Comment gérer les biens de ses parents

Lorsqu’un de vos parents ne peut plus gérer ses affaires, il est essentiel de trouver la solution la mieux adaptée à la situation, et la plus sécurisée.

Restez informée

Vous donnez de temps en temps un coup de main à vos parents pour conduire leurs affaires ? Si votre rôle s’élargit, que vous deviez prendre des décisions pour eux ou que vous craigniez les dérapages, il est préférable de le faire dans un cadre juridique défini. Vous disposez de plusieurs solutions, à choisir selon l’état de santé de la personne concernée. En outre, il est possible de passer progressivement de l’une à l’autre en fonction de l’évolution de la situation.

La procuration, une sécurité recommandée

Vous utilisez les codes d’accès d’un parent pour suivre ses comptes bancaires, vous remplissez ses chèques et retirez des espèces au distributeur pour lui éviter de se déplacer… « Ce n’est pas illégal, mais si vos frères et sœurs imaginent un jour que vous avez détourné de l’argent, cela peut conduire à une accusation de recel successoral », souligne maître Adélaïde Isambert, notaire à La Ferté-Bernard. Détenir une procuration, au moins sur les comptes bancaires, est une protection recommandée. « Les banques demandent généralement au client de venir signer le document. Cela leur permet de s’assurer de son état de santé et de sa réelle volonté. La procuration atteste que vous n’avez pas abusé de sa faiblesse et qu’il souhaitait vous confier ses affaires. C’est une sécurité, en cas de litige ultérieur. »
A savoir. Pour l’assurance-vie (tous les assureurs n’acceptent pas les procurations), la copropriété, des biens donnés en location, etc., il est possible d’établir – chez le notaire pour qu’elle ait plus de force – une procuration authentique élargie, en précisant les actes pour lesquels votre parent vous autorise à agir en son nom. Cette formalité coûte environ 150 €.

La curatelle, pour maîtriser le quotidien

Si vous craignez que votre parent, devenu influençable, fasse des achats démesurés ou soit une cible facile pour les escrocs, vous pouvez demander l’ouverture d’une curatelle simple. Il pourra conserver ses moyens de paiement, signer des chèques, mais les actes importants devront être cosignés par le curateur. « Ce sera le cas pour un prélèvement sur livret, un achat important ou la vente d’un bien, par exemple. Toutefois, pour céder la résidence principale ou secondaire, il sera nécessaire d’obtenir l’autorisation du juge des tutelles », explique Claudia Canini, avocate à Toulouse. S’il est souhaitable de ne plus le laisser dépenser à sa guise, même dans la vie quotidienne, une curatelle renforcée sera mieux adaptée : dans ce cadre, le juge limite le nombre d’actes que votre parent pourra faire seul. « Vous encaissez ses revenus sur un compte ouvert à son nom, payez les factures, et lui remettez l’excédent de gestion, qu’il peut dépenser librement. »
A savoir. Vous pouvez aussi, avec sa cosignature, vendre des biens autres que sa résidence principale ou secondaire, sans avoir à demander l’autorisation du juge. Mais vous devez établir un compte de gestion annuel, sauf dispense du tribunal.

L’habilitation familiale, une délégation modulable

Si votre parent ne peut plus prendre de décisions éclairées, mieux vaut demander au juge de vous accorder une habilitation familiale, qui vous permet de gérer les biens de votre ascendant sans rendre de comptes au juge des tutelles. La charge administrative s’en trouve allégée. A votre demande, l’habilitation familiale peut être limitée à certains actes (vente d’un logement pour financer des dépenses indispensables, par exemple), ou être plus générale. Dans ce cas, vous pouvez presque tout faire sans autorisation du juge – à l’exception d’une donation de biens de la personne concernée.
A savoir. L’habilitation familiale est parfois décriée, en raison de l’absence de contrôle du juge. Toutefois, si un proche signale des dysfonctionnements, le juge peut décider de la remplacer par une tutelle.

La tutelle, une gestion un peu plus lourde

La tutelle vous autorise également à gérer tous les biens de votre parent. Mais dans ce cadre, vous n’aurez d’autonomie que pour les décisions courantes. Pour tout le reste – retrait sur un contrat d’assurance-vie, gestion de l’épargne, décision d’engager de grosses réparations sur un immeuble… l’autorisation du juge est indis pensable. Un fonctionnement fastidieux, et source de lenteur, compte tenu des délais de procédure. Le tuteur doit aussi déposer chaque année au greffe du tribunal un registre détaillé des revenus et des dépenses, avec tous les justificatifs correspondants, afin de permettre le contrôle de sa gestion. Cette formalité n’est pas exigée lors d’une habilitation familiale ou d’une curatelle simple.
A savoir. En cas de faute, votre responsabilité est engagée, et vous pouvez être amené à rembourser certaines dépenses contestées.

