Douleur, dépression, alzheimer : 8 pathologies que la réalité virtuelle peut traiter
Les visiocasques 3D qui nous plongent dans un univers virtuel ne se limitent plus aux jeux vidéo, aux simulations de vol ou aux visites d’appartements. Leur usage se multiplie dans le domaine médical… pour notre plus grand bien.
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Vivre une expérience sensorielle dans un monde virtuel, tel est le principe de ces casques 3D équipés de capteurs. L’interaction entre les images projetées et les mouvements réalisés est permanente. « Le cerveau réagit de la même façon qu’en situation réelle », explique Laura Bernard, psychologue à la clinique Saint-Barnabé de Marseille, qui utilise la réalité virtuelle pour apaiser l’anxiété des patients. Les mêmes cellules grises sont en effet activées, et le ressenti émotionnel est identique. » Plusieurs études scientifiques ont ainsi démontré l’efficacité de la cyberthérapie, dans la prise en charge de nombreuses pathologies.
Elle atténue la douleur
Un voyage guidé à 360° dans un jardin japonais ou sur une montagne enneigée est source d’apaisement et réduit l’anxiété et la perception de la douleur. De tels programmes virtuels commencent à être utilisés aux Etats-Unis pour alléger la souffrance des grands brûlés. Plusieurs centres hospitaliers français – au Mans et à Lyon notamment – y ont aussi recours pour faciliter la réalisation de soins douloureux comme une ponction lombaire ou la pose d’une sonde urinaire. À la clinique Pasteur-Lanroze de Brest ou à l’hôpital Le Bois à Lille, la réalité virtuelle améliore le confort des patients en soins palliatifs, sans devoir augmenter les doses de morphine administrées. Et à la clinique du sport de Marcq-en-Barœul, le service de chirurgie orthopédique s’est doté de trois visiocasques pour ne pas forcer sur les doses d’anesthésie. « Nous l’utilisons en particulier pour la chirurgie de l’épaule sous anesthésie locorégionale qui exige que le patient reste en position assise sous un champs opératoire, explique le Dr Pierre Dagher, médecin-anesthésiste. Immergé dans la réalité virtuelle, il est isolé du bruit et du stress du bloc opératoire. Du coup, il bouge moins ce qui permet des gestes chirurgicaux plus rapides et précis ». Les personnes devant subir une chirurgie du pied en bénéficient également en vue de réduire leur anxiété avant d’entrer au bloc opératoire.
Elle soulage la dépression
« La réalité virtuelle n’est pas une baguette magique. Mais utilisée à bon escient en complément d’autres approches thérapeutiques, elle amoindrie l’anxiété et désamorce la survenue d’images mentales négatives, constate Laura Bernard. De plus, elle favorise l’adhésion au traitement ». Les preuves ne manquent pas. Des psychiatres de l’université de Groningen (Pays-Bas) ont testé avec succès sur leurs patients un programme de nage virtuelle avec des dauphins, des animaux connus pour leurs vertus antidépressives. Et à Londres, des chercheurs ont validé l’efficacité d’un logiciel où le patient incarne un avatar qu’il faut réconforter avec des phrases pleines d’amour et de compassion. Conclusion de leur étude, publiée en 2018 dans le British Journal of Psychiatry : les symptômes dépressifs fléchissent à partir de la troisième session (de 45 minutes) de cyberthérapie.
Elle affine le diagnostic de la maladie d’Alzheimer
Les patients qui possèdent une prédisposition génétique à la maladie d’Alzheimer présentent souvent une altération de la mémoire spatiale bien avant l’apparition des symptômes de dégénérescence cérébrale. Des neuroscientifiques allemands ont donc mis au point un test de diagnostic précoce basé sur la réalité virtuelle. Son principe : on déambule dans un labyrinthe végétal en 3D dans lequel différents objets du quotidien sont déposés. Ces derniers doivent être ramassés au fur et à mesure de la promenade, puis remis à leur place initiale. Le laboratoire de neuroscience de Paris travaille également sur un scénario de réalité virtuelle permettant un diagnostic fiable de la maladie et de son degré d’évolution. Et en Israël, des chercheurs testent l’intérêt de la réalité virtuelle couplée à un tapis de marche pour améliorer l’équilibre et la motricité des personnes atteintes de la maladie de Parkinson.
Elle traite les troubles du comportement alimentaire
La thérapie par réalité virtuelle s’avère une arme de choix pour la prise en charge de l’anorexie, de la boulimie et de l’hyperphagie. Des logiciels spécifiques ont été développés afin de corriger la distorsion de l’image corporelle, c’est-à-dire la différence entre la silhouette réelle du patient et celle qu’il pense avoir, d’estomper ses pensées autodestructrices et de changer ses comportements en situation critique : soirée festive entre amis, seul face à un réfrigérateur bien rempli ou devant un énorme paquet de chips par exemple. Le thérapeute peut en outre accompagner virtuellement son patient dans les rayons d’un supermarché pour le guider dans ses choix. Cette approche est prometteuse, selon les psychiatres de l’université de Rio de Janeiro (Brésil) qui observent une réduction notable du syndrome de grignotage compulsif, une diminution des comportements d’évitement et une meilleure acceptation de son corps.
Elle facilite la rééducation
Après un accident vasculaire cérébral (AVC), le cerveau doit réapprendre à orchestrer le corps pour qu’il puisse exécuter les taches habituelles de la vie quotidienne : marcher, tenir un stylo, porter un verre à la bouche… La réalité virtuelle peut alors être d’un grand secours en amorçant une rééducation cérébrale alors qu’une jambe ou un bras est encore immobilisé. À force de voir le membre paralysé reprendre vie virtuellement, le patient gagne en confiance et son cerveau recrée plus vite les connexions nécessaires à la motricité.
