« C’est une très mauvaise idée » : des féministes en colère contre ce préservatif « anti-viol »

« Rape aXe », préservatif censé protéger les femmes des viols, est une invention « absurde, inefficace et profondément dangereuse » selon Sophie Barre et Yuna Miralles, militantes du collectif NousToutes. Pour elles, cet outil fait « peser la responsabilité » sur les victimes.

La vidéo est devenue virale la semaine dernière. Le média Brut a présenté le système « Rape aXe » (« hâche à viol » en français), un anti-viol « redoutable ». Ce préservatif féminin aurait des dents « aussi tranchantes qu’une lame de rasoir ». Créé par Sonnet Ehlers, une doctoresse sud-africaine, cet outil s’insère « comme un tampon ». « Il se place derrière les lèvres, et au moment où l’agresseur pénètre, il tombe sur Rape aXe. Dès qu’il essaie de se retirer, le système se fixe et l’agresseur le retire de la victime », explique-t-elle.  

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Ce préservatif a été pensé dans un pays où le taux de viol est le plus élevé au monde : un Sud-Africain sur quatre reconnaît avoir commis un viol, selon une enquête nationale. 

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 Rape aXe perpétuerait la méconnaissance de la sociologie du viol 

Rape aXe a suscité l’engouement de nombreux internautes et de médias. Mais pour Sophie Barre, créatrice de la formation sur la culture du viol du collectif NousToutes, cette innovation est une « très mauvaise idée ». « C’est absurde, inefficace et profondément dangereux », détaille-t-elle. Pour commencer, la militante explique qu’un viol n’est pas seulement « dans le vagin ». Dans le droit français, toute pénétration non consentie (qu’elle soit anale, orale ou vaginale) est en effet considérée comme un viol. « Qu’est-ce qu’on fait des viols par sodomie ou par fellation ? Il faut que les femmes y mettent des lames aussi ? », questionne-t-elle ironiquement.  

Autre non-sens pour Sophie Barre : « Pour que le préservatif s’agrippe à l’agresseur, il faut que ce dernier pénètre la victime. Donc il y a un viol dans tous les cas », observe-t-elle. « Ça punit le criminel, mais ça n’est en rien un système “anti-viol”. Ça ne protège pas les victimes », affirme la militante. Selon elle, Rape aXe perpétue la méconnaissance de la sociologie du viol et des clichés qui l’entoure.  

« Ça punit le criminel, mais ça n’est en rien un système “anti-viol”. Ça ne protège pas les victimes »

« Les viols par des inconnus le soir, dans des ruelles sombres sont rarissimes. Le viol est le résultat de rapport de domination dans la société. Les personnes qui violent, ce sont les parents, les membres de la famille, les conjoints et ex-conjoints, les supérieurs hiérarchiques, etc. », décrypte-t-elle. Elle tient également à rappeler que ce concept n’est pas adapté à la France, où une grande majorité des victimes de viols sont des enfants. 

Ces critiques, Sonnet Ehlers, la doctoresse sud-africaine à l’origine de l’innovation, les a déjà entendues. Mais, elle estime que le préservatif répond à un « manque de solutions concrètes », comme le rapporte la vidéo de Brut.    

« Faire peser la responsabilité sur les victimes » 

Alors, au regard des défauts de Rape aXe, faut-il inventer un autre système anti-viol ? « Surtout pas », répondent en cœur Sophie Barre et Yuna Miralles, coordinatrice des réseaux sociaux du collectif NousToutes. « Le principe même du dispositif anti-viol, c’est de faire peser la responsabilité sur les victimes. Ça véhicule l’idée qu’avec leur comportement, elles peuvent faire quelque chose pour ne pas être violées, ce qui est faux », dit Sophie Barre.  

Ce genre d’outils pourrait même avoir un impact négatif sur les femmes qui décident d’entamer des démarches contre leur violeur. « J’ai l’impression qu’on pourrait s’en servir pour débouter des procédures judiciaires. Au tribunal, on demanderait à la victime pourquoi elle ne portait pas de dispositif anti-viol, en sous-entendant, derrière, qu’elle était consentante », analyse Yuna Miralles. Pour elle, ces outils sont des réponses individuelles à une problématique de société et sont donc inadaptés. « Comme si un petit gadget pouvait résoudre un problème social, systémique, qui existe depuis des millénaires ! », s’amuse-t-elle.  

À la place, Yuna Miralles recommande plus de formations et plus d’éducation autour des violences sexistes et sexuelles. « La question qu’on doit toujours se poser, ce n’est pas “Comment faire pour que les femmes se protègent et se prémunissent des agressions sexuelles ?” Mais plutôt : “Comment faire pour que les hommes arrêtent de violer ?” »  

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