Corinne Leriche : "Ils ont violé ma fille de 13 ans, ce n’était pas une atteinte sexuelle"

Depuis 2010, Corinne Leriche se bat pour faire requalifier en viols les faits subis en 2008 par Julie*, sa fille alors adolescente. À ce jour, seuls trois des vingt pompiers dénoncés ont été mis en examen. LCP revient, entre autres, sur cette affaire dans Violences sexuelles sur mineurs : la fin de l’impunité ? lundi 3 mai, à 00 h00.

Télé Star : Le 31 août 2010, votre fille vous révèle être violée depuis deux ans par des pompiers. Elle avait donc 13 ans quand tout a commencé…

Corinne Leriche : Oui, elle était en classe de quatrième. À l’époque, elle se sentait de nouveau en confiance après un harcèlement en cinquième qui l’avait contrainte à un changement de collège. Elle avait des amis, d’excellentes notes… Jusqu’à ce jour d’avril 2008 où elle fait un malaise à l’école. Quand je suis arrivée, les pompiers l’avaient déjà prise en charge.

C’est le premier contact de Julie avec ses agresseurs présumés ?

Oui. Un pompier a profité de l’intervention pour récupérer ses coordonnées sur sa fiche de prise en charge. Très vite, il lui envoie des messages et des photos pornographiques, exige des photos… Bien sûr, il lui dit de ne rien dire et la menace.

Et Julie n’en parle à personne.

Non. Sauf à son journal intime, qu’elle me fera lire plus tard. Elle écrit sa peur, son envie de mourir dès que les premiers viols lui sont imposés, en mai-juin 2008.

Même si elle ne parle pas, n’y a-t-il rien dans son comportement qui vous alerte ?

Si, bien sûr ! Elle se scarifie, refuse d’aller à l’école, fait des crises de tétanie à répétition, se retrouve chroniquement à l’hôpital sous perfusion d’anxiolytiques, multiplie les tentatives de suicide… J’arrête mon métier d’institutrice pour rester avec elle. La laisser seule, c’est prendre le risque qu’elle se défenestre.

Quel diagnostic posent les médecins ?

Aucun. Certains évoquent juste un lien mère-fille trop fusionnel. Un psy recommande une sortie quotidienne d’une heure, seule, «pour qu’elle s’aperçoive que l’extérieur n’est pas un danger». L’ironie, c’est que c’est pendant ces sorties que les pompiers vont la violer.

Comment cela se passe-t-il ?

Ils lui donnent rendez-vous près de la maison et la violent dans des toilettes publiques, une voiture, un parking… Il y aura même six viols en réunion. Elle est complètement vulnérable, sous une tonne de médicaments…

Fin août 2010, vous portez plainte.

Oui, mais avant, je fonce à la caserne avec Julie. Le pompier par qui tout est arrivé est là. Ils se sont mis à dix pour me retenir. Je lui ai dit qu’il avait beaucoup de chance que je n’ai pas d’arme, sinon je le tuais.

Comment se passe la déposition de Julie à la brigade des mineurs ?

Mal. Quand elle décrit une fellation imposée lors d’un viol en réunion, on lui rétorque : "Pourquoi t’as pas crié ? Pourquoi t’as pas mordu ?" C’est immonde.

Le juge d’instruction n’a mis en examen que trois des pompiers et qualifié les faits d’atteinte sexuelle (délit puni au maximum de sept ans de prison contre vingt ans pour le viol, qui est un crime, ndlr), qualification confirmée en mars dernier par la Cour de cassation… Comment Julie vit-elle cette procédure ?

Mal. Il a suffi aux pompiers de dire qu’ils ne savaient pas qu’elle était mineure pour qu’on disqualifie le viol. C’est une honte. En 2014, Julie s’est défenestrée du troisième étage. Elle est aujourd’hui invalide à 80 %. Elle habite à cinquante mètres de la maison, je vais la voir tous les jours. Ce sont des assassins. Ils ont tué ma fille. Ils nous ont tuées.

Depuis le 15 avril 2021, une loi considère tous les mineurs de moins de 15 ans non consentants dans un rapport sexuel avec un majeur. Un progrès ?

Tant que la justice sera empreinte de culture du viol et de patriarcat, j’ai peur que des pédocriminels s’en sortent malgré tout.

*Son prénom a été modifié

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