Classes en plein air : « Faire école dehors, ça ne se décrète pas, ça s’apprend »

Jean-Michel Blanquer a reconnu pour la première fois, dans un mail adressé au personnel de l’éducation nationale, les vertus sanitaires et éducatives de l’école en dehors des murs. Mais les associations, elles, attendent toujours des mesures concrètes.

L’épidémie de Covid a ramené le sujet sur la table. Comment lutter contre la propagation du Covid, notamment à l’école ? Alors que des études ont prouvé que le renouvellement de l’air permet de réduire le risque de contamination via les aérosols, le gouvernement incite de plus en plus les enseignants à faire cours dehors. Ainsi, jeudi 22 avril, en conférence de presse, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a affirmé que « les classes en plein air seront encouragées, la saison le permet ». Au-delà de cette prise de parole, sa déclaration a été doublée d’un mail adressé dès le lendemain au personnel de l’éducation nationale, dans lequel le ministre reconnaît officiellement, pour la première fois, que « les classes en plein air sont bénéfiques sur le plan sanitaire, et […] aussi sur le plan éducatif ». Un message fort envoyé aux défenseurs de cette pédagogie, qui existait en France avant la crise sanitaire.  

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Pour Moïna Fauchier-Delavigne, autrice de « L’enfant dans la nature » (2019) et « Emmenez les enfants dehors !» (2020) cela signifie que « le ministère considère officiellement que faire classe dehors, n’est pas une perte de temps, que c’est possible ». Selon elle, jusqu’à présent les enseignants qui voulaient s’essayer à cette pratique étaient découragés par certains inspecteurs. Ces derniers avaient pour habitude de leur dire que « la classe c’est dedans, dehors on ne fait pas classe, ce n’est pas sérieux… ». Or, d’après Moïna Fauchier-Delavigne, désormais « la valeur pédagogique de la classe dehors est reconnue. Pour la première fois, c’est un véritable encouragement, une véritable autorisation claire ». 

« Sortir ne peut pas être une injonction » 

L’école à l’air libre est cependant encore loin d’être inscrite dans les programmes français. Elle nécessite des moyens, du temps, une véritable révolution des habitudes pédagogiques. « Je ne suis pas d’accord avec le fait de dire que l’école dehors est une solution facile », déclare Moïna Fauchier-Delavigne. « Il faut prendre cela en compte : oui c’est une solution qui semble assez évidente, bien sûr elle peut permettre de faire évoluer des pratiques pédagogiques, de lutter contre l’épidémie… Mais aller dehors du jour au lendemain, pour les enseignants, ce n’est pas quelque chose d’évident, sortir ne peut pas être une injonction », poursuit-elle. 

Plusieurs syndicats d’enseignants émettent d’ailleurs des réserves quant à la proposition de Jean-Michel Blanquer, pour des raisons logistiques, matérielles et pédagogiques. Ainsi Jean-Rémi Girard, président du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC), contacté par le HuffPost, estime qu’« on peut faire classe en plein air de manière ponctuelle et exceptionnelle, mais on ne peut l’institutionnaliser ». Pour les défenseurs des classes dehors, c’est surtout le manque d’accompagnement et de moyens qui freine les professeurs. « Faire école dehors, ça ne se décrète pas, ça s’apprend, déclare Moïna Fauchier-Delavigne. Il faut savoir quels espaces verts on peut utiliser à côté de l’école, comment s’organiser, quel matériel il faut prendre pour sortir, prévenir les parents… Il y a plein de questions qui se posent. Les enseignants motivés, il faut vraiment les accompagner, parce qu’ils ne sont pas du tout formés à ça ». Pour l’instant ce sont les associations, comme celle de L’enfant dans la nature, qui informent et guident les professeurs intéressés par cette pédagogie, sans aides ni – jusqu’à présent – soutien gouvernemental.  

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« Un impensé en France » 

Dans son mail adressé au personnel enseignant, Jean-Michel Blanquer a assuré que « des ressources seront mises à [la] disposition » des enseignants volontaires, sans plus de détails. « Il faut voir ce qui est fait pour accompagner et développer la classe dehors » commente Moïna Fauchier-Delavigne, pour qui les classes en plein air restent « un impensé en France ». À l’étranger, au Royaume-Uni, en Écosse ou encore au Danemark, le modèle de la classe dehors s’est pérennisé, soutenu par les pouvoir publics. « En Écosse, depuis 2010, il est inscrit dans le programme scolaire qu’il faut varier les espaces d’apprentissage de 3 à 18 ans et apprendre en pleine nature », mentionne Moïna Fauchier-Delavigne. 

Cette dernière affirme que la pandémie peut permettre un déclic éducatif. « Les enfants ne sont pas touchés directement par le Covid, mais ils en souffrent vraiment énormément. La sédentarité en France est un énorme problème de santé publique et depuis un an ça a encore largement empiré. […] Ce n’est pas en mettant du relief et un peu de nature [à l’école] que ça va devenir dangereux, ce ne sont pas les bâtons qui sont dangereux, ce qui est dangereux, c’est la violence, l’agressivité et le harcèlement. [L’école dehors] favorise la résilience, c’est régulièrement prouvé scientifiquement. » À l’issue du premier confinement et de la réouverture progressive des écoles, un collectif de plusieurs dizaines de chercheurs, enseignants, formateurs et acteurs associatifs incitaient déjà les pouvoirs publics à promouvoir la classe en plein air, dans une tribune parue dans « Le Monde ». « Commencer à faire classe à ciel ouvert pourra contribuer aussi à l’épanouissement des enfants, avançaient-ils, en leur offrant l’espace, le calme et les possibilités de découverte et d’émerveillement dont ils ont besoin. » 

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