La décision revient au juge

Sauf dans le cas d’une procuration, c’est le juge qui décide de la mesure à adopter. Vous devez le saisir via un formulaire disponible sur servicepublic.fr, à déposer au tribunal judiciaire ou de proximité, en y joignant un certificat médical établi par un médecin habilité par le procureur de la République, une description du patrimoine, des revenus et les lettres de tous les proches donnant leur accord. Comptez deux à trois mois pour obtenir une décision. Le juge doit entendre la personne à protéger, qui donnera son avis si son état de santé le permet. Une bonne raison de ne pas attendre le dernier moment pour engager cette procédure.
A savoir. Pour vous éclairer sur la marche à suivre et bien constituer le dossier, il est préférable d’en discuter au préalable avec un avocat spécialiste de ces questions.

L’aval familial est indispensable

En dehors de la procuration, les mesures de protection juridique requièrent l’accord des autres membres de la famille concernés (frères et sœurs) avant de déposer une demande au tribunal. Il est essentiel d’arriver à cet accord avant d’engager la procédure. « Si le juge note des dissensions, il a le droit de désigner un professionnel (un mandataire judiciaire à la protection des majeurs) pour administrer les biens, plutôt qu’un membre de la famille », avertit Claudia Canini. « C’est une décision souvent très douloureuse pour le parent fragilisé et ses proches, qui voient un inconnu reprendre les cartes de crédit et chéquier, et s’occuper des biens », conclut l’avocate.
A savoir. Ce mandataire, tenu au secret professionnel, n’a aucun compte à rendre à la famille et ne lui donne donc aucune information, sauf autorisation spéciale du juge. Il est rémunéré par la personne dont il gère les biens, et prélève pour cela un pourcentage de ses revenus.

La sauvegarde, une mesure transitoire

Si le dossier remis par la famille lui semble compliqué ou incomplet, ou en cas de dissensions familiales, le juge peut demander à un mandataire judiciaire de réunir les informations dont il a besoin pour choisir la solution la mieux adaptée à la situation. « Pendant ce délai, si la personne âgée a besoin d’être immédiatement protégée et ne peut gérer ses biens elle-même, le juge peut confier temporairement cette gestion à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs », précise maître Claudia Canini. Cette mesure transitoire s’appelle une sauvegarde de justice, et ne peut pas excéder un an. Elle peut aussi être engagée par un médecin.

Un mandat pour anticiper

Si vos parents ont encore toutes leurs facultés, conseillez-leur de rédiger un mandat de protection future. Ce document leur permet de désigner à l’avance la ou les personnes auxquelles ils souhaitent confier, si cela devient nécessaire, leur protection et la gestion de leurs biens. Les mandataires n’auront qu’à produire ce document au greffe du tribunal, ainsi qu’un certificat médical, pour recevoir automatiquement le droit de gérer leur patrimoine. « Ils n’ont d’autorisation à demander au juge des tutelles que pour donner ou vendre des biens », souligne maître Isambert. Ce mandat peut être rédigé sur un formulaire disponible sur service-public.fr, à enregistrer à la recette des impôts, ou avec les conseils d’un notaire.

L’avis de l’experte

Souvent, lorsqu’un parent perd peu à peu ses facultés, les proches continuent à gérer ses biens, en se débrouillant comme ils peuvent, sans engager de démarches particulières auprès du juge. Mais cela devient un problème quand il faut prendre des décisions importantes. Le jour où ils doivent vendre la maison de leur parent pour payer les frais de la maison de retraite, le notaire est tenu de s’assurer de l’état de santé du vendeur. C’est alors dans l’urgence qu’est demandée au tribunal une mesure de protection (habilitation familiale ou tutelle). Or, compte tenu de l’encombrement des tribunaux, il faut souvent attendre deux à trois mois pour l’obtenir. Et autant, ensuite, pour recueillir auprès du juge l’autorisation de vendre le bien… Au grand désarroi des enfants, tenus durant ce délai de financer eux-mêmes la maison de retraite, au titre de l’obligation alimentaire due aux ascendants.

Merci à Me Adélaïde Isambert, notaire à La Ferté- Bernard, membre du Groupe Monassier.

A lire aussi :

⋙ Parents âgés : demander une mesure de protection

⋙ Epargne : un cours en ligne pour apprendre à gérer son argent !

⋙ Succession : au secours, des biens se sont volatilisés !

Source: Lire L’Article Complet