Covid-19 : pourquoi recommande-t-on d’injecter deux doses du vaccin ?

Face à la pression du variant de la Covid-19 beaucoup plus contagieux et au nombre de doses restreint des vaccins, le Royaume-Uni a décidé, mercredi 29 décembre, de revoir sa stratégie vaccinale. Au lieu de procéder à deux injections à trois semaines d’intervalle, comme le prévoit le protocole initial, les autorités sanitaires britanniques ont annoncés qu’elles sépareront l’administration des deux doses de douze semaines.

Objectif : vacciner davantage de personnes avec une seule dose, en attendant les nouvelles livraisons de vaccins pour procéder à la deuxième injection. Leur raisonnement : une seule dose permet déjà d’assurer une protection, même si elle ne devient optimale qu’après l’injection du « boost », c’est-à-dire la deuxième dose.

Deux doses pour une vaccination optimale

Le vaccin élaboré par les laboratoires Pfizer-BioNTech est efficace à 95 % contre la Covid-19 si l’on administre deux doses à 21 jours d’intervalle, contre 52 % avec une seule dose, révèlent les résultats des essais cliniques publiés le 10 décembre.

Les laboratoires Pfizer-BioNTech ont mis en garde le Royaume-Uni contre l’allongement du délai entre les deux administrations du vaccin. Selon eux, il n’existe pas de données permettant de garantir une protection au-delà de 21 jours avec une seule injection.

Ils rappellent également que même si une première protection arrive douze jours après la première piqûre, deux doses de vaccins, espacées de trois semaines, sont nécessaires pour obtenir une efficacité de 95 %. C’est le seul protocole qui a montré son bien-fondé dans des essais cliniques de phase 3.

« Ce que l’on sait de manière sûre, c’est qu’après deux doses, on a une immunité qui est très solide et qui est même supérieure à l’immunité que l’on obtient si l’on contracte la maladie. Et l’autorisation de mise sur le marché a été donnée pour les deux doses. On ne possède pas, à l’heure où je vous parle, d’études qui compareraient l’immunité acquise après une dose versus deux doses », a déclaré Frédéric Adnet, directeur médical du SAMU de Seine-Saint-Denis et chef des urgences de l’hôpital Avicenne à Bobigny, le 2 janvier à France Info.

« Les vaccins à ARN messager sont testés depuis pas mal d’années maintenant et les études préliminaires ont permis de montrer qu’une dose de vaccin n’induisait pas une réponse immunitaire suffisante et que la deuxième injection (que l’on appelle le boost) est nécessaire pour induire une réponse de qualité et une protection. Cette stratégie en deux injections est très commune car quasiment tous les vaccins nécessitent cette double dose pour être efficace », nous explique le Dr Aurélie Wiedemann, immunologiste à l’institut de Recherche Vaccinale à Créteil.

Une protection jugée suffisante dès la première dose 

Malgré tout, certains scientifiques et médecins assurent qu’une seule dose serait suffisante pour être efficace.

À l’instar de l’épidémiologiste Michael Mina et de la sociologue des sciences Zeynep Tufekci, qui se sont posés la question dans une tribune publiée dans le New York Times le 18 décembre. Ils expliquent que le vaccin du laboratoire Moderna apporte une protection de 92 % contre le virus dès la première injection, et que celle-ci n’augmente que de deux points après la deuxième dose.

« Ne peut-on pas vacciner deux fois plus de gens qu’on le pensait ? Selon les données fournies par Moderna, la protection enregistrée entre le 14e et le 28e jour – autrement dit une fois l’immunité lancée par la première injection et avant la deuxième injection – serait de 92 %, soit presque autant que les 94 % constatés avec deux doses », remarquent-ils alors.

Le troisième vaccin entré sur le marché, celui de la firme anglo-suédoise AstraZeneca, conserverait quant à lui une efficacité proche de 70 % pendant douze semaines. 

Aucune donnée scientifique solide sur une modification du protocole

Si l’immunologiste Stéphane Paul, membre du Comité Vaccin Covid-19, admet qu’il s’agit d’une « stratégie intéressante de vouloir toucher plus de monde », il rappelle au journal Le Parisien, que « les essais cliniques n’ont pas été faits sur cette base de repousser la deuxième injection. On sait que le vaccin Pfizer est efficace à 95% avec deux doses. Le reste, on ne peut pas savoir. »

« La production d’anticorps neutralisant n’apparaît qu’avec la deuxième injection, précise de son côté Jean-Daniel Lelièvre, chef du département d’immunologie clinique et de maladies infectieuses à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, à Le Monde. « Le rôle de la deuxième injection est de faire durer l’immunité. Rien ne dit pour le moment que la première dose seule offrira cette même protection », ajoute-t-il.

Pour Gilbert Deray, médecin à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière à Paris, « les études ne permettent pas de dire si cela est efficace et l’AMM (autorisation de mise sur le marché, ndlr) du vaccin repose sur deux injections. On ne dégrade pas un protocole thérapeutique pour compenser un manque de logistique », écrivait-il le 31 décembre sur Twitter.

Jean-Daniel Lelièvre, chef du service immunologie de l’hôpital Henri Mondor et expert auprès de la Haute Autorité de Santé, estime qu’il n’y a pas pour l’instant pas de données scientifiques solides permettant de justifier le tournant britannique, note Le Républicain Lorrain le 2 janvier.

Cette stratégie a également été évoquée par le président de la commission de vaccination allemande, Thomas Mertens. Avec un principe de réalité : gérer la pénurie de vaccins. Pfizer a fait savoir le 1er janvier qu’il allait intensifier sa production. Mais le laboratoire s’attend à de probables ruptures d’approvisionnement jusqu’à ce que d’autres vaccins soient disponibles au sein de l’Union européenne.

Une « combinaison » de différents vaccins pour faire face à l’urgence ?

Face à l’urgence à laquelle fait face le Royaume-Uni, les autorités sanitaires ont autorisé, au moment de la seconde injection, la combinaison de différents vaccins contre le coronavirus sous certaines conditions, en dépit là encore du manque de preuves scientifiques de l’efficacité d’une telle association.

Si « le même vaccin n’est pas disponible ou si le premier produit reçu est inconnu, il est raisonnable de proposer une dose du produit disponible localement afin d’achever le processus », explique un document publié par le gouvernement. Le Royaume-Uni vient en effet d’approuver le vaccin d’AstraZeneca et Oxford, devenant lundi 4 janvier, le premier pays au monde à injecter le vaccin contre la Covid-19 de ce groupe pharmaceutique.

En France, des stocks pour sécuriser la deuxième dose

En France,le ministère de la Santé a déclaré le 2 janvier que la préconisation des laboratoires Pfizer-BioNTech allait être suivie.

La stratégie vaccinale française prévoit de sécuriser les stocks pour la deuxième dose. Au moment de la première injection, la deuxième dose est mise de côté dans un centre de stockage, pour contrer un éventuel problème d’approvisionnement. Cette stratégie assure, selon le ministère de la Santé, que tout le monde recevra deux doses dans les délais prévus par le protocole de vaccination.

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