisé « libéral démocratique » avait dénoncé le manque d’exemplarité de la chanson, notamment lorsque Manija évoque les jeunes femmes russes qui, à 30 ans, n’ont pas encore d’enfants. Le pire maintenant, pour les courants ultra-conservateurs et nationalistes, seraient évidemment que la chanteuse russo-tadjike soit consacrée. Mais il se trouve aussi sur les réseaux sociaux, parmi ceux qui auraient pu être des soutiens de Manija, des voix pour dire que l’affichage de la chanteuse serait organisé, histoire de s’offrir une campagne officielle de communication à peu de frais pour les autorités, à destination de l’étranger, et laissant croire en surface à une évolution vers davantage de tolérance.
À Chypre, une artiste en petite tenue qui flirte avec le diable
Chypre n’a jamais brillé à l’Eurovision, mais cette année, la vidéo de sa chanson a dépassé les 3,3 millions de vues, en partie à cause des réactions très violentes de l’Église orthodoxe chypriote. Il s’agit d’une femme qui tombe amoureuse du diable, qui se déhanche, accompagnée de six diablotines habillées en collant rouges moulants, qui dansent sur un fond de scène en feu. C’est trop pour la très pudique et conservatrice Église orthodoxe chypriote grecque. Aussi, dès que la chanson a été connue, les manifestations se sont multipliées à Chypre, les condamnations, les menaces aussi, notamment contre la télévision.
Si les Chypriotes en sont ravis, l’Église reproche à cette chanson d’être un « affront international » aux mœurs du pays, puisqu’elle préconisait de « s’abandonner au diable au détriment de l’histoire, de la culture et des traditions chypriotes ». Contre toute attente, Chypre est passée en finale, et si elle l’emporte, l’Église chypriote devra faire avec.
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