Éducation : 12 phrases de parent qu'on devrait bannir de notre vocabulaire

« Ne t’inquiète pas », « sois gentil, je suis fatiguée », derrière des expressions qui nous paraissent anodines, se cache un double sens auquel nous n’avons pas toujours conscience. Le pédopsychiatre Gilles-Marie Valet nous invite à nous questionner sur nos expressions du quotidien et nous aide à trouver la bonne formulation.

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Les enfants prennent souvent tout au pied de la lettre. C’est pourquoi certaines expressions qui sont utilisées très fréquemment dans le langage courant peuvent être délétères pour leur développement. Faut-il tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler ? Pas besoin d’aller jusque là, selon le Dr Gilles-Marie Valet, pédopsychiatre et auteur de « Dites pas ci, dites cela » aux ed. Hugo New Life. « L’idée n’est pas de codifier la parole« , explique-t-il. « Il n’y a pas des choses à dire et à ne pas dire au sens strict. J’invite les parents à comprendre que les mots ont un sens, voire plusieurs sens. En en prenant conscience, l’idée est d’utiliser le langage dans toutes ses ressources pour potentialiser le développement de l’enfant. » A chacun de se réadapter les formules en fonction de sa sensibilité, sa culture, sa spontanéité. Attention à ne pas se sentir coupable si les vieux réflexes ressortent. Sous le coup de l’émotion, difficile de trouver les bons mots.  » Les mots viennent plus facilement à distance », continue le pédopsychiatre. « Je propose de réfléchir à de nouveaux réflexes qui prendront progressivement le relais des anciens. » Florilège de nos expressions courantes.

« Quel beau dessin ! »

Les compliments sont bien sûr essentiels pour le développement de l’enfant. Mais quand ils sont exprimés de cette façon, cela devient une affirmation sans suite. « Un compliment, c’est un peu comme un bonbon« , remarque le Dr Gilles-Marie Valet. « Il fait du bien, mais en donner trop, c’est comme donner trop de friandises, l’enfant n’a plus faim. » Il finit par ne plus être dupe et relativise quand la gratification provient de son parent. Or un compliment peut aussi avoir une utilité. « Il peut à la fois être une gratification mais aussi une manière de stimuler l’envie de poursuivre ou de s’améliorer« , constate le spécialiste. En focalisant les compliments sur l’action ou sur l’imagination, cela favorise la variété du compliment. Il perd son caractère artificiel.

Par quoi le remplacer ? « Comme tu as bien réussi cette maison« , « quelle belle imagination tu as pour représenter cet animal« . Si vous pensez que le dessin est perfectible, sollicitez son attention sur les points à améliorer : « Il est drôle ce personnage, il n’a que 3 doigts.« 

Ne t’inquiète pas

« Cela fait partie de ce que j’appelle les faux encouragements, ou les encouragements à double sens« , prévient le pédopsychiatre. « Ne t’inquiète pas suggère l’idée qu’il y aurait matière à s’inquiéter. Les neurosciences ont montré que la psyché retient le verbe plutôt que la périphrase qui l’entoure« . Mieux vaut utiliser une expression positive.

Par quoi le remplacer ? « Sois rassuré« 

Les grands ne pleurent pas

Derrière cette expression, il est suggéré que pleurer est un comportement réservé aux bébés. Or, il n’y a pas d’âge pour exprimer son ressenti, c’est même très sain. « Cette expression a pour fonction d’inhiber l’expression des émotions », explique le Dr Gilles-Marie-Valet. Mais ces dernières sont une réaction naturelle du cerveau. Confronté à une situation triste, on secrète naturellement des hormones de la tristesse. Quand on dit « un garçon, ça ne pleure pas » ou « une grande fille ne pleure pas », l’enfant va retenir son envie de pleurer, mais l’émotion est quand même là. Le principe de la réaction émotionnelle, c’est qu’elle permet d’évacuer l’émotion, de la métaboliser et de développer ses capacités à trouver des équilibres. » Mieux vaut éviter les généralités et se recentrer sur l’enfant.

Par quoi la remplacer ? Interrogez votre enfant sur son émotion : « Oh, tu pleures, que se passe-t-il ? Tu es triste ? Tu es en colère ? » Invitez-le à s’interroger sur la façon dont il a réagi. En y réfléchissant, il commence à mobiliser des ressources pour la gérer naturellement. « On aide ainsi l’enfant à développer sa capacité à gérer son émotion. Il ne la refoule pas, il la digère« , explique le pédopsychiatre.

Tu n’es vraiment pas doué pour les maths.

Vous constatez peut-être que dans une matière comme les maths, votre enfant peine systématiquement. Il est important de ne pas l’identifier dans sa globalité à une capacité ou à une incapacité. « C’est très réducteur et enfermant pour lui« , précise le pédopsychiatre. « Pourquoi l’enfant ferait-il des efforts pour comprendre si de toute façon, il intègre l’idée qu’il est comme ça et qu’on ne peut rien y faire« . Mieux vaut cibler et être précis dans ses commentaires en pointant ce qui ne fonctionne pas plutôt que d’étiqueter l’écolier comme un incapable.

Par quoi le remplacer ? « J’ai l’impression que tu n’as pas bien compris cette leçon de mathématiques. » « Peut-être faudrait-il travailler davantage l’arithmétique car ça a l’air compliqué.

Tu es méchant

Cette expression sous-entend que l’on fait de la méchanceté sa caractéristique principale. Cela fait partie de son identité, comme la couleur de ses yeux. « Evidemment, si on le dit ponctuellement sous l’effet de la colère, parce que ça nous a échappé, ça n’aura pas d’influence« , rassure le Dr Gilles-Marie Valet. « Mais si c’est répété et inscrit dans un mode éducatif, cela peut être délétère« . Pas question d’ignorer un geste agressif. Il est important de qualifier l’action et non l’enfant. Cela lui donne la possibilité d’agir et de modifier son comportement. N’hésitez pas à partager votre ressenti.

