En France, Hannah Reid de London Grammar se sent «estimée comme chanteuse»
- Californian Soil, le troisième album de London Grammar, sort ce vendredi.
- La chanteuse Hannah Reid est désormais officiellement à la tête du groupe britannique. Une décision prise notamment en réaction au sexisme ambiant dans l’industrie musicale, « un univers très brutal, dominé par les hommes », dit-elle.
- « La France est, avec l’Australie, le territoire qui a fait de notre carrière ce qu’elle est. Quand je chante ici, le public est si calme, respectueux, il accorde davantage d’importance à l’artistique », affirme Hannah Reid.
Elle est la leadeuse de London Grammar. La chanteuse Hannah Reid est désormais la figure de proue du groupe britannique. « J’ai l’impression que je me cache trop derrière vous deux », a-t-elle dit à Dominic Major et Dan Rothman, les deux autres membres du groupe britannique. La voici désormais au premier plan, en réaction, notamment, au
sexisme ambiant dans l’industrie musicale. C’est elle qui assure la majorité de la promotion du troisième album, Californian Soil, qui sort ce vendredi. 20 Minutes s’est entretenu avec elle.
Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir la meneuse de London Grammar ?
Je voulais essayer, faire quelque chose de différent. En tant que groupe, on a tendance à trop se soucier de ce que les autres pensent et être amenés à faire trop de compromis avec les personnes avec qui on travaille ou même entre nous. J’ai dit aux garçons que les groupes avaient généralement un leader et qu’on était peut-être trop « démocratiques » : essayons simplement de voir comment ça fonctionnerait pour nous [si je me présentais en leadeuse], si les gens nous respectent davantage. Jusqu’à présent, ça a l’air de marcher.
Ces derniers mois, vous avez évoqué à plusieurs reprises la misogynie et le sexisme et que vous avez subis dans le cadre professionnel. Quels sont les exemples les plus marquants ?
Ce sont des petites choses de tous les jours qui, en s’additionnant les unes aux autres, composent un tableau assez moche. L’industrie musicale est un univers très brutal et dominé par les hommes. A plusieurs reprises, on a parlé de moi comme une diva ou quelqu’un de difficile alors que Dominic et Dan n’ont jamais eu droit à ce traitement. J’ai aussi dû faire face au préjugé supposant que je n’étais pas du tout impliquée dans le processus de création musicale. Les gens sont souvent surpris de voir que je participe à la production ou que je joue du piano. Cela me fait toujours bizarre. A force, ce genre de choses m’a fait perdre beaucoup de confiance en moi.
C’est donc un album cathartique ?
Complètement. Cet album m’a changée en tant que personne. Je sais que ça sonne très cucul et dramatique mais c’est ainsi que je le ressens.
Diriez-vous que, dans le sillage de #MeToo les choses évoluent dans le bon sens pour les femmes dans l’industrie musicale ?
Je pense que les choses sont en train de changer mais qu’il reste encore un long chemin à parcourir. Il y a quelques jours, avec Dominic et Dan, on se disait que beaucoup de cérémonies de remises de prix, notamment dans les catégories concernant les groupes, sont largement dominées par les groupes dont le leader est un homme – alors qu’il y a beaucoup de groupes à la tête desquels il y a des femmes. Pour moi, c’est un constat assez triste. Il y a cette tendance à accorder davantage de valeur au génie masculin dans l’art. Il y a encore beaucoup de boulot pour que ça change, mais j’espère qu’on y arrivera.
Quels conseils donneriez-vous à une femme ambitionnant une carrière musicale ?
Je lui dirais de croire en son instinct et de persévérer parce que l’industrie musicale peut être mouvante, avec des hauts et des bas, peu importe quelle artiste on est. Si vous aimez la musique, il faut continuer ! Et aussi n’ayez jamais peur de vous défendre face à quelqu’un qui dit que vous êtes casse-pieds, cela veut souvent dire que vous êtes en train de faire quelque chose de bien, de pertinent, parce que tous les artistes doivent défendre leurs visions.
Quelle place a selon vous London Grammar dans le paysage musical britannique ?
Je ne connais pas vraiment la réponse à cette question. Il y a des artistes que je considère comme des pairs, en quelque sorte : Wolf Alice, un autre groupe mené par une femme que je trouve génial. Je pense aussi à The 1975, un groupe exclusivement masculin mais leur musique est fantastique, ainsi qu’à The XX, qui a eu une certaine influence sur nous.
L’an passé vous avez repris la chanson « Christine » de Christine and the Queens…
Je sens une connexion avec sa musique. Je l’ai vue chanter plusieurs fois. Je me souviens l’avoir découverte à la télé dans l’émission de Jools Holland au Royaume-Uni [en 2016], j’ai pensé qu’elle était une chanteuse et danseuse géniale. Elle et sa musique ne ressemblaient à rien d’autre de ce que l’on entendait à l’époque. Depuis, je la suis. On n’a pas discuté avec elle de cette reprise, elle n’a pas été impliquée dedans. On a simplement eu l’opportunité de chanter cette chanson que j’adore. J’aimerais beaucoup travailler avec Christine and the Queens mais je suis sûre qu’elle est très occupée.
London Grammar a aussi un rapport particulier avec la France…
La France est, avec l’Australie, le territoire qui a fait de notre carrière ce qu’elle est. Pour notre premier album on a peut-être passé la moitié de notre temps en France. On y revient toujours. Je m’y sens estimée en tant que chanteuse comme nulle part ailleurs. Quand je chante ici, le public est si calme, respectueux, il accorde davantage d’importance à l’artistique.
Un concert virtuel
Ce dimanche, le groupe se produira depuis le Alexandra Palace. Leur performance sera retransmise gratuitement, dès 20h, sur sa chaîne YouTube. Le groupe interprétera uniquement les morceaux du troisième album, Californian Soil.
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