Covid-19, cancer… Pourquoi les femmes sont moins touchées
L’épidémie de coronavirus l’a montré une fois de plus : les femmes s’en sortent globalement mieux face à certaines maladies. Et toc !
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Les femmes vivent plus longtemps : 85 ans en moyenne en France contre 79 ans pour les hommes (Insee) et 95 % des supercentenaires qui dépassent les 110 ans sont des femmes. Les explications sont nombreuses et beaucoup sont liées à nos comportements et modes de vie. Mais parfois aussi, la biologie nous donne un bon petit coup de pouce.
Double chromosome X, double protection
Dans le livre La Meilleure Moitié (Kero), le médecin américain Sharon Moalem rappelle que la présence de deux chromosomes X dans l’ADN de chaque cellule (là où les hommes ont un X et un Y) fait une sacrée différence. « Le plus souvent, un des deux X s’inactive, mais environ un quart des gènes résiste à cette inactivation. On a alors deux gènes qui s’activent au lieu d’un. C’est comme si les femmes avaient une double dose du gène, qui peut favoriser ou inhiber certains mécanismes, donc dans certaines circonstances être doublement utile », explique le Pr Claudine Junien, chercheuse en génétique et épigénétique. Cela explique notamment pourquoi certaines maladies comme l’hémophilie, le daltonisme ou la myopathie de Duchenne touchent essentiellement les hommes. Toutes sont liées au chromosome X : les femmes peuvent être porteuses du gène défectueux mais souvent leur deuxième chromosome X vient « compenser » ce défaut, ce qui les empêche de développer la maladie.
Résistance maxi aux infections
En France, les hommes représentent 59 % des patients décédés d’une forme grave de Covid et on compte environ 72 % d’hommes en réanimation, alors que les femmes sont un peu plus touchées (52,4 % des cas confirmés en laboratoire (source : Santé Publique France). Les chercheurs suivent la piste génétique. Car sur le gros chromosome X, qui compte plus de 1 000 gènes, une bonne centaine est liée à l’immunité. « On a identifié notamment un gène, exprimé en double chez les femmes, qui joue un rôle essentiel dans la réponse immunitaire face aux virus à ARN comme le Sars-Cov 2. C’est une hypothèse plausible », indique le Pr Jean-Charles Guéry, directeur de recherche Inserm au CHU Toulouse-Purpan. On retrouve d’ailleurs ce déséquilibre dans la plupart des infections : « De manière globale, la production d’anticorps protecteurs face aux virus, bactéries (type staphylocoque doré ou helicobater pilori qui cause l’ulcère de l’estomac), parasites… est supérieure chez les femmes », ajoute le spécialiste. L’impression que les hommes en rajoutent quand ils sont touchés par une grippe ? En réalité, leur vulnérabilité est réelle, elle tient aussi aux hormones sexuelles : dans des études sur les souris, les mâles présentant des taux élevés de testostérone ont davantage de difficultés à se débarrasser du virus. Nous ne sommes pas égaux non plus face au vaccin antigrippe : « Les femmes produisent la même quantité d’anticorps neutralisants avec une dose moitié moins importante que celle injectée aux hommes », rappelle le Pr Guéry.
Les femmes moins sensibles au cancer
Bien sûr, les cancers typiquement féminins font beaucoup de victimes, mais il y a en moyenne 20 % de plus de cancers chez les hommes. Pas si étonnant, puisque la maladie implique de nombreux mécanismes liés à l’immunité qu’on est capable de déclencher ou non contre les cellules malignes. « Il y a aussi sur le chromosome X des gènes suppresseurs de tumeurs, qui gênent la prolifération des cellules, donc freinent le développement du cancer. On en a déjà identifié six, dont cinq peuvent s’exprimer en double, assurant de ce fait une protection supplémentaire aux femmes », ajoute le Pr Junien. Des facteurs socio-culturels jouent aussi en notre faveur : les femmes mettent généralement moins de temps que les hommes à consulter un médecin, ce qui permet aussi de détecter plus tôt un éventuel problème.
Un cœur bien accroché mais…
« Les études le montrent, il y a des différences hommes/femmes importantes en matière de maladies cardiovasculaires, notamment parce qu’on trouve sur le chromosome Y (que les femmes n’ont pas) des allèles impliquées dans des pathologies cardiovasculaires », rappelle le Pr Junien. Avant la ménopause, les œstrogènes assurent aussi un rôle protecteur. Résultat : pendant longtemps, la crise cardiaque ou l’AVC terrassait surtout les hommes. Mais aujourd’hui, alors que les femmes fument et boivent davantage, subissent une forte dose de stress au quotidien… plus de la moitié des 400 personnes qui décèdent chaque jour de maladies cardiovasculaires sont des femmes. Un constat alarmant qui montre bien que la santé dépend aussi beaucoup du mode de vie et qu’un avantage naturel (ici génétique et hormonal) peut vite se perdre quand les comportements changent.
Maladies auto-immunes, notre point faible !
Enfin, soyons honnêtes, la balance ne penche pas toujours de notre côté : on est plus nombreuses à souffrir de migraine, d’ostéoporose ou d’hypothyroïdie, notamment en raison des bouleversements hormonaux. Et notre « super-immunité » se révèle à double tranchant : « Ce qui semble être un avantage au départ peut se transformer en inconvénient lorsque certaines femmes produisent des anticorps contre elles-mêmes et développent des maladies auto-immunes », rappelle le Pr Junien. On est en effet beaucoup plus exposées à ces maladies type lupus, maladies thyroïdiennes (Hashimoto, Basedow) ou polyarthrite rhumatoïde. Et face aux vaccins, une meilleure « réaction » peut aussi augmenter le risque d’effets secondaires. Bref, en matière de santé, il n’y a finalement ni sexe faible ni sexe fort, hommes et femmes ont chacun leurs boucliers… et leurs talons d’Achille.
Merci au Pr Jean-Charles Guéry, directeur de recherche Inserm au CHU Toulouse-Purpan et au Pr Claudine Junien, chercheuse en génétique et épigénétique.
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