Cinéma week-end. Maud Ameline: "La place du scénariste n’est pas autant valorisée que celle du scénario"
La scénariste Maud Ameline qui a écrit pour Camille redouble de Noémie Lvovsky, Amanda de Mikhaël Hers, et récemment, pour Garçon chiffon de Nicolas Maury évoque sa profession, et bien sûr, l’impact de la crise sanitaire.
franceinfo : Quel est votre quotidien en ces temps de pandémie ?
Maud Ameline : Mon quotidien n’a pas tellement changé, parce que quand on est scénariste on travaille beaucoup chez soi, on est déjà confiné, si j’ose dire. Là, je viens de rencontrer une comédienne, connue, dont je ne dirai pas le nom, car elle préfère être discrète, elle a envie de faire son film. Ça m’a touchée, j’ai l’impression qu’après avoir été au service des réalisateurs, elle a envie de dire quelque chose qui vient d’elle, donc ça c’est un projet tout neuf qui commence à peine.
Quel est l’impact de la crise sur les scénaristes ?
Je crois que ça a un impact sur les scénaristes jeunes, comme ils ne sont pas encore vraiment identifiés et la profession étant à l’arrêt, angoissée de l’avenir, ces jeunes scénaristes auront plus de mal à entrer dans le métier, c’est ce que j’entends au sein de l’association de scénaristes dont je suis membre, le Sca, les jeunes souffrent.
C’est vrai qu’avec Paroles de scénaristes (groupe Facebook) on entend beaucoup de plaintes et de difficultés, réelles. Il y a une précarisation depuis quelques années, c’est un métier qui manque de reconnaissance. En fait, le scénariste est le premier, avec le cinéaste, qui va croire au film, et ensuite va venir le producteur. Un film aujourd’hui se finance sur son scénario, mais paradoxalement, la place du scénariste n’est pas autant valorisée que celle du scénario. On ne connaît les noms des scénaristes, il n’y a pas de scénaristes dans les jurys des grands festivals, même au CNC, il n’y a pas assez des scénaristes dans les commissions.
On préfère mettre comme président des écrivains, des éditeurs, c’est un paradoxe dont souffre la profession. Il faut du temps pour commencer à gagner sa vie, moi j’ai mis 10 ans à gagner ma vie, uniquement de l’écriture, donc très souvent quand on commence comme scénariste, mais pas seulement, on fait d’autres métiers à côté.
Il y aurait une raison française ?
Tout un courant pense que c’est à cause des cinéastes de la Nouvelle Vague que les scénaristes sont méprisés. Je ne suis pas d’accord, d’abord parce que beaucoup de cinéastes de la Nouvelle Vague travaillaient avec des scénaristes, Truffaut, Chabrol, travaillaient avec des scénaristes, Godard et Rohmer travaillaient peut-être moins avec des scénaristes, finalement, c’est un faux mythe. L’idée du film vient très souvent du réalisateur, qui sait qu’il a besoin de quelqu’un pour écrire, ça ne se passe comme ça aux États-Unis où ces étapes-là sont beaucoup plus détachées, un producteur achète un scénario à un scénariste.
Vous évoquiez le groupe Facebook Paroles de scénaristes, il s’y lit des choses terribles ! C’est un milieux monstrueux, où on arnaque les gens ?
Ce n’est pas un milieux monstrueux, je ne suis pas d’accord. C’est sans doute pas encore assez encadré par le droit. Quand on emploie un chef opérateur ou un preneur de son, c’est sur un volume horaire, quand on emploie un scénariste, il n’y a pas de volume horaire. L’écriture d’un scénario peut durer six mois, un an, deux ans, cinq ans, si on n’arrive pas à financer le film ; c’est de là que viennent les dérives. Il faudrait d’avantage encadrer les rémunérations des scénaristes.
Vous venez de la Fémis, la grande école du cinéma en France, c’est une bonne formation pour les scénaristes ?
Oui, c’est aussi un endroit où on apprend tout du cinéma, pas seulement des techniques d’écriture, moi je suis mesurée sur ça. En revanche, on apprend à prendre le son, à cadrer un film, à regarder ce que sont les acteurs. C’est comme ça qu’on apprend à écrire des histoires, pour le cinéma. En fait, un scénario sur le papier, ce n’est rien, c’est un objet transitoire, un outil, qui va ensuite servir à tous les techniciens du film jusqu’aux acteurs. C’est ce qu’on apprend à la Fémis et c‘est très important.
Soyons optimistes, les salles vont bien rouvrir, on a vu la place qu’a pris le cinéma français durant le bref déconfinement, c’est encourageant ?
Oui, ça m’encourage et je suis certaine que les gens auront envie de retourner au cinéma. J’ai l’impression, c’est un rêve, en fait c’est ce que je souhaite, que nous allons vivre nos années folles. On aura tous envie d’aller au spectacle, au cinéma, de se rencontrer et d’être ensemble pour partager ça. « Looser » devant la télé, on va en avoir tous ras-le-bol. Je crois, j’ai toujours cru que le cinéma français a plein de choses à dire, est très varié, et il a forcément un public pour lui.
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