Par quoi le remplacer ? « C’est très méchant de taper son frère, je ne suis pas d’accord« . Ou « J‘ai vraiment été choquée du coup que tu as donné à ton copain« .

Tu pourrais prendre exemple sur ton frère

Difficile d’échapper aux comparaisons dans les fratries. Et quand un des enfants a un comportement exemplaire, on est tenté de l’ériger en modèle pour les autres. Attention ! « Il existe naturellement une rivalité fraternelle », prévient Gilles-Marie Valet. « En favorisant les comparatifs, on l’attise« . Il peut être intéressant de s’interroger sur ce que ça veut dire pour nous « Cela signifie que l’on a identifié le comportement de ce grand frère ou de cette grande soeur comme en adéquation avec nos propres valeurs parentales, humaines, philosophiques, religieuses« , décrypte le spécialiste. « Or mieux vaut suggérer de prendre exemple sur cette valeur et non sur une personne en particulier. C’est ainsi que l’enfant pourra la faire sienne. D’ailleurs, plus on suggère à un enfant de prendre exemple sur son aîné, plus il va avoir tendance à s’en détacher. » Dans la mesure où les parents indiquent que ses valeurs appartiennent à un membre de la fratrie, les autres enfants ne peuvent pas se les accaparer.

« Sois gentil, tu vois bien que je suis fatiguée »

Pas question de se faire passer pour des super-héros aux yeux de notre enfant. Lui faire comprendre que nous avons nos limites est tout à fait louable. « Le problème de cette expression, c’est l’association entre « sois gentil » et « je suis fatiguée »« , note le pédopsychiatre. « Ce que l’enfant comprend derrière cette expression, c’est qu’il porte une part de responsabilité dans cette fatigue. Or, même si cela peut être en partie vrai, il n’est pas judicieux de le souligner. » Face à la fatigue de son parent, que peut faire l’enfant ? Pas grand chose.

Par quoi le remplacer ? L’idée, c’est d’associer l’enfant, lui donner la possibilité d’agir en soutien. Par exemple « je suis un peu fatiguée, ça me ferait plaisir que tu mettes la table« .

« Tu m’énerves »

Plutôt que de rendre l’enfant dans sa globalité responsable de l’énervement, mieux vaudrait restreindre à la situation ennuyeuse. Cela permet à l’enfant de trouver une alternative.

Par quoi le remplacer ? « Tu m’as déjà appelé 10 fois, ça finit par m’énerver. Je termine ce que je suis en train de faire et tu viens me voir dans 10 minutes « .

Si tu continues, tu sors de la voiture, je repars sans toi

« Mieux vaut éviter de proférer des menaces irréalisables« , prévient le pédopsychiatre. Chez les tout-petits, cela peut générer des angoisses d’abandon, de séparation. Chez les plus grands au contraire, cela finit par discréditer la parole de l’adulte. L’enfant intègre l’idée que son parent raconte des bêtises, pas besoin de s’inquiéter.

Par quoi le remplacer ? Par la diversion en proposant des jeux dans la voiture (observation, comptines…).

« Dépêche-toi, je n’ai pas que ça à faire. « 

Grâce à l’apport des neurosciences, on sait aujourd’hui que ces injonctions génératrices de stress paralysent plutôt qu’elles ne favorisent l’action. Plus l’enfant est stressé, moins ses réactions vont être adaptées. S’il veut faire plaisir à son parent, il va agir de façon désordonné, et donc perdre du temps.

Par quoi le remplacer ? Mieux anticiper le matin par exemple en préparant les vêtements, le petit-déjeuner. Vous pouvez lui dire « on part à telle heure« . Chez un enfant plus petit, on peut lui montrer la pendule : « quand la grande aiguille sera là, on part« . L’enfant prend conscience de la gestion du temps.

« Calme-toi »

Cette expression est souvent prononcée quand le parent est excédé, donc très souvent sous le coup de la colère. « L’enfant n’intègre pas l’idée qu’il doit se calmer« , décrypte Gille-Marie Valet. « Cela suscite chez lui la sidération devant la colère de son parent. Peut-être que c’est cette sidération qui est à l’origine de l’arrêt des pleurs. Mais d’un point de vue éducatif, il est plus intéressant de l’aider à apprendre à se calmer par lui-même. » Respirer, se poser, mettre à distance les pensées qui ont généré la colère, voilà quelques outils qui peuvent l’aider à mieux gérer ses émotions.

Par quoi le remplacer ? « Respire« , « assieds toi« , « est-ce que tu veux un verre d’eau ?« 

« Concentre-toi »

« L’attention est une fonction naturelle, comme l’audition. Mais la concentration, qui est la capacité à développer une attention particulière sur ce qu’on veut étudier, ne va pas de soi« , remarque le pédopsychiatre. « C’est une compétence qui se développe, comme on apprend à lire ou à compter. Lui dire « concentre-toi », c’est lui demander de réussir d’emblée ce qui nécessite un apprentissage.« 

Par quoi le remplacer ? Asseyez-vous près de votre enfant et mobilisez son attention. Vous pouvez par exemple prendre une règle pour lui montrer l’exercice. « Regarde bien cette phrase« , « Ecoute bien ce que je suis en train de te dire » Cela permet de stimuler les différentes facultés de l’attention : visuelle, auditive.

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A lire : Dites pas ci, dites cela, Dr Gilles-Marie Valet, ed. Hugo New Life

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