Couple, comment savoir s'il s'agit d'amour ou d'habitude ?

Le confort d’une relation sentimentale nous fait-il confondre amour et habitude de vie ? Florence Lautrédou, psychanalyste, nous aide à faire le distingo et à se poser les bonnes questions.

Madame Figaro.– Quelles différences y a-t-il entre le sentiment amoureux et celui d’une routine dans laquelle on peut aussi se sentir bien ?
Florence Lautrédou (1).– Un mot : l’ennui. Les couples qui sont dans l’habitude évoluent dans une sorte de grisaille du quotidien, ils sont vivants mais moins éveillés, un peu comme s’ils étaient rassasiés mais restaient tout de même à table. «L’autre» fait partie du décor comme le café pris chaque matin. Les autres couples sont plus pétillants. Ils peuvent aussi passer par une phase de lassitude, mais ils en sont conscients et réussissent à conserver la passion pour entretenir leur couple.

En vidéo, comment booster son couple ?

Est-il donc normal de se poser la question ou est-ce révélateur d’un problème dans la relation ?
Se faire la réflexion révèle certes une faiblesse dans le couple, mais c’est aussi très sain. Le cerveau est l’ami de l’amour. Quand on s’interroge, on prend conscience de l’état d’usure et on montre l’envie de se renouveler. Tous les couples se posent la question, au bout de trois mois comme après quinze ans de vie commune. Le concept de l’amour fusion est caduc, la relation à deux est un électrocardiogramme, avec ses hauts et ses bas.

Certaines habitudes de couple procurent du plaisir, comment identifier celles qui lui nuisent ?
Les habitudes qui «donnent du plaisir» sont des rituels qui ont une valeur «sacrée» du fait qu’ils célèbrent la relation et n’appartiennent qu’au couple. Les routines néfastes sont mécaniques.

« Les partenaires sont coresponsables »

Comment savoir s’il s’agit d’amour ou d’habitude ?

À quoi la sensation d’habitude est-elle due ?
Les partenaires sont coresponsables. Celui qui se rend habituel ne donne pas l’impression d’être imprévisible, de se renouveler et manque parfois d’indépendance. L’autre, quant à lui, n’est ni présent ni conscient et ne saisit pas la fugacité du partenaire. Ceci étant, on assiste aussi de plus en plus à une lassitude de la multiplicité chez les 20-30 ans, due à l’offre de rencontre de plus en plus large et à ce zapping de partenaire si facile.

Quels facteurs doivent alerter ?
Ils sont nombreux. D’abord l’état presque dépressif d’un des deux partenaires qui a la sensation que le monde autour de lui est moins intéressant et devient terne. Ensuite, le fait qu’un des partenaires s’efface du champ de vision de l’autre. Les frictions chez les amis et le couple qui devient disharmonieux est aussi révélateur. Enfin, dans certains cas extrêmes, l’habitude engendre un phénomène d’allergie, on ne supporte plus son odeur ou son haleine. Sans parler de la vie sexuelle qui s’effrite. L’absence de relations humaines entraîne forcément un arrêt des rapports sexuels.

Peut-on rester avec quelqu’un par habitude ?

Oui, à condition que le deal soit clair dès le départ. Un couple va adopter un modèle de moins en moins courant dans lequel un des deux partenaires, généralement l’homme, surinvestit un aspect de sa vie (travail, habitude sportive, associative) et le second se réfugie dans la vie familiale, le plus souvent la femme. D’autres, par peur d’être trop heureux et de s’exposer à une déception si ça ne fonctionne pas, restent par sécurité. Comme si le manque d’intensité leur évitait d’être déstabilisés. Mais si certains se satisfont, ils se préparent inévitablement à différents écueils. Cette hypocrisie les obligera à vivre une vie non-authentique, à avoir des regrets infinis et à ressentir une profonde mélancolie.

Comment doit-on réagir si l’on s’aperçoit que son couple est dans l’habitude ?
Il faut d’abord accepter, se dire «je ne vibre plus avec lui/elle, alors que j’ai vibré avant». Une fois fait, le principal est d’agir. Ne pas oublier que l’on s’habitue très bien à l’habitude, l’absence de réaction ne crée qu’un statu quo. Ensuite, il faut vérifier que ce n’est pas de notre fait, se demander si tout va bien dans notre vie, notamment au travail. Si le problème vient du couple, il est impératif de parler au partenaire. Il rétorquera «Tu as rencontré quelqu’un ?», il faudra répondre «Justement non, pas encore». La suite peut se passer chez un thérapeute ou au sein du couple en trouvant des terrains d’entente, en faisant des efforts. Cela peut créer de formidables renouveaux.

* Initialement publié en mai 2019, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.

(1) Florence Lautrédou est auteure de L’Amour, le vrai, Éd. Odile Jacob, 2016, 245 pages, 22,90 €.

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