Comment travailler avec des collègues qu'on ne supporte pas ?

  • Faire preuve d’objectivité pour dépasser les conflits
  • Interroger sa part de responsabilité et la part de projections
  • Clarifier, arbitrer, questionner
  • Oser s’exprimer pour ne pas abîmer sa santé mentale

“L’enfer, c’est les autres”, disait Sartre. Et encore, il n’était pas obligé de prendre la ligne 13 du métro tous les matins, ni de travailler chaque semaine dans un openspace remplis d’ego plus ou moins affirmés et d’intellects plus ou moins développés.

Car ce n’est pas un scoop, nos espaces de travails sont des lieux de sociabilité qui entremêlent l’exécution de notre dur labeur à des interactions humaines, qui peuvent parfois se révéler fastidieuses. 

Une cour de récré en somme, version costard-cravate et machine à café, avec des salaires à la place des notes et des présentations Powerpoint à la place des DST, dont les dynamiques sont régulées par des alliances comme des rivalités.

Problème ? Si l’univers impitoyable du collège ou du lycée n’était pas censé empiéter sur notre capacité à étudier, celui de la start-up nation et du travail dans son ensemble, impose souvent de collaborer en bonne intelligence avec ses petits camarades, y compris quand on ne peut pas les encadrer.

Différence de points de vue, méthodes discordantes, priorités non alignées ou tout simplement une façon d’être au quotidien qui aurait le don de nous irriter : si les raisons qui nous poussent à exécrer autrui sont, comme dans la vie privée, diverses et variées, elles se doivent – pour la pérennité de notre train de vie et notre bien-être mental – d’être dépassées.

Faire preuve d’objectivité pour dépasser les conflits

“La clé principale, lorsqu’on a des difficultés relationnelles avec un·e collègue de travail, c’est de rester autant que possible au niveau des faits objectifs, et d’échanger uniquement sur ces éléments », conseille d’emblée Clotilde Dusoulier, coach certifiée et fondatrice de la plateforme Change ma vie.

Selon l’experte du développement personnel, il s’agirait de mettre de côté nos interprétations et nos jugements, celles et ceux qui tendent à amener la conversation sur un terrain subjectif et à mettre son collègue sur la défensive.

Au contraire, elle nous conseille de nous concentrer uniquement sur ce qui est observable et quantifiable pour le mettre en perspective, non pas avec nos préférences et notre sensibilité personnelle, mais bien avec leur éventuel impact sur la conduite d’un projet donné. “C’est cette discussion objective qui permet d’aligner les points de vue de la façon la plus efficace », précise-t-elle.

C’est ce que la Harvard Business Review explique en enjoignant ses lecteurs à se poser en “facilitateur” plutôt qu’en “compétiteur” et impliquer franchement son collègue dans la résolution de tel ou tel problème, y compris celui de votre mésentente. “Si vous demandez aux gens de jouer franc jeu avec vous, sans chercher à cacher vos vulnérabilités, la plupart du temps, ils vous rendront la pareille », précise l’article.

Une invitation à la transparence donc, qui peut s’accompagner d’autres antidotes à la défiance au quotidien.

Interroger sa part de responsabilité et la part de projections

Poser des questions ouvertes lors de situations tendues au lieu d’opter pour une posture péremptoire, faire preuve d’empathie en tentant de comprendre le point de vue de l’autre ou les causes de son comportement, mais aussi se remettre en question en interrogeant sa part de responsabilité dans la situation : la revue préférée des cadres dynamiques rappelle ainsi les fondamentaux d’une relation de travail correctement lubrifiée.

Pour Sylvine Bailly, conseillère et coach personnel et professionnel basée à Paris, cette mésentente peut être aussi l’occasion de « faire émerger en nous des compétences que nous nous n’avions pas encore revendiquées ou en lesquelles nous n’avions pas assez confiance ».

« Dans certains cas, l’autre est frustré d’atouts qu’il n’a pas. Il s’agit alors de poser des limites et de ‘laisser glisser’ en refusant de se laisser atteindre par ses remarques car, au fond, elles ne nous concernent pas », nous précise la spécialiste.

