Comment s’explique l’arachnophobie, ou la peur panique des araignées
Certaines personnes ont une peur bleue des araignées. Elles n’en sont pas simplement dégoûtées, elles y voient un véritable danger de mort. D’où vient l’arachnophobie et comment se traite-t-elle ?
Se trouver face à une araignée dans la salle de bains, et céder à la panique. C’est le lot des personnes victimes d’arachnophobie, la peur terrible des araignées. Pour l’expliquer, le psychologue en thérapies comportementales et cognitives (TCC) et coach Boris Charpentier revient aux origines de cette peur irrationnelle, démesurée et persistante, à l’origine du concept de phobie.
Les origines et les causes de la phobie des araignées
L’arachnophobie s’inscrit dans la peur panique des animaux, plus globale, qui serait une réaction « génétiquement transmissible à 47% » introduit-il. C’est-à-dire que la terreur des araignées pourrait être inscrite en nous, avant même d’avoir eu l’occasion de vivre une expérience traumatisante en la présence d’arachnides. La phobie des araignées s’inscrit dans ce que le professionnel des TCC appelle des « phobies préparées », soit des phobies animales qui auraient un intérêt évolutionniste, pour protéger l’espèce humaine. Bien sûr, cette théorie n’est pas l’unique explication à l’arachnophobie. L’apprentissage y est pour beaucoup. « On dit aux enfants de ne pas toucher aux araignées, parce que c’est dangereux. Les mises en garde systématiques, transmises par les parents contribuent à des croyances irrationnelles. On dit des araignées qu’elles sont monstrueuses, mais si on les regarde avec des yeux naïfs, on peut aussi se rendre compte de leur beauté », continue-t-il. L’enfant apprend sur le modèle du parent, et de son environnement socio-culturel, et l’araignée est souvent associée par la littérature jeunesse à quelque chose de dangereux. « Elle peut même constituer la thématique principale de films d’horreurs », termine-t-il.
La symbolique de l’araignée
A quoi font références les araignées dans notre inconscient ? Pour répondre à cette question, la psychologue clinicienne et psychanalyste Maria Hejnar précise : « Traditionnellement en psychanalyse, l’araignée est considérée comme la représentation de la mère que l’enfant redoute. L’araignée prédatrice dévore la vie et paralyse ses victimes avec un venin. D’autre part, le petit animal peut pénétrer notre corps par ses orifices et à ce titre, provoque la crainte d’intrusion. C’est une représentation très archaïque qui renvoie à des strates très primitives de notre psyché. D’autre part, la toile d’araignée peut représenter l’emprise maternelle. Bien sûr, il ne s’agit pas forcément d’une mère étouffante dans le réel, mais de l’image qu’en a l’enfant. Un enfant qui se sent envahi, étouffé, par une ruse de l’inconscient va pouvoir éviter d’avoir peur de sa mère en déplaçant sa peur sur l’araignée. »
Les manifestations et symptômes de l’arachnophobie
Mais cette peur ne se limite pas aux enfants, elle continue d’exister en grandissant. Le psychologue Boris Charpentier insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un simple dégoût de la bestiole. Cela va plus loin, « un véritable sentiment d’insécurité se développe ». Au point de transformer le fonctionnement de l’organisme, qui se met « en état d’hyperréactivité pour répondre à la menace ». Les symptômes sont divers et touchent à toutes les sphères. Sur le plan physiologique, la réaction entraîne « une accélération du rythme cardiaque, une transpiration excessive, des nausées, une sécheresse de la bouche, une crispation des muscles », énumère-t-il. Sur le plan cognitif, « des pensées irréalistes se mettent en place, ainsi qu’une surestimation du danger : le patient pense que l’araignée va lui sauter dessus, plutôt au niveau du visage. Il se dit qu’il va être tellement paniqué qu’il ne parviendra pas à l’enlever. Ensuite, l’araignée pourrait se faufiler dans les cheveux et provoquer une telle crise d’angoisse qu’elle mènerait à une situation dramatique ». Sur le plan comportemental, trois options sont possibles face à la terreur des araignées : la fuite, l’évitement (ne pas entrer dans la pièce où on a distingué sa présence) ou la sécurité (j’y vais, mais pas sans mon insecticide). « Il m’est arrivé, lorsque je vivais seule, de sortir de mon appartement le temps que ma meilleure amie vienne tuer l’araignée », raconte Léa, arachnophobe. Elle a préféré dormir dans une voiture que rester dans sa chambre où une araignée avait été tuée.
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Le développement de la phobie des araignées pourrait être comparé à un cercle vicieux : « On postule que la réaction anxieuse se développe par un processus de conditionnement classique et se maintient ensuite par un conditionnement opérant. » Cela signifie qu’au départ, l’araignée est associée à une réaction d’angoisse, entraînant un comportement de fuite ou de d’évitement. Ces réactions, soulageantes sur le moment, vont avoir tendance à renforcer la phobie, à ancrer plus profondément la peur des araignées, pour la simple raison qu’elles généralisent l’angoisse. En d’autres termes, Boris Charpentier illustre : « plus j’évite une situation, moins je me donne la chance d’en apprendre plus sur ce qui m’inquiète, je ne découvre pas comment y faire face, et le sentiment de danger grandit ».
Quels sont les traitements et solutions contre la phobie des araignées ?
Avoir une peur panique des arachnides n’est pas sans remède, fort heureusement. Plusieurs options existent. Si la phobie est liée à un traumatisme identifié, comme un film d’horreur vu trop tôt, elle peut être traitée via l’EMDR (eye movement desensitization and reprocessing). Cette technique consiste à provoquer un mouvement oculaire similaire à celui du sommeil paradoxal. Ce moment du sommeil correspond à une hyperactivité du cerveau qui retraite et digère toutes les informations accumulées. « Le traumatisme, c’est le résultat d’une expérience inattendue, violente, qui continue malgré nous d’avoir un impact sur la façon dont on se sent. Ce serait comme avoir un souvenir bloqué de manière dysfonctionnelle dans le cerveau », simplifie-t-il. En mobilisant ce système, on traite l’information qui dit que l’araignée est mortellement dangereuse et on la « range » dans un autre endroit du cerveau, où elle sera réactivée moins souvent. L’autre option est de faire appel à la thérapie cognitive et comportementale (TCC) et de travailler sur l’échelle des peurs. « On expose le phobique à son imagination vis-à-vis des araignées, à des photos, puis à une situation in vivo » développe-t-il. En parallèle de cela, des techniques de relaxation et des méthodes pour identifier l’origine des pensées irrationnelles sont enseignées.
La possibilité de prise en charge de l’arachnophobie
L’arachnophobie est considérée comme un sous type de la « phobie spécifique ». C’est le DSM (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) qui définit les maladies mentales. L’arachnophobie est une phobie spécifique de type animal, inscrite dans ce manuel. En ce sens, une prise en charge est possible auprès d’un psychiatre, par la sécurité sociale et auprès du psychologue ou psychothérapeute par la complémentaire santé si le contrat du patient couvre ces consultations.
La possibilité de guérison de la phobie des araignées
On estime que les thérapies cognitives et comportementales permettent de soigner les patients atteints de phobies dans 80% des cas. L’arachnophobie peut donc tout à fait être guérie. Cela demande en général 12 à 15 séances, qui peuvent être des séances de relaxation et d’autres d’exposition.
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