Des chercheurs pensent avoir compris pourquoi les champignons magiques sont devenus hallucinogènes
Présents sur Terre depuis des millions d’années, les champignons sont des organismes fascinants dont la biologie n’a pas encore révélé tous ses secrets. À l’heure actuelle, plus de 100.000 espèces sont répertoriées. Mais on estime que leur nombre dépasserait le million et certaines se distinguent par des caractéristiques pour le moins insolites. C’est le cas des fameux « champignons magiques ».
Ces spécimens ont la particularité de produire des substances hallucinogènes entrainant divers troubles sensoriels ainsi que des symptômes plus généraux. L’une des substances les plus connues et répandues est la psilocybine. Mais pourquoi les champignons ont-ils développé un tel pouvoir ? Le mystère intrigue depuis longtemps. D’autant plus que les scientifiques ont constaté que la psilocybine est produite par de nombreux champignons qui appartiennent pourtant à des espèces non apparentées.
Grâce à une étude publiée en 2018 dans la revue Evolution Letters, des biologistes pensent avoir résolu l’énigme. Comme on peut s’en douter, les champignons ne sont pas devenus hallucinogènes pour que les humains se mettent à les consommer. Au contraire même, ce pouvoir jouerait en réalité le rôle de mécanisme de survie pour les champignons.
Un transfert horizontal de gènes
Pour en arriver à cette conclusion, les biologistes de l’Université d’État de l’Ohio et de l’Université du Tennessee (États-Unis) ont étudié un groupe de champignons fabriquant tous de la psilocybine mais qui n’étaient pas apparentés. Ils ont ainsi constaté que l’ensemble des gènes responsables de la production de la substance était très similaire de l’un à l’autre. Ces gènes étaient même plus similaires que d’autres trouvés pourtant dans des espèces de champignons étroitement apparentées.
Cette observation suggère que ces particularités génétiques n’auraient pas été héritées d’un ancêtre commun mais plutôt qu’elles se seraient transférées directement entre des espèces éloignées. Un phénomène connu sous le nom de « transfert horizontal de gènes » (ou HGT). Il peut avoir lieu grâce à divers processus comme par exemple des virus qui prélèvent des gènes d’une espèce pour la transférer chez une autre.
Cependant, une question demeure : « Quel est le rôle de la psilocybine dans la nature ? », relève Jason Slot qui a dirigé les recherches. L’origine du transfert horizontal de gènes associé à la substance demeure inconnue, mais les spécialistes estiment que ce type de phénomène se produit généralement dans la nature en réponse à des facteurs de stress ou des opportunités apparaissant dans l’environnement.
Une substance qui coupe l’appétit des insectes
C’est en partant de cette hypothèse que Jason Slot et ses collègues ont découvert un indice : les gènes responsables de la fabrication de psilocybine ont semblé s’être transférés dans un environnement comportant de nombreux insectes mangeurs de champignons. Une observation qui a pris un sens nouveau en s’intéressant aux effets de la substance.
Une fois dans l’organisme, la psilocybine interfère avec un neurotransmetteur particulier et perturbe son fonctionnement. Or, si ce mode d’action provoque des hallucinations chez l’humain notamment, chez les insectes, il a un autre effet plus pervers : il diminue leur appétit. « Nous pensons que les champignons ont évolué pour devenir hallucinogènes parce que cela réduit les chances d’être mangé par des insectes », explique Jason Slot.
« La psilocybine ne fait probablement pas qu’avoir un mauvais goût ou empoisonner les prédateurs. Ces champignons altèrent « l’esprit » des insectes — s’ils en ont un — afin de répondre à leurs propres besoins », poursuit-il dans un communiqué. La substance leur servirait donc de mécanisme de survie, du moins face aux insectes. Car face aux humains, à l’inverse, elle a conduit à un intérêt tout particulier pour ces champignons !
Outre les usages récréatifs, la psilocybine est étudiée dans le traitement de divers troubles mentaux tels que les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), la dépression ou encore l’addiction. Si la théorie de l’équipe américaine reste encore à approfondir, elle pourrait ainsi « orienter les chercheurs vers d’autres molécules pouvant être utilisées pour traiter les troubles liés au cerveau », conclut Jason Slot.
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