De nouvelles études alertent sur le déclin des insectes et livrent des solutions pour l'enrayer
Une série de douze études portant sur le déclin des insectes à travers le monde vient de paraitre dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Selon leurs résultats, les insectes sont soumis à de multiples menaces mais des solutions existent pour enrayer leur disparition.
Avec plus d’un million d’espèces décrites, les insectes constituent les animaux les plus diversifiés et les plus abondants au monde. Selon une estimation, il y aurait plus d’un milliard de milliards de spécimens vivant actuellement sur Terre, représentant une biomasse largement supérieure à celle de tous les animaux terrestres y compris les humains.
Comme de nombreux autres animaux, les insectes ne se portent toutefois pas au mieux. Ces dernières années, de nombreuses études ont alerté sur le déclin des populations à travers le monde. En 2017, des recherches ont révélé que la biomasse des insectes volant avait chuté de 75% en près de trente ans en Allemagne.
En 2019, des travaux ont eux conclu que pas moins de 40% des espèces pourraient s’éteindre au cours des prochaines décennies. Aujourd’hui, c’est une nouvelle sonnette d’alarme que tire un ensemble de douze études publiées par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
1 à 2% de déclin chaque année
Ces recherches dressent le bilan du déclin des insectes dans différents pays et révèlent de nouveaux chiffres préoccupants. Selon une analyse globale également publiée dans la revue, l’abondance de nombreuses populations d’insectes déclinerait de 1 à 2% par an. Un rythme loin d’être insignifiant.
Cela signifie que « vous perdez 10 à 20% des animaux en une seule décennie et c’est absolument terrifiant. Vous détruisez la tapisserie de la vie« , s’alarme le professeur David Wagner, chercheur à l’université du Connecticut et principal auteur de l’analyse affirmant que « la nature est en état de siège« .
Si les insectes sont souvent de grands oubliés, ils remplissent en effet des rôles majeurs dans la « tapisserie de la vie« . Ils aident les plantes à se reproduire via la pollinisation, ils décomposent et recyclent la matière organique et constituent un chaînon essentiel de la chaîne alimentaire.
« Les insectes fournissent tant à l’humanité« , résume Akito Kawahara, entomologiste du Florida Museum of Natural History et principal auteur de l’une des études. « Rien qu’aux Etats-Unis, les insectes sauvages contribuent à hauteur de 70 milliards de dollars par an à l’économie à travers de services gratuits comme la pollinisation et l’élimination des déchets« .
Une situation loin d’être homogène
« C’est incroyable et la plupart des gens ne le savent pas« , déplore-t-il dans un communiqué. La situation des insectes à travers le monde est toutefois plus complexe qu’il n’y parait. Si de nombreuses espèces connaissent effectivement un déclin dramatique, d’autres présentent ainsi des situations bien différentes, montrent certaines des études.
En Grande-Bretagne, par exemple, plusieurs espèces de papillons de nuit montrent une augmentation de leur population ou un extension de leur aire géographique. Autre exemple avec une espèce de papillon appelée Agraulis vanillae qui prospère maintenant en Californie grâce à la culture de sa plante hôte.
La situation est donc loin d’être homogène mais elle demeure inquiétante quant à l’avenir de ces précieux organismes. D’autant plus que les menaces qui pèsent sur eux sont multiples comme le confirment certaines des études et comme l’illustrent le Pr. Wagner et ses collègues, mentionnant une « mort par mille coupures« .
Des vecteurs de déclin multiples
Les principaux vecteurs du déclin des insectes sont bien connus. D’après les recherches, ils comprennent les changements d’utilisation des sols (déforestation comprise), l’agriculture intensive, les espèces introduites ou encore la pollution. A cette liste, s’ajoutent à certains d’endroits d’autres facteurs tels que l’urbanisation, les pesticides et la pollution lumineuse.
L’importance de chacune de ces menaces demeure difficile à déterminer et semble varier dans l’espace et le temps. Ainsi, « dans des zones de forte activité humaine, où les déclins sont les plus flagrants, de multiples facteurs de stress apparaissent simultanément« , expliquent le Pr. Wagner et ses collègues.
Sur la liste des principaux dangers, figure néanmoins un autre facteur aussi incertain que préoccupant : le changement climatique. « C’est celui qui m’inquiète réellement le plus« , précise le Pr. Wagner repris par The Guardian. Une hausse de variabilité du climat « pourrait « favoriser les extinctions à un rythme encore jamais vu« , affirme-t-il.
« Les insectes sont vraiment vulnérables à la sécheresse […] Des choses comme les libellules ou les demoiselles peuvent se déshydrater jusqu’à la mort en une heure si le taux d’humidité est très bas« , poursuit-il. Pour certaines espèces, les changements climatiques figurent déjà parmi les facteurs de déclin identifiés.
Des solutions simples contre le déclin
La non-homogénéité de la situation et la multiplicité des causes peuvent sembler changer le déclin des insectes en problème complexe. Elles sont en réalité une source d’espoir. « Cela peut nous aider à comprendre ce que nous pouvons faire pour les aider« , souligne Roel van Klink du German Centre for Integrative Biodiversity Research.
Car il n’est pas trop tard pour agir pour les spécialistes. « Il est évident que les insectes ont la possibilité de rebondir« , assure Matthew Forister, écologue de la University of Nevada et co-auteur de l’analyse. L’une des études s’applique d’ailleurs à proposer huit solutions simples au public pour les aider.
Parmi elles, les chercheurs suggèrent de créer des habitats favorables en tondant moins, en plantant des espèces natives, en réduisant l’utilisation des pesticides et en limitant l’éclairage extérieur. « Même une petite parcelle peut être très importante et fournir aux insectes un lieu où nicher et trouver des ressources« , justifie Akito Kawahara.
L’entomologiste et ses collègues recommandent également de devenir « un ambassadeur pour les insectes » en luttant contre les stéréotypes qui leur sont associés et en mettant en lumière leur diversité, leur importance et leur beauté. « L’opinion publique est un outil puissant de conservation« , affirment-ils dans leur rapport.
Selon l’analyse de l’équipe du Pr. Wagner, il est également important de poursuivre les recherches pour continuer d’informer et alerter alors que « de nombreuses données existantes restent encore à analyser« . Certains travaux publiés ces dernières années ont déjà incité des pays à réagir.
L’Allemagne a annoncé en 2019 un investissement de plus de 100 millions d’euros pour un plan d’action visant à protéger les insectes. Au printemps 2020, le Costa Rica a dévoilé un ambitieux projet de 80 millions d’euros pour dresser un inventaire et séquencer l’ADN de « toutes les créatures multicellulaires du pays » dont une grande partie sont des insectes.
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