Covid-19 : faut-il élargir la vaccination ?
Face aux nombreux créneaux de vaccination disponibles dans certaines villes, ainsi qu’aux témoignages de médecins contraints de jeter des doses faute de volontaires, certains Français réclament la vaccination pour tous. Le débat divise.
De nombreuses captures d’écrans de créneaux de vaccination libres font le tour des réseaux sociaux depuis le début de la semaine. Accompagnée de ces photos, toujours la même indignation : « 354 doses de Pfizer à 10 min à pied avec des créneaux toute la journée. En plein Paris. On ouvre aux moins de 55 ans à un moment ou on attend 2022 ? », tweete par exemple @ArnaudRaoux.
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« 3333 vaccins disponible à 20 min à pied de chez moi. Mais je n’y ai pas le droit », écrit sur son compte une internaute. « Au lieu de jeter les vaccins à la poubelle jetez le dans nos veines svp on est fatigués », ironise une autre. De cette vague de protestation est née deux hashtags, repris plusieurs milliers de fois : « #LesJeunesVeulentLeVaccin » et « #VaccinationPourTous ». Actuellement, seuls les plus de 55 ans, les plus de 50 ans avec comorbidité et le personnel de santé sont éligibles pour se faire vacciner.
354 doses de Pfizer à 10 min à pieds avec des créneax toute la journée.En plein Paris.On ouvre aux moins de 55ans à un moment ou on attend 2022 ? pic.twitter.com/m8XwMTdlx0
Sur internet ou ailleurs, de plus en plus de Français réclament le droit de pouvoir se faire vacciner, peu importe l’âge. Si la patience était de mise au début de la campagne vaccinale, les témoignages réguliers de médecins ou de personnel de santé contraints de jeter des doses fautes de volontaires ont le don de provoquer la colère chez certains. « On se trompe de cible. On devrait vacciner tous les volontaires et en particulier les jeunes. On subit depuis près d’un an des restrictions engendrant de la précarité, de l’angoisse, de l’isolement de manière plus importante que le reste de la population », raconte par exemple Pierre, 22 ans, qui travaille à la mairie de Paris.
Certains centres de vaccination font fi du calendrier
Du côté du gouvernement, c’est un « non » ferme : hors de question d’élargir la vaccination pour l’instant. « Si on l’ouvrait au premier venu, une personne prioritaire ne sera pas vaccinée », explique sur Europe 1 mercredi Alain Fischer, président du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale. « Il y a des personnes très âgées pour lesquelles il est difficile de se déplacer ou plus difficile d’entrer en contact avec l’organisation de la vaccination. Il faut les attendre, il faut aller les chercher », poursuit le « monsieur vaccin » du gouvernement, qui estime que 4,3 millions de Français « à risque » n’ont pas encore été vaccinés. Il soutient, toujours sur Europe 1, qu’il « n’y a pas de gâchis » : « Marginalement, ça existe, comme dans tout processus humain, mais fondamentalement les doses sont utilisées. »
Face à ces problèmes d’organisation, certains centres ont décidé d’être moins regardants sur l’âge des patients qu’ils vaccinent. Arthur*, 23 ans, en a donc profité : « Je voyais tous les jours des créneaux disponibles dans mon centre de vaccination en Normandie. Je me suis dit que j’allais réserver et que ça ne coûtait rien de tenter. » Le jour-J, le jeune homme se présente et est pris en charge par un médecin. « La seule question qu’il me pose, c’est “est-ce que vous voyez du monde ?” J’ai répondu “oui”, simplement. » Arthur affirme que si « les gens se bousculaient », il « ne se serait pas inscrit ». Or, ça ne semblait pas être le cas dans ce vaccinodrome où il y a régulièrement plus de doses que de candidats.
« La seule question que le médecin me pose, c’est “est-ce que vous voyez du monde ?” J’ai répondu “oui”, simplement »
Le Calvados n’est pas le seul département où on peut se faire vacciner sans être éligible : dans les centres des Alpes-Maritimes, on ne se cache plus de ne pas suivre le calendrier imposé par le gouvernement. Ici, 27% de la population a reçu une première dose. C’est quasiment deux fois plus qu’en Seine-Saint-Denis. La mairie de Cannes a donc ouvert ses créneaux aux plus de 40 ans en privilégiant les personnes travaillant au contact du public, comme le rapporte Franceinfo. Mais d’autres tranches d’âges ont pu également en profiter : « J’ai 20 ans. J’ai appelé vers 15 heures et j’ai eu un rendez-vous à 16h30 », confie ainsi un étudiant à Franceinfo.
« C’est en vaccinant les patients âgés qu’on aura le plus d’impact sur la pandémie »
Cette question de l’élargissement de la vaccination fait polémique même parmi les professionnels de santé. Pour Émilie Ferrat, médecin généraliste et chercheuse en épidémiologie, ouvrir la vaccination à tous n’est pas forcément « la solution ». « Dans ce débat, on oublie tous les incertains et/ou ceux qui n’arrivent pas à prendre de rendez-vous parce que ça reste compliqué pour certaines personnes », explique la spécialiste. Elle dit comprendre « la frustration des jeunes », mais précise que la vaccination des plus fragiles reste la priorité. « Ce qu’on veut, à terme, c’est limiter la mortalité du covid. Et c’est en touchant les patients âgés ou ceux ayant des comorbidités sévères qu’on aura le plus d’impact sur la pandémie », assure-t-elle.
Cependant, Émilie Ferrat reste très critique à l’égard de la mise en œuvre de la campagne vaccinale. « Il y a, sans aucun doute, un maillon manquant entre les doses restantes et les patients éligibles. Pour moi, les centres de vaccination ne communiquent pas assez avec la médecine de ville, qui permettraient de rassurer et de faire basculer les hésitants », déclare l’experte. Pour lutter contre le gaspillage, des développeurs indépendants ont créé des plateformes (Covidliste, Vitemadose) qui mettent en relation des volontaires et des professionnels de santé qui disposent de doses de vaccins non utilisées. Pour l’instant, le gouvernement ne propose aucun outil qui permettrait de limiter les pertes.
*Le prénom a été modifié
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