Christian Bréchot : "Le variant brésilien semble échapper aux vaccins"

C’est à Manaus, capitale de l’Etat d’Amazonas qu’est apparu en décembre 2020, le variant brésilien P1, qui circule actuellement en France. Classé par les autorités sanitaires comme « préoccupant » au même titre que le variant anglais, il inquiète de plus en plus les autorités sanitaires. 

Face à la crainte d’une progression sur le territoire métropolitain – la Guyane est durement touchée par cette nouvelle souche – la France a interrompu, il y a quelques jours, les vols avec le Brésil. Des experts scientifiques évoquent même la possibilité d’une quatrième vague provoquée par ce nouveau variant. Faut-il s’en inquiéter ? Ce variant brésilien est-il plus dangereux que les autres ? Est-il résistant aux vaccins actuellement sur le marché ?

Le point avec Christian Bréchot, ancien directeur général de l’Inserm, puis de l’Institut Pasteur et vice-président de l’Institut Mérieux. Il est aujourd’hui à la tête du Global Virus Network, réseau de recherche réunissant des virologues du monde entier, basé aux Etats-Unis, et enseigne la médecine au sein de la University of South Florida à Tampa.

Marie Claire  : Le variant brésilien est-il considéré comme étant plus dangereux que les autres ?

Christian Bréchot : « Commençons par deux points essentiels. Le premier, c’est qu’il faut des études épidémiologiques précises pour savoir si ce variant est réellement plus dangereux que les autres. Pour l’instant, ce n’est pas démontré.

Ce qui est certain, c’est que tout comme le variant sud-africain, il est plus contagieux que les souches habituelles. Le deuxième point négatif est qu’au Brésil, les personnes hospitalisées sont nettement plus jeunes que ce qu’on a l’habitude de voir. Mais cela est-il dû au pouvoir pathogène particulier de ce variant ou aux conditions sanitaires dans lesquelles vivent malheureusement beaucoup de Brésiliens ? Ce n’est pas clair. Autrement dit, il n’est pas du tout démontré qu’il soit plus pathogène.

Ce variant brésilien démontre une fois de plus que laisser circuler des virus avec une fréquence élevée génère des variants.

Un certain nombre de paramètres interviennent dans la sévérité d’un virus : le virus lui même bien sûr, mais aussi son hôte, la personne infectée. L’état nutritionnel, l’état de santé, l’environnement, y compris la pollution, jouent un rôle. Et avec le contexte brésilien, la situation devient catastrophique.

Ensuite, ce variant brésilien démontre une fois de plus que laisser circuler des virus avec une fréquence élevée génère des variants. Et si nous ne sommes pas capables de vacciner de façon massive les pays dits en développement, ce qui relève du devoir moral, cela peut générer des variants. Lesquels risquent ensuite d’infecter les pays dits développés. »

Le variant brésilien résiste-il aux vaccins ?

« Si vous faites des tests in vitro sur l’effet des anticorps neutralisant générés par les vaccins actuels, clairement, le variant brésilien fait partie, au même titre que le sud-africain, des variants moins bien neutralisés par les sérums qui ont été testés, c’est-à-dire ceux de Pfizer/BioNtech, Moderna, AstraZeneca et Johnson&Johnson. C’est peut-être aussi le cas avec les vaccins chinois, mais nous n’avons aucune donnée…

Il est essentiel de mettre en place des tests diagnostic très rapides dans les aéroports.

Autre fait préoccupant : à Manaus, après une première vague très forte, on pensait que la majorité de la population était immunisée. Or, une deuxième vague extrêmement forte frappe à nouveau. Cela suggère que ce variant puisse échapper aux vaccins. Mais le point important à rappeler est que si l’objectif premier des vaccins est la prévention de la transmission du virus, l’autre objectif est la prévention des formes graves.

Ce variant brésilien est présent aux États-Unis, en particulier en Floride, et également en France, à un taux très bas. Fermer les frontières est donc logique, au moins dans un premier temps. Cela va permettre de se retourner, mais il est aussi essentiel de mettre en place des tests diagnostic très rapides dans les aéroports. Ils permettront de contrôler la pandémie de façon générale, et la diffusion de ce variant en particulier. On est hélas en retard en France et ça ne bouge pas. »

Ce variant brésilien touche des personnes de plus en plus jeunes. On parle de vacciner des enfants, est-ce une bonne piste ?

« Sur la vaccination des enfants, on attend les résultats finaux des études de Pfizer/BioNtech et Moderna, mais il semble que cela se passe bien. »

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