Déprime et chocolat… Comment se libérer de la faim liée aux émotions ?
Les émotions peuvent pousser à manger sans que le corps en ait besoin. Deux nutritionnistes et une enseignante-chercheuse donnent les clés pour se libérer de l’alimentation sous le coup d’une pulsion.
Stress, ennui, sentiment de solitude, de déprime, rupture amoureuse… Confronté(e)s à diverses émotions, certain(e)s trouvent un allié de taille dans leur assiette pour les gérer. C’est ce que l’on appelle la «faim émotionnelle», autrement dit la quête de l’aliment sucré, salé ou gras pour s’apaiser, calmer une pulsion. «C’est une envie irrépressible que l’on a du mal à contrôler et à maîtriser. On va chercher à combler un vide», indique le Dr Eve Villemur (1), médecin nutritionniste spécialisée dans les thérapies comportementales et cognitives (TCC). «Lors d’une étude de 2013, on a démontré que manger sous le coup de l’émotion négative était plus vrai chez les femmes que chez les hommes», ajoute Sandrine Péneau, enseignante-chercheuse en nutrition à l’Université Paris 13.
Contrairement à la véritable sensation de faim qui répond à des signaux physiques, qui indiquent que le corps a besoin de carburant, celle dite «émotionnelle» se manifeste dans notre tête. Lorsque nous sommes aux prises avec une émotion forte telle que la colère ou la tristesse, «ce n’est plus le cerveau rationnel ou cortical qui est aux commandes mais le cerveau limbique ou émotionnel. Ce dernier va nous pousser à agir pour nous calmer, en mangeant par exemple», précise Eve Villemur.
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L’alimentation comme exutoire
Se réconforter par l’alimentation n’est pas un réflexe inné chez l’être humain mais résulte d’un apprentissage fait dès le plus jeune âge : «Si quand on était enfant, l’unique façon de se consoler était l’alimentation, on retient une fois adulte que c’est le seul moyen de se sentir mieux», mentionne la médecin Eve Villemur.
Évidemment, le débordement émotionnel ne pousse que très rarement vers la poignée d’amandes et de raisins de Corinthe, mais davantage vers les chips, le chocolat et autres biscuits. La raison est simple : «On a besoin de se faire un plaisir immédiat», explique la médecin nutritionniste. Et l’ingestion de «ce type d’aliments gras ou sucrés offre rapidement un shoot de réconfort en entraînant la sécrétion d’hormones du bien-être, endorphines et sérotonines en tête, complète Florence De Le Rue (2), psycho-nutritionniste. Pour faire taire notre culpabilité, on aura également tendance à consommer ce type d’aliments en excès».
Comment s’en libérer ?
Il s’agirait de commencer par accepter qu’un aliment nous apporte du réconfort et d’arrêter d’incriminer ceux qui nous attire. «Plus un aliment est interdit, plus on est dans la résistance et moins on accepte d’avoir cédé, ce qui nous pousse à en ingérer en excès», souligne Florence De Le Rue.
Une autre option à envisager est de craquer en conscience, comme le préconise l’alimentation en pleine conscience. On sait qu’on mange sous le coup de l’émotion. Dans ce cas, plutôt que d’agir sur les quantités ingérées, «choisissons des aliments peu caloriques comme le yaourt ou le sorbet lors des débordements émotionnels, conseille de son côté Sandrine Péneau, et remplaçons le grignotage par une activité qui nous procure des émotions positives».
S’interroger sur le cadre d’un craquage alimentaire permet d’une part de comprendre pourquoi nous avons envie de grignoter et, d’autre part, de se rendre compte des quantités ingérées. Selon Florence De Le Rue, il serait ainsi judicieux de «se mettre systématiquement à table pour marquer un temps de pause et prendre conscience que l’on est entrain de manger». Bien sûr, on peut aussi demander l’aide d’un thérapeute, un professionnel de la nutrition comportementale qui travaille avec les thérapies comportementales et cognitives, par exemple. «On identifie par écrit s’il s’agit d’un besoin ou d’une envie, les signaux et les émotions ressentis, etc.», illustre la médecin nutritionniste Ève Villemur. De quoi arrêter de céder aux sirènes du réfrigérateur.
(1) Eve Villemur est auteure de l’ouvrage Maigrir grâce à mes trois cerveaux : rationnel, émotionnel et intestinal, Éditions Le Duc, 18 euros, 304 pages, paru en avril 2018.
(2) Florence De Le Rue est auteure du livre L’anti-mythe alimentaire ou comment casser les idées reçues sur la nutrition, Albin Michel, 13,50 euros, 144 pages, paru en octobre 2018.
* Cet article, initialement publié en mai 2019, a fait l’objet d’une mise à jour.
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