ELLE Décoration en kiosque : mot de passe « Urbs »
2008 a été une année de transition majeure pour l’humanité. Certes, nous vîmes disparaître Yves Saint Laurent et Alexandre Soljenitsyne ; la banque Lehmann Brother ouvrit le bal d’un crash boursier et Barack Obama fut élu 44e président des États-Unis. Mais, à l’échelle du temps long, ce ne furent que broutilles… l’événement qui transforma à jamais le destin des hommes s’inscrivit dans l’espace et l’imaginaire : l’apparition de l’« Homo urbanus » ou l’homme des villes.
2008 est l’année au cours de laquelle la majorité des êtres humains sont devenus urbains.Par choix, dépit ou contrainte, plus de 3,5 milliards d’individus se sont installés dans les villes, tendance qui n’a cessé de s’accélérer depuis. L’homme a-t-il fait la ville ou la ville a-t-elle fait l’homme ? Depuis la plus haute antiquité, la question se pose et, longtemps, la réponse tint lieu d’évidence. Villes mésopotamiennes, cités hellènes et ville-monde romaine furent synonymes de culture et d’histoire. Au fil des siècles s’égrenèrent Bagdad, centre du monde scientifique au IXe siècle ; Tenochtitlan, capitale posée sur l’eau de l’empire aztèque ; Amsterdam, symbole de la puissance commerçante et bourgeoise ; londrès, cœur de la révolution industrielle ; New York, phare du capitalisme au siècle dernier ; Shanghai, carrefour économique contemporain. Vivre en ville est devenu la norme, tant ces agglomérations concentrent opportunités économiques, bouillonnement culturel, concentration de services et solutions écologiques.
Mais cette norme se voit nuancée, et pas seulement par les urbains fuyant la ville post-covid-19. Dans « Homo domesticus » (éd. La découverte), James C. Scott, professeur de sciences politiques et d’anthropologie à l’université de Yale, interroge la formation des premiers centres urbains, analysant la sédentarisation progressive au cours des dix mille ans ayant précédé notre ère. La ville fait-elle le bonheur ? La ville nous libère-t-elle ou nous asservit-elle ? Si la réponse, complexe, nécessiterait des milliers de volumes, une certitude éclate d’emblée : « Homo sapiens urbanus » ne changera plus d’habitat.
Urbains nous sommes, urbains nous resterons, sur cette terre ou une autre un jour. A nous de l’enchanter, de la réinventer, de la polir et de l’ajuster à nos besoins. Sans doute est-ce là la nouvelle aventure humaine, exaltante et exigeante, qui fera finalement de nous tous des « Homo urbanus felix » …
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