Christian Bréchot : "Il est trop tôt pour penser que la baisse du nombre de cas soit due aux vaccins"
Spécialiste des hépatites virales, ancien directeur général de l’Inserm, puis de l’Institut Pasteur et vice-président de l’Institut Mérieux, Christian Bréchot est aujourd’hui à la tête du Global Virus Network, réseau de recherche réunissant des virologues du monde entier, basé aux Etats-Unis.
C’est depuis Tampa en Floride, où il enseigne la médecine au sein de la University of South Florida, qu’il a répondu à nos questions sur la baisse annoncée par l’OMS des contaminations et des décès dus à la Covid-19.
Quelles en sont les raisons ? Faut-il y voir une lueur d’espoir ? La vaccination est-elle la seule solution pour contrer le virus ou des traitements prometteurs vont-ils être bientôt mis sur le marché ? Réponses de notre expert, un « optimiste raisonné ».
Marie Claire : L’OMS a annoncé une baisse de 16% des nouveaux cas de Covid-19 dans le monde en une semaine. Cette baisse est-elle due aux vaccins, à l’immunité collective ?
Christian Bréchot : « La baisse est effectivement significative, mais il faut rester prudent. Cela ne peut pas être dû à une immunité collective. En Afrique, on assiste plutôt à une seconde vague alors que la diminution est spectaculaire aux Etats-Unis grâce notamment aux mesures prises par Biden et en Israël grâce à la vaccination.
Mais comment expliquer l’effet global ? La réponse honnête est qu’on ne sait pas. Il est trop tôt pour penser que cette baisse soit due aux vaccins, surtout quand elle a lieu dans des pays qui n’ont pas bénéficié de la vaccination. Il faut se rappeler qu’on ne sait toujours pas comment apparaissent des épidémies ni d’ailleurs comment, un jour, elles se terminent.
On assiste à une variation cyclique de la pandémie, favorisée dans certains pays par des variations saisonnières, mais ce n’est pas la seule explication. C’est un mélange de facteurs environnementaux, de mesures de protection et globalement, cette baisse relève de modifications cycliques qu’on ne maîtrise pas très bien. »
Comment expliquer l’effet global ? La réponse honnête est qu’on ne sait pas.
Nous n’en savons pas plus, comme cela a été le cas pour d’autres virus dans le passé…
« Bien sûr, on ignore comment certains virus ont disparu. Prenons Ebola. L’épidémie apparue en 2014- 2015, s’est résorbée en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone pour réapparaitre en 2019 en République démocratique du Congo. On avait pourtant pensé que c’était fini. »
Israël a déjà vacciné 44% de ses 9 millions d’habitants, c’est le pays le plus avancé en matière de vaccination. Peut-on en tirer des premières conclusions ?
« Oui. Des premières études ont été rapportées hier. Ce qui est fantastique, c’est qu’ils ont étudié 600 000 personnes sur quelques mois et ainsi reproduit dans la vraie vie, les résultats des premières études cliniques de phase 3 sur les vaccins, présentés en novembre dernier. Ils ont des taux de protection de 92%-95% sur la Covid-19 et sur ses formes sévères. Nous n’avons pas encore les chiffres sur la circulation du virus, mais il est évident qu’elle est en baisse. »
Presque tous les vaccins actuellement sur le marché sont à ARN messager. Nous protègent-ils contre les variants ?
« Pour l’instant, tous les tests in vitro montrent que par rapport aux variants sud-africain et brésilien, les différents vaccins génèrent des anticorps à la capacité de neutralisation diminuée. Mais il y a des aspects positifs : dans des études in vivo faites par Novavax, Johnson&Johnson, AstraZeneca et Moderna, la protection contre les formes graves est quand même de 55% à 57%.
On progresse réellement sur les traitements par les anticorps monoclonaux.
Il est logique d’envisager une adaptation des vaccins à ARN à ces variants sachant que sur la planète, le variant majoritaire est le variant anglais, sensible à tous les vaccins. Le sujet, c’est de vacciner, de ne pas s’affoler, mais par précaution, il faudra des plans B adaptés au variant sud-africain. »
Des traitements prometteurs vont-ils être bientôt mis sur le marché ?
« Oui. Par exemple, on progresse réellement sur les traitements par les anticorps monoclonaux. Des laboratoires travaillent avec des cocktails d’anticorps pour justement répondre aux risques d’inefficacité qui pourraient être dus à des mutants.
Sinon, il y a des « molécules maison » dont on n’a pas encore l’évaluation finale sur le traitement des formes mineures et le traitement en prévention. Et puis, une molécule pour le traitement des formes graves va être annoncée par le Global Virus Network, mais je ne peux pas encore en parler. »
Vous êtes donc plutôt optimiste pour la suite ?
« Je suis un optimisme raisonné. Je suis furieux de la manière dont on a géré les tests de diagnostic. Je regrette vraiment qu’on ait manqué les tests salivaires, alors que l’on parle de maintenir la vie économique du pays malgré la présence de ce virus et de nouveaux variants à détecter. »
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