Cynophobie : tout savoir sur la peur des chiens

Souvent initiée par une expérience malheureuse durant l’enfance, la phobie des chiens est fréquente. Bonne nouvelle : il est possible d’en guérir.

À la seule évocation de Bidouille, le golden retriever de ses voisins de palier, Myriam blêmit. Qu’elle entende un matin l’animal aboyer de l’autre côté du couloir et cette cadre dynamique peut rester cloîtrée dans son studio pendant des heures, de peur de se retrouver nez à nez avec lui en ouvrant sa porte. Et si, par le plus grand des malheurs, elle vient un jour à le croiser en allant chercher son courrier, la quadra entre illico dans un état de transe incontrôlable.

Qu’est-ce que la cynophobie ?

Myriam est atteinte de cynophobie : une peur irrationnelle et démesurée des chiens. Rien à voir avec l’appréhension légitime que l’on peut ressentir face à des animaux potentiellement dangereux ou inconnus. Non, la terreur de la jeune femme est telle qu’elle est incapable d’être confrontée à un canidé. L’idée même qu’elle pourrait se trouver dans cette situation suffit à l’angoisser. Et sa hantise a des répercussions handicapantes sur son quotidien. C’est là le propre de toute phobie.

La zoophobie – la peur des animaux – est un mal très répandu. Parmi les petites et grosses bébêtes qui déclenchent couramment des frayeurs chez l’homme, le chien figure en bonne place. Il talonne les espèces les plus redoutées, au nombre desquelles on compte les araignées, les insectes, les serpents, les oiseaux, les rats et même les chats (ça s’appelle l’ailurophobie).

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D’où vient la cynophobie ?

Anxiété, vulnérabilité génétique, poids des pensées… La cynophobie résulte de causes multiples. Elle cache souvent un traumatisme, comme une morsure, une course-poursuite ou une banale scène de bagarre entre caniches. Un traumatisme parfois si enfoui qu’il est impossible de se le remémorer.

D’autres fois, il n’y a rien. Pas la moindre explication pour justifier l’affolement. Le chien suscite à lui seul son lot de fantasmes. Dans l’imaginaire collectif, il reste, jusqu’à la découverte du vaccin de Pasteur, en 1885, le principal vecteur de la rage. A quoi s’ajoutent des mythes et une littérature qui ne jouent pas toujours en sa faveur. Entre 1764 et 1767, la bête de Gévaudan aurait tué une centaine de personnes, surtout des femmes et des enfants chargés de garder les vaches, sur le territoire de l’actuelle Lozère. La créature était, dit-on, un croisement entre un chien de combat et un loup. Dans « Le chien des Baskerville », d’Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes part, lui, sur les traces d’un molosse démoniaque soupçonné d’avoir provoqué la mort d’un vieil homme.

Dans les années 1990, les pitbulls de Corbeil-Essonnes ne redorent pas le blason du canidé. D’autant que leur maîtres s’en servent pour semer la panique dans les cités. « Certains propriétaires de chiens se plaisent à véhiculer une image agressive de leur compagnon à quatre pattes, avance le sociologue Christophe Blanchard. Il suffit de voir le nombre de plaques « Je monte la garde » apposées sur les portails ou sur les boîtes aux lettres pour s’en convaincre. »

Un réflexe qui ne date pas d’hier. A Pompéi, en 79 de notre ère, l’inscription « cave canem » (prenez garde au chien) figurait déjà sur des mosaïques à l’entrée des habitations. Cette image de dangerosité transparaît dans nombre de discours parentaux. Que ceux qui n’ont pas un jour dit à leur enfant : « ne t’approche pas du chien, il est méchant » lèvent le doigt ! La crainte de la morsure est bien ancrée dans les têtes.

Manifestations et symptômes

Comme tout phobique, le cynophobe commence toujours par adopter un comportement d’évitement. Il n’emprunte pas une rue s’il sait qu’il peut y croiser un bulldog anglais, ou même un teckel, quitte à rallonger considérablement son temps de trajet. Passionné de course à pied, Jérôme, 29 ans, ne pratique son sport que sur un tapis, de peur d’être poursuivi par un chien en pleine nature. « J’ai beau mesurer 1,86 mètre et peser près de 100 kilos, la vue d’un chihuahua ou d’un caniche nain me donne des sueurs froides », raconte le jeune homme.

Le hic ? La France compte 7,3 millions de chiens, selon la Société Centrale Canine. Difficile d’imaginer pouvoir leur échapper ad vitam aeternam. La rencontre, ou l’anticipation de la rencontre, voire un simple aboiement, suffisent à déclencher chez le cynophobe une crise de panique, avec son cortège bien connu de somatisations : palpitations, sueurs, boule dans la gorge, tremblements, vertiges…

Solutions et traitements

En présence d’un chien, le bon sens veut qu’on ne coure pas, qu’on ne crie pas et qu’on ne fixe pas l’animal. Il convient au contraire de l’ignorer ou de faire l’arbre, autrement dit, de rester immobile, les bras le long du corps en regardant en l’air. Plus facile à dire qu’à faire, diront certains.

Si tout cela reste au-dessus de vos forces et que votre cynophobie vous pourrit la vie, sachez qu’il existe des moyens pour vous en débarrasser. « Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont très efficaces, confirme le psychiatre Jérôme Palazzolo, auteur de Je me libère de mes phobies (Puf).  Elles consistent à exposer progressivement la personne à la présence d’un chien. Les exercices se font d’abord par l’imagination – regarder le mot écrit, toucher une image ou caresser une peluche, écouter un aboiement… –, puis sous forme de mise en situation. »

Parallèlement à ce travail, le thérapeute préconise la relaxation, la méditation, la sophrologie, voire l’hypnose. Si le stress est trop important, une aide médicamenteuse peut également être prescrite. Il incite enfin et surtout ses patients à se rendre chez un éducateur comportementaliste, afin d’observer des espèces gentilles et bien éduquées. Car l’anxiété découle souvent d’une méconnaissance de l’univers du chien.

Possibilité de prise en charge et guérison

La cynophobie se soigne très bien. Une dizaine de séances chez un psychothérapeute, ou chez un psychiatre, dont les consultations présentent l’avantage d’être prises en charge, suffisent en général à habituer le patient à l’animal et à éteindre sa peur.

Pour ce qui est de Myriam, pas sûr qu’elle soit prête à pousser la porte d’un spécialiste et encore moins celle d’un centre canin. Pour l’heure, la jeune femme scrute plutôt les petites annonces, avec l’espoir de dégoter un appartement dans un environnement moins anxiogène.

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