En bouteille, du robinet ou filtrée : à quelle eau se fier ?
Le choix ne coule pas de source. Surtout lorsqu’on se soucie à la fois de sa santé et de l’environnement. Explications.
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La qualité de l’eau que nous buvons est l’une de nos préoccupations majeures. Bien que 85 % des Français déclarent avoir confiance dans celle du robinet, nous sommes les cinquièmes consommateurs au monde d’eau en bouteille. Parallèlement, l’engouement pour les carafes filtrantes ne cesse de croître. On n’y comprend goutte ! À quoi, à qui se fier ? Aux explications qui suivent, elles sont limpides.
Des robinets… à nitrates ?
Selon le ministère de la Santé et le Conseil supérieur d’hygiène publique, l’eau que nous buvons est très contrôlée et, sur la très grande majorité du territoire, conforme aux exigences sanitaires : absence de germes pathogènes, de bactéries ou de parasites, teneur modérée en nitrates, fluor et pesticides, pas de substances toxiques tel l’arsenic, le sélénium, les hydrocarbures… Si des stations de contrôle comme les points de traitements se sont multipliés, un courrier du 30 octobre dernier de la Commission européenne rappelait à la France que : « Depuis longtemps, l’eau potable distribuée à des dizaines de milliers de personnes en France contient des quantités excessives de nitrates. » Dans certaines régions comme la Bretagne, quand la pluie lessive les sols, les fertilisants azotés se retrouvent dans les nappes souterraines polluant ainsi le précieux liquide. Ces nitrates peuvent se révéler particulièrement toxiques pour les nourrissons, les femmes enceintes et les enfants en bas âge. Ces dernières années, l’association Générations Futures a également dénoncé une trop grande variabilité des méthodes d’analyses : en 2019, 252 résidus de pesticides ont été recherchés dans l’eau courante de l’Oise contre 9 pour son voisin l’Aisne. Générations Futures réclame une recherche élargie, régulière et homogène des substances problématiques dans tout l’Hexagone.
Bactéries dans l’eau : quel risque ?
Bien que rares, les intoxications microbiennes existent. Elles peuvent provoquer épidémies de gastro-entérite ou de dyspepsie (douleurs abdominales). Les pluies abondantes sont l’un des facteurs de risques majeurs : des limons ou des particules d’argiles ou colloïdales peuvent ruisseler dans les nappes phréatiques rendant l’eau impropre à la consommation. Le liquide « souillé » peut aussi se révéler problématique s’il est inhalé. En France, 1 630 cas de légionellose ont été recensés en 2017. Cette infection s’est notamment propagée via des aérosols respirés dans la douche. Les contaminations bactériennes sont plus fréquentes sur de très petits réseaux desservant moins de 500 habitants, qui subissent moins de contrôle.
Le chlore : ami ou ennemi ?
80 % de l’eau potable distribuée en France est traitée avec du chlore. Les études divergent quant à sa dangerosité potentielle. Si nombre d’entre elles tendent à montrer que sa présence a peu d’incidence sur notre santé, d’autres pointent une interaction possible entre cet élément chimique et certaines matières organiques de l’eau générant des trihalométhanes (THM), substances indésirables impliquées dans le développement du cancer de la vessie et du colon. L’agence Santé Publique France, qui a mené en 2017 une étude de grande ampleur, estime que 18 % des cancers de la vessie seraient imputables aux THM.
Une tuyauterie un peu plombée ?
On estime entre 2 à 3 millions le nombre de logements collectifs en France (soit 10 à 15 % du parc français) contenant encore du plomb. Ce métal neurotoxique pour les enfants de moins de 6 ans et ceux à naître peut engendrer une baisse des capacités cognitives, une hyperactivité, un retard de développement, des troubles du comportement, une diminution de l’acuité auditive. Il peut également favoriser les troubles digestifs, rénaux ou hormonaux. En cas de doute, et en attendant le remplacement des conduites en plomb, mieux vaut laisser couler l’eau qui a stagné dans les canalisations, le matin ou après une absence prolongée, avant de la consommer.
Lex-eau-myl ou antibi’eau ?
