Derrière le crime atroce, la vie effroyable de Lisa Montgomery, première femme exécutée aux États-Unis depuis 70 ans
La prisonnière de 52 ans, accusée de meurtre et d’enlèvement, s’est vu administrer une injection létale dans une prison de l’Indiana, ce mercredi 13 janvier. Elle est la première femme à être exécutée par le gouvernement fédéral depuis 1953.
Enfant, Lisa Montgomery a connu l’horreur absolue. Trente ans plus tard, elle l’a infligée à son tour. Accusée d’avoir assassiné Bobbie Jo Stinnett, 23 ans, avant de lui ouvrir l’utérus et de kidnapper son bébé, Lisa Montgomery a été exécutée aux alentours d’1h30 du matin, au pénitencier de Terre Haute, dans l’Indiana, ce mercredi 13 janvier, a annoncé le département de la Justice américain. Elle est la première femme à connaître ce sort aux États-Unis depuis 67 ans. Une mise à mort qui a scandalisé Kelley Henry, l’avocate de la prisonnière de 52 ans. «La soif de sang d’une administration en faillite a été pleinement exposée ce soir (…), a-t-elle déclaré. Notre Constitution interdit l’exécution d’une personne qui n’est pas capable de la comprendre de manière rationnelle. L’administration actuelle le sait. Et elle l’a tuée quand même.»
« Ratter Chatter »
Tout commence en 2004. Lisa Montgomery, 36 ans à l’époque, s’inscrit sur le forum «Ratter Chatter», destiné aux amateurs de terriers écossais. Elle y fait la connaissance de Bobby Jo Stinnett, une jeune éleveuse de chiens. Durant des semaines, les deux femmes échangent autour de leur passion commune. L’éleveuse confie à «Darlene Fischer» – le pseudonyme de Lisa Montgomery – qu’elle est enceinte de huit mois. Son interlocutrice prétend, elle aussi, attendre un heureux événement. En décembre 2004, elle formule le souhait d’adopter un chiot. Le duo convient d’un rendez-vous, et Lisa Montgomery parcourt plus de 280 km, entre les villes de Melvern et Skidmore, au Kansas, pour se rendre au domicile de l’éleveuse.
Une fois sur place, elle maîtrise la femme enceinte et l’étrangle avec une corde, avant d’extraire le bébé de son ventre et de le kidnapper. Les enquêteurs comprennent vite qu’il n’existe aucune «Darlene Fischer». Lorsqu’ils retrouvent Lisa Montgomery, par le biais de son adresse IP, le tableau est sidérant. La trentenaire, réfugiée à son domicile, berce une fillette entre ses bras. Elle affirme qu’elle est la mère de l’enfant, et lui a donné naissance la veille. Un alibi qui ne tarde pas à s’effondrer. Le bébé est ramené à son père, à Skidmore. Trois ans plus tard, l’accusée est incarcérée dans le Missouri, et condamnée à mort. Pour expliquer son geste, les avocats de Lisa Montgomery n’ont eu de cesse de mettre en avant le passé traumatique de leur cliente.
Une enfance « terrifiante »
Le récit de l’enfance de Lisa Montgomery suffit, à lui seul, à glacer le sang. Sa demi-sœur, Diane, s’est souvenue de cette période «terrifiante» dans les colonnes de BBC News. À l’époque, les deux petites filles grandissent au sein d’un foyer où les abus physiques, psychiques et sexuels sont monnaie courante. Des crimes perpétrés par Judy Shaughnessy, la mère de Lisa, et ses petits amis successifs. Le père de Diane a, quant à lui, déserté le domicile conjugal. «Judy était manipulatrice et tout simplement diabolique, raconte Diane Mattingly. Elle aimait torturer les gens autour d’elle.»
« À la fin, elle était brisée »
Les abus auraient débuté avant la naissance de Lisa. Alors qu’elle attend la petite fille, sa mère aurait en effet bu de grandes quantités d’alcool. Après l’accouchement, son bébé se révèle atteint du syndrome d’alcoolisation fœtale. Après des années de souffrance, les services sociaux placent Diane en famille d’accueil. Lisa n’a, elle, d’autre choix que de rester. «L’une des sœurs – moi-même – a pu sortir de cette situation, analyse Diane après coup. J’ai intégré un foyer aimant, où j’étais nourrie et où j’ai pu guérir. Ma sœur est restée dans cette situation, qui est devenue de pire en pire. À la fin, elle était brisée.» Pour la pré-adolescente, le pire est en effet à venir. Lisa subit les agressions sexuelles à répétition de son nouveau beau-père, alcoolique et violent. Leur famille ne cesse de déménager. La situation prend un tour encore plus terrible après leur arrivée dans l’Oklahoma.
Le second époux de Judy aurait en effet construit un hangar dans lequel lui et ses amis violentaient la fillette. La mère de Lisa aurait également permis à des ouvriers d’agresser sexuellement sa fille, en échange de réparations au sein de la maison. Au moment du divorce de sa mère et de son beau-père, Lisa témoigne devant un juge des abus perpétrés à son encontre. Celui-ci se serait contenté de réprimander sa mère pour son silence – avant de clore le dossier.
Une jeune femme « dans son monde »
À 18 ans, Lisa tente d’échapper à son calvaire. Elle épouse l’un de ses demi-frères, et donne naissance à quatre enfants en l’espace de cinq ans. Le mariage est loin d’être le salut espéré. Son époux se montre «cruel» et la harcèle. C’est à cette époque que ses troubles mentaux auraient commencé à se manifester. Ses proches, inquiets, la trouvent «dans son monde». La jeune femme finit par divorcer, et se remarie avec un dénommé Kevin Montgomery. Après son quatrième enfant, Lisa avait demandé à être stérilisée. Elle assure pourtant à son second époux qu’elle attend un bébé. Un mensonge qui finit par lui peser. La trentenaire, sous pression, redoute que son ex-époux, lancé dans une bataille judiciaire pour obtenir la garde de leurs enfants, ne révèle la vérité pour obtenir la garde. «Elle avait perdu tout contact avec la réalité», soutient aujourd’hui son avocate. Et s’apprêtait à commettre l’irréparable.
De multiples recours
Selon l’avocate Kelley Henry, Lisa Montgomery n’avait aucune chance d’échapper à sa condamnation. L’accusée a en effet pâti, selon elle, d’une mauvaise défense après son arrestation. L’erreur stratégique de ses premiers avocats ? Omettre de détailler les pathologies mentales dont souffre leur cliente – un trouble bipolaire, de stress post-traumatique et d’un trouble dissociatif. Ils présentent, par ailleurs, une théorie peu crédible : celle de la culpabilité du frère de Lisa Montgomery. Malgré un changement de stratégie, l’accusée perd toute crédibilité. Un jury la déclare coupable. Le lendemain, elle est condamnée à mort.
Le 24 décembre 2020, les avocats de Lisa Montgomery déposent néanmoins une demande de grâce présidentielle – sans succès. Le 11 janvier, un juge fédéral demande de surseoir à son exécution, afin d’évaluer son état de santé mentale. Le lendemain, une cour d’appel saisie par le ministère de la Justice annule cette décision. Un choix validé par la Cour Suprême. Lisa Montgomery est devenue, ce mercredi 13 janvier, la troisième femme à être exécutée par le gouvernement fédéral depuis 1900. Les deux précédentes, Bonnie Brown Heady, accusée de l’enlèvement et de meurtre, et Ethel Rosenberg, condamnée pour espionnage, avaient subi le même sort en 1953.
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