Doit-on se méfier des alcools sans alcool ?

En matière d’alcool, la France a une bonne descente ! D’après un bulletin de Santé Publique France publié en janvier 2020*, l’Hexagone reste parmi les pays les plus consommateurs d’alcool au monde, se situant au sixième rang parmi les 34 pays de l’OCDE.

Paradoxalement, les Français sont aussi de plus en plus nombreux à siroter des boissons désalcoolisées, encouragés par les défis détox comme le Dry January (“Janvier sobre” en français, ndlr), ou tout simplement par l’envie d’adopter des habitudes de vie plus saines.

L’alcool (presque) sans alcool

Elles ont le même nom, la même allure, et semblent en tout point identiques. À la différence près qu’elles ne grimpent pas dans les degrés car l’alcool a été retiré.

De la bière au vin, en passant par le champagne et les spiritueux, toutes les boissons enivrantes se déclinent désormais en version “sans alcool”… ou presque. Car qui dit “alcool sans alcool” ne dit pas toujours “absence totale d’alcool”.

“Il s’agit d’une appellation marketing, informe Aurélie Biron-Paumard, diététicienne nutritionniste chez WW. En réalité, la réglementation française autorise cette dénomination dès lors que le taux d’alcool est égal ou inférieur à 1,2 degrés”.

Prenons l’exemple de la 1664 sans alcool ou de la Heineken 0.0 : le degré d’alcool ne dépasse pas les 0,4 % pour la première et reste inférieur à 0,03% pour la seconde. “Avec de si petites doses, il y a peu de risque de goûter à l’ivresse, rationalise la diététicienne. Mais il faut quand même le savoir et prendre le temps de déchiffrer les étiquettes, notamment si l’on est enceinte, si l’on allaite ou si l’on ne boit pas pour des raisons religieuses”.

Des apéros plus sains et désalcoolisés

Pas forcément besoin d’être une future maman ou d’avoir des convictions religieuses pour choisir l’option sobriété à l’heure de l’apéro. D’après le site de sondages YouGov**, qui s’est intéressé au profil des adeptes de bières sans alcool, ces derniers sont aussi des consommateurs d’alcool classique à 86% et font du sport à 35%. Autre donnée intéressante : plus d’un quart d’entre eux sont des hommes âgés de 34 à 44 ans, à l’instar de Jean Philippe Braud, fondateur du site Gueule de Joie.

Il y a trois ans, ce Nantais de 35 ans s’essaye au fameux Dry January “parce que les mises en garde sur l’alcool ont fait leur chemin et que je souhaitais prendre du recul sur ma consommation régulière”, nous confie t-il. Au début de l’expérience, il se rabat d’abord sur les eaux, les jus et les sodas. Mais pour lui, ce n’est pas adapté à l’esprit convivial des soirées. “Je ne voulais pas changer mes habitudes mais je voulais quand même trouver des options plus saines et plus inclusives, raconte Jean Philippe Braud. Je me suis alors mis en quête d’alternatives et j’ai découvert qu’il existait, principalement à l’étranger, une grande variété de vins, bières et spiritueux sans alcool adoptant les mêmes codes que l’alcool classique (packaging, couleur, goûts similaires…) mais sans les effets néfastes”.

Persuadé qu’il n’est pas le seul à vouloir réduire ponctuellement sa consommation d’alcool, son défi personnel se transforme en projet professionnel : il fonde le site Gueule de Joie en 2019, qui se positionne aujourd’hui comme le leader français de la distribution de vins, bières et cocktails sans alcool. Au bout de deux ans d’activité, la société multiplie son chiffre d’affaires par trois, preuve que de plus en plus de Français souhaitent profiter d’apéros plus sains, mais pas moins festifs.

Rappelons-le, l’alcool expose à de multiples risques pour la santé lorsqu’il est consommé régulièrement. En France, 41 000 décès par an sont dus à d’alcool, dont 30 000 chez les hommes et 11 000 chez les femmes*. Même sans être accro, s’autoriser un verre de vin à chaque repas ou boire avec excès le week-end a une influence directe sur le développement de nombreuses pathologies, des plus banales (fatigue, troubles du sommeil, problèmes de mémoire et de concentration…) aux plus graves (cancers, maladies cardiovasculaires et digestives, troubles nerveux et psychiques).

Pour préserver sa santé, il est recommandé de ne pas dépasser deux verres d’alcool par jour, et pas tous les jours.

Alcool sans alcool : quand c’est la ligne qui trinque… 

Les boissons “sans alcool” permettent donc de se protéger des effets néfastes de l’alcool. Mais qu’en est-il de l’addition calorique ?

D’une manière générale, on sait que l’alcool peut vite peser sur la balance. “Nutritionnellement parlant, l’alcool n’apporte effectivement que des calories vides, confirme Aurélie Biron-Paumard. Il est même plus énergétique que le sucre : un gramme d’éthanol équivaut à 7 kcal, contre 4 kcal pour un gramme de sucre”.

Pour rappel, un verre standard de vin, de bière ou encore de whisky, tel qu’on le sert dans les bars, contient à peu près la même dose d’alcool, soit environ 10 grammes. À la maison, les verres sont souvent plus généreux et les tournées plus fréquentes. 

Le bon réflexe, c’est de se méfier des boissons aromatisées, lesquelles sont souvent chargées en sucre ou en édulcorants. 

Toutefois, “sans alcool” ne veut pas forcément dire plus “light”. Il suffit de décortiquer certaines étiquettes pour s’en rendre compte : les très populaires Tourtel Twist et Ginger Beer affichent des listes d’ingrédients où le sucre arrive en deuxième position après l’eau, ce qui signifie qu’il constitue l’un des principaux composants de ces fameux breuvages.

“Heureusement, toutes les boissons sans alcool ne sont pas des bombes à calories, rassure la nutritionniste. Le bon réflexe, c’est de toujours jeter un oeil à la composition des produits et de se méfier des boissons aromatisées, lesquelles sont souvent chargées en sucre ou en édulcorants”. 

Les spiritueux sans alcool, comme le gin ou la vodka, ou encore les effervescents qui se substituent au champagne, sont généralement consommés en cocktail, avec une bonne dose de jus de fruits ou de sodas. Plus que “l’alcool” en lui-même, c’est cet assemblage qui peut rapidement faire pencher la balance du mauvais côté.

Conclusion ? “Tout est toujours une question d’équilibre et de dosage”, explique Aurélie Biron-Paumard.

L’alcool sans alcool, oui, mais avec modération pour conserver une alimentation équilibrée. 

* Bulletin de Santé Publique France “Consommation d’alcool en France : où en sont les Français ?” publié en janvier 2020 – à consulter ici https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2020/consommation-d-alcool-en-france-ou-en-sont-les-francais

** Étude YouGov “Qui sont les consommateurs de bières sans alcool ?” publiée en juillet 2020 – à consulter ici https://fr.yougov.com/news/2020/07/23/qui-sont-les-consommateurs-de-bieres-sans-alcool/

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