Au CHU de Rennes, elle est aussi employée pour venir en aide aux patients atteints du Covid-19 qui sortent de réanimation. Très affaiblis, ils peinent à remarcher. Mais en visualisant leur avatar trottiner, grimper des escaliers et éviter des obstacles, ils retrouvent plus rapidement leur autonomie. Selon les premiers retours d’expériences, la durée de rééducation physique et la récupération semblent plus rapides.
Elle émousse les phobies
Peur panique de l’avion, du vide, des espaces confinés, de la foule ou des aiguilles… Pour soulager ces troubles anxieux qui peuvent gâcher la vie, plusieurs praticiens ont recours à la réalité virtuelle. Exposer progressivement un patient à une situation qui le stresse est une technique utilisée de longue date par les psychiatres pour désamorcer une phobie. Mais certains refusent de s’exposer à l’objet réel de leur peur. Et toutes les situations ne sont pas aisées à reproduire. Un thérapeute qui emmène à bord d’un avion un phobique des transports aériens n’a aucun contrôle sur la météo et les conditions de vol, alors que les programmes de thérapie virtuelle permettent de graduer finement les difficultés : nombre de passagers dans l’avion, intensité des turbulences… Sans compter le gain de temps et d’argent pour réaliser une telle séance.
Les résultats sont au rendez-vous. Ainsi, une étude de l’université d’Oxford, publiée dans la revue The Lancet Psychiatry en 2018, a prouvé que 75% des patients souffrant d’acrophobie ont vu leur peur du vide diminuer de moitié après 4 semaines de traitement. À l’hôpital de la Conception, à Marseille, le Dr Éric Malbos estime obtenir une efficacité thérapeutique d’au moins 80% sur l’ensemble des phobies.
Elle apaise le stress post-traumatique
L’une des forces de la réalité virtuelle est de pouvoir simuler des événements impossibles à recréer. Comme par exemple l’éboulement d’une tour pour soigner le stress post-traumatique des survivants des attentats du 11 septembre 2001 à New-York ou une violente scène de combat pour des soldats fraîchement revenus de mission. « L’objectif est de retravailler le souvenir afin d’alléger sa charge émotionnelle », explique la psychologue Alexandra Lecart, fondatrice du Centre de Thérapies Intégratives et Nouvelles Technologies, à Paris.
Des victimes d’un accident de la route parviennent également à reprendre le volant. Et pour la première fois cette année, la thérapie virtuelle a été utilisée en prévention pour éviter un traumatisme psychologique suite à une greffe de poumon. Casque sur la tête, le malade se familiarise à l’environnement anxiogène du service de réanimation tel qu’il le découvrira à son réveil après l’intervention, ce qui réduit les risques de complications, de rejet de greffe et de dépression post-opératoire.
Une expérience sur l’addiction au tabac
Plus de la moitié des anciens fumeurs placés dans un environnement fictif, inspiré du réel, ne replongent pas dans le tabagisme malgré les sollicitations, soit deux fois plus que ceux ne bénéficiant pas de cette aide technologique. Cette expérimentation réalisée à l’hôpital de la Conception, à Marseille, montre qu’un programme spécifique de réalité virtuelle de 3/4 d’heure, suivi pendant 8 semaines, permet de se désaccoutumer de la cigarette et d’acquérir des automatismes pour résister à l’envie impérieuse de fumer. Un bon coup de pouce pour briser la dépendance.
Efficace sur la mémoire
Des chercheurs américains de l’université du Maryland ont prouvé que l’immersion en réalité virtuelle permet de mieux retenir et de mieux restituer des informations. Selon leur étude publiée en juin 2018, la mémoire serait notamment boostée d’environ 10 % par rapport à un apprentissage sur ordinateur ou sur tablette numérique.
Attention aux cybermalaises
Tout le monde ne peut pas bénéficier d’une thérapie par réalité virtuelle. Environ 5 % des patients souffrent de nausées ou de vertiges lors des séances d’immersion en 3D. Ces effets indésirables résultent du décalage entre les perceptions sensorielles – visuelles et sonores – et la position réelle du corps dans l’espace. Il faut donc toujours tester le visiocasque avant de démarrer un traitement au long cours.
L’avis de notre experte
Alexandra Lecart, psychologue clinicienne fondatrice du Centre de Thérapies Intégratives et Nouvelles Technologies, à Paris (www.psychologie-integrative.com).
Une approche ludique et efficace
« Les logiciels actuels de simulation en 3D sont très réalistes. En quelques secondes, les patients sont immergés dans un environnement dont on peut moduler de nombreux paramètres en fonction de leurs réactions : le nombre de convives et de bouteilles sur la table, la largeur des pièces et des fenêtres dans un immeuble, la taille d’une araignée qui grimpe sur un bureau, etc… Cet outil permet de les confronter à l’objet de leur addiction ou de leur phobie de manière extrêmement progressive. Autre avantage : certaines scènes peuvent être répétées à l’infini, comme franchir dix fois de suite un pont en voiture au cours d’une même séance par exemple. Le patient n’est pas livré à lui-même. Le thérapeute l’accompagne dans les exercices, dialogue sur les pensées négatives susceptibles de surgir dans sa tête, l’encourage lorsque c’est nécessaire ou le rassure pour dédramatiser la situation. Avec la réalité virtuelle, l’efficacité des thérapies d’exposition et d’habituation est renforcée car la confiance acquise en situation virtuelle se transpose dans la vie réelle. Et comme l’approche est ludique, les patients sont davantage motivés. Dix à douze séances en moyenne suffisent ».
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