Il s’agit alors de poser des limites et de ‘laisser glisser’ en refusant de se laisser atteindre par ses remarques car, au fond, elles ne nous concernent pas.

Et pour cause, certains défauts que l’on reproche à autrui, certaines antipathies, ne sont que le simple reflet de nos propres projections, de nos propres agacements vis-à-vis de nous-même.

« Elles proviennent d’un effet miroir,” détaille Jean-Pierre Testa, responsable de l’offre « Management des Equipes » à la CEGOS, dans le magazine Capital. « Vous n’aimez pas quelqu’un parce qu’il vous rappelle une autre personne ou vous renvoie à une relation ancienne », ajoute-t-il.

Ou quand notre pire ennemi peut se muer en meilleur ami, comme le rappelle Sylvine Bailly. 

Clarifier, arbitrer, questionner

Problème ? Notre Némésis du bureau ne fera pas forcément preuve d’autant de maturité et de remise en question et peut s’entêter dans la plupart des cas dans cette logique de compétition carriériste et un brin puérile.

Que faire alors quand, par exemple, notre collègue nous vole un client, s’approprie nos idées ou nous met en porte-à-faux face à un supérieur hiérarchique ?

Comment ne pas céder à la colère, lui hurler au visage ou se rouler par terre ? « Si on veut se prémunir de ce genre d’incident pénible, il faut s’assurer que la répartition des responsabilités est aussi claire que possible, parce que ça permet là aussi de rendre la discussion objective : qui était chargé de quoi, et sous quel délai ? », explique Clotilde Dusoulier.

Sans être agressive, ni dans une position victimaire, j’ai signalé que ses demandes me laissaient confuses.

Constamment mis en porte-à-faux par un de ses collègues qui, de part son ancienneté, s’autorisait à lui enjoindre des missions qui ne relevaient pas de sa compétence, Katherine* n’a pas hésité à demander une clarification de ses missions auprès de sa manager sur la base d’échanges de mail écrits et ce dès les premières semaines de son CDI.

« Sans être agressive, ni dans une position victimaire, j’ai signalé que ses demandes me laissaient confuses. Et je faisais en sorte que tous nos échanges soient écrits pour garder une preuve objective et tangible », se souvient-elle. 

Oser s’exprimer pour ne pas abîmer sa santé mentale

Encore faut-il que le manager ne soit pas celui ou celle à l’origine de cette atmosphère un brin chaotique ou que la situation soit suffisamment factuelle pour faire l’objet d’une solution constructive.

« Malheureusement, le collaborateur mal intentionné était aussi le frère du fondateur de l’entreprise familiale”. Bien qu’il soit au courant du comportement de son parent, il n’a su le recadrer suffisamment et a poussé indirectement notre témoin vers la sortie. « Quand une amie m’a dit qu’une place se libérait dans son entreprise, j’ai saisi l’opportunité. »

Un changement de poste opportun qui, de manière plus générale, doit être considérée comme une option lorsque les situations de mésententes deviennent trop toxiques. “Beaucoup de personnes vont jusqu’à l’épuisement !”, prévient Sylvine Bailly qui conseille d’agir avant de voir sa santé mentale se détériorer.

En effet, comme le rappellent nos deux expertes, si la plupart des situations conflictuelles relèvent d’appréciations individuelles très personnelles, une mésentente entre collègues peut gravement nuire au bien-être d’au moins l’un des deux tout en le conduisant à mettre en péril sa propre situation professionnelle.

« Il faut oser s’exprimer », enjoint Sylvine Bailly, qui conseille de « considérer l’alerte de symptômes (tristesse, découragement, colère, dévalorisation) et son lot de pensées négatives minantes tout en allant chercher les vraies raisons de nos perturbations. »

Pour Clotilde Dusoulier, « à partir du moment où on ressent une difficulté, et où ça crée un ressenti de détresse qui dure plus de quelques jours et impacte notre sérénité et notre concentration, on est légitime à s’en ouvrir à l’interlocuteur approprié dans sa structure, que ce soit les RH ou son·sa manager. »

Car on ne le répétera jamais assez : le travail ne doit pas nuire à la santé.

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*Le prénom a été changé  

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