"Derrière ce côté très paresseux, Henri Salvador était en réalité très bosseur", témoigne sa dernière compagne, Catherine Salvador
Catherine Salvador est la quatrième et dernière épouse d’Henri Salvador. Ce vendredi 30 avril sort le nouvel album d’Henri Salvador sur lequel elle a travaillé : Homme Studio. Plus de 13 ans après sa disparition, 16 chansons nous replongent avec délice dans l’univers de ce poète, chanteur atemporel, et musicien d’exception.
franceinfo : Homme Studio, c’est un jeu de mot sur le mot « Home ». C’était un homme qui aimait s’enfermer dans un studio ?
Catherine Salvador : Henri était un oiseau des îles, donc il était souvent à droite et à gauche. Mais c’est vrai qu’il avait son studio à la maison, on en a même deux. Henri était, derrière ce côté très paresseux, très bosseur en réalité.
On le découvre avec ce disque, sa carrière est vraiment le reflet des femmes qui ont vécu avec lui. Notamment à la fin, avec vous et son Jardin d’hiver…
C’est l’homme de ma vie. Je souhaite cet homme-là à toutes les femmes du monde. C’était un homme tellement élégant, généreux, attentionné… Quand il disait « Tu es le plus beau tourment de ma vie », c’était merveilleux. C’était un homme amoureux comme moi, j’étais une femme amoureuse. Et c’est vrai que sa femme Jacqueline et moi-même, on lui a donné la possibilité d’aller là où il a été. Jacqueline, parce qu’elle en a fait quelqu’un qui a été très reconnu, si ça n’avait tenu qu’à lui, il aurait fait le tour des petites salles ou des bars avec sa guitare, ça lui suffisait. Et moi, je lui ai donné la possibilité de s’épanouir dans ce qu’il aimait.
Cet album marque la période de 1970 à 1975, cinq ans, quand Henri Salvador fabriquait ses chansons dans son home studio place Vendôme à Paris. Il jouait avec tout ce qui lui tombait sous la main et c’est à ce moment-là vraiment qu’il s’est lancé dans cette création.
Aujourd’hui, les jeunes travaillent sur ce genre de sons avec des ordinateurs. C’est là, la folie d’Henri, il savait tout faire, jouer de tous les instruments et ce n’est pas moi qui suis à l’origine de ce projet, il faut bien le dire, c’est Guido Cezarski. En écoutant ces chansons-là, il a trouvé que c’était en fait le début du son de Daft Punk.
Henri Salvador, c’est un homme qui a traversé un siècle, en commençant par le jazz et en allant vers le crooner, en touchant à toutes les musiques.
à franceinfo
C’est vrai qu’il a inventé une musique totalement hybride entre François de Roubaix et Walt Disney en passant par les Paul. C’est cette période que raconte Homme Studio. On le voyait comme un amuseur et avec cet album, on se rend compte que c’était un véritable virtuose.
Quincy Jones a toujours dit qu’il faisait partie des trois plus grands compositeurs contemporains. Les Brésiliens encensent encore beaucoup Henri, les Japonais et les Américains aussi. J’ai eu l’occasion de beaucoup voyager avec lui, de rencontrer les plus grands musiciens et de voir l’impact qu’il avait sur ces gens-là, c’était incroyable. Quand les Jackson Five demandent à le rencontrer absolument, quand Michael Jackson insiste pour le mettre sur son album Bad en remerciement, quand Al Jaro dédicace son dernier album à Henri, ça explique un peu. Il aimait surtout ce qu’il appelait « La musique qui frotte », c’est-à-dire Iannis Xenakis, Maurice Ravel, Pierre Boulez… C’était la musique qu’il aimait, les musiques très compliquées.
Il a gardé ses yeux d’enfant jusqu’à sa disparition, à l’âge de 90 ans. On redécouvre la fascination qu’il a eue pour Disney. C’est là qu’on voit aussi la force d’Henri Salvador, là où Disney voulait l’attaquer, ils ont réussi à trouver un terrain d’entente et à travailler ensemble, ce qui était juste extraordinaire à l’époque.
C’était cadeau pour Disney en même temps pour Henri, parce qu’à l’époque, on ne sortait pas les bandes originales comme on les sort maintenant avec les films, ce n’était pas commercialisé. Il se trouvait qu’ils avaient besoin d’un support musical et télévisuel et c’était l’opportunité pour Disney d’avoir ce vecteur qui amène les musiques Disney en France et cela aidait beaucoup les sorties de films.
Il est tombé dans la musique très tôt. N’est-ce pas lié au fait qu’il ait travaillé pour les enfants ?
Il n’a pas commencé pour ça. Il a commencé parce qu’il était heureux d’être musicien, de voyager à travers le monde. Il s’est trouvé qu’Une chanson Douce et Le loup, la biche et le chevalier sont arrivées en 1950 et que là aussi, il y a eu un virage. Mais sa base, c’est la musique, la musique, la musique uniquement ça. Et après, il allait sur toutes les musiques. Et c’est vrai que moi, j’ai un écart d’âge avec Henri. J’ai grandi avec ses chansons d’enfants et après ses chansons rigolotes, c’est évident. Et je mets au défi n’importe quelle maman de ne pas connaître Une chanson douce qui est devenue un standard. Même Steven Spielberg, une fois, l’a mise dans un film Intelligence Artificielle. Il était persuadé que c’était un vieux folklore français et la Sacem lui a dit : « Non, désolé, les auteurs-compositeurs sont encore en vie », et on a été approchés par Spielberg, à qui on a donné avec un immense plaisir les droits de la chanson pour son film.
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