Dans un rapport de 2017, l’Académie de pharmacie pointait la présence d’une quarantaine de classes thérapeutiques dans les eaux de surface : analgésiques, anti-inflammatoires, antibiotiques, antiépileptiques, bêtabloquants, hypocholestérolémiants, agents de contraste, hormones, antidépresseurs ou encore anxiolytiques… Certes, selon le rapport, les « concentrations en présence sont très faibles mais les expositions sont chroniques et il s’agit de mélanges avec de très nombreux autres micropolluants dont certains sont également biologiquement actifs ». Même si l’on manque de recul sur l’impact de ces microdoses, ces substances peuvent à terme favoriser des phénomènes d’antibiorésistance et de perturbations endocriniennes chez des sujets fragiles comme les enfants, les adolescents, les femmes enceintes ou les personnes âgées. De nombreuses associations réclament aujourd’hui la mise en place d’une norme européenne réglementant ces substances dans l’eau du robinet ainsi que des campagnes visant à alerter professionnels de santé et grand public sur l’usage des médicaments.
Boire de l’eau chaude, la mauvaise idée ?
La croyance populaire n’a pas tout faux. Il est, en effet, déconseillé de boire de l’eau chaude au robinet. La chaleur, tant qu’elle n’est pas très élevée, peut favoriser l’apparition de bactéries (tout comme de l’eau qui a stagné dans un ballon) et elle augmente la migration de métaux tel le plomb. Même pour cuire des aliments, mieux vaut privilégier l’eau froide que l’on aura pris soin de chauffer à la température souhaitée.
Faut-il pencher pour la bouteille ?
Les eaux du commerce sont parfaitement potables mais elles n’ont pas que des vertus, contrairement à ce que clament les pubs. Certaines, particulièrement riches en minéraux, ne conviennent pas à tout le monde. Celles fortement chargées en magnésium se révèlent intéressantes sur le court terme (en cas de transit intestinal difficile…) mais elles engendrent parfois, sur une longue période, des douleurs abdominales. Celles à forte teneur en calcium peuvent favoriser la survenue de calculs rénaux ou biliaires. Attention également aux eaux « salées », peu adaptées aux hypertendus et aux personnes souffrant de troubles cardio-vasculaires.
« Les bouteilles ne sont en outre pas exemptes du risque de prolifération bactérienne. Pour l’éviter, après ouverture, le contenu doit être bu dans les quarante-huit heures. Par ailleurs, l’eau minérale n’est pas d’une pureté absolue. Une étude publiée en mars 2018 par l’université de New York a montré que l’eau en bouteille est deux fois plus contaminée par des particules en plastique que celle du robinet. La taille des résidus retrouvée était comprise entre 100 et 6,5 microns. Or, selon des données scientifiques récentes, des débris de l’ordre de 20 microns (0,02 millimètre) ont pu pénétrer dans la circulation sanguine de rats avant de se loger dans les reins et le foie. On manque encore de recul quant à l’impact de ce « plastique » dans le corps mais de nombreux chercheurs évoquent désormais des risques de perturbations endocriniennes et de dommages organiques.
Carafe : si pures qu’on le dit ?
Ces contenants filtrants promettent « de boire une eau plus saine que celle du robinet ». C’est faux. L’Agence nationale de sécurité sanitaire constatait en 2017 qu’ils pouvaient conduire au relargage de certains contaminants (ions argents, sodium, ammonium…) ou abaisser le PH de l’eau. L’utilité même de filtrer interroge. Nous avons besoin des minéraux présents dans l’eau du robinet. Pourquoi se passer du calcaire ou du cuivre alors même qu’une frange importante de la population présente des carences ? Enfin, de mauvais usages peuvent engendrer des contaminations bactériennes, notamment si le filtre n’est pas changé régulièrement, la carafe, mal nettoyée ou l’eau, non consommée dans les vingt-quatre heures suivant la filtration. Dernier paramètre à prendre en compte : le prix. L’eau filtrée coûte 65 fois plus cher que l’eau du robinet.
Un robinet plus écol’eau ?
Oui ! Pour fabriquer le plastique propre à chaque bouteille, 4 litres d’eau et 33 cl de pétrole sont nécessaires. À cela s’ajoute l’impact du transport de la marchandise vers le magasin et celui du recyclage… quand recyclage il y a ! Car elle finit bien souvent dans les océans où elle met mille ans à se dégrader ! L’association Zero Waste estime que l’empreinte écologique d’un contenant d’un litre est 90 à plus de 1000 fois supérieure à celle d’un litre d’eau du robinet. Enfin, si l’argument du porte-monnaie est plus convaincant, retenons que l’eau en bouteille est en moyenne 300 fois plus onéreuse que celle du robinet.
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