C’est quoi la « blanchité » ?
Dans le deuxième numéro de #MotsPourMaux, le programme qui décrypte les mots des discriminations, on a choisi de vous parler d’un mot pas très courant, le mot «
blanchité ». La blanchité, – on dit parfois aussi blanchitude – c’est le fait d’être perçu comme blanc, et les rapports de pouvoir que cela entraîne. Autrement dit, ce n’est pas tellement une couleur de peau – les blancs ont plutôt la peau rose, d’ailleurs – mais un statut social.
Les blancs n’ont pas toujours existé. Les Grecs anciens par exemple ne divisaient pas le monde en blancs et noirs. C’est le XIXe siècle qui a « racialisé » les choses. Etre perçu comme blanc, ou se percevoir blanc, varie donc selon les époques. Pour certains universitaires, comme Nell Irvin Painter, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump a ravivé l’identité blanche : « Les blancs, même ceux qui n’étaient pas des suprémacistes, se sont découvert blancs », dit-elle.
Blanc ici, noir là-bas
Les Irlandaises et les Irlandais étaient stigmatisés et ségrégués au XIXè siècle aux Etats-Unis par les Américains protestants, les « Wasp », qui les considéraient comme ne faisant pas partie de la « race blanche ». Pour l’historien David Roediger, ils sont « devenus blancs » en raison du salaire psychologique et social que leur offrait la blanchité.
Etre perçu ou pas comme blanc varie aussi selon les lieux. Les personnes métisses en font l’expérience quand elles vont dans le pays de leurs parents : en France elles sont perçues comme noires, mais au Mali ou au Sénégal, elles peuvent être perçues comme blanches.
La blanchité guerrière
C’est pour cela qu’il existe une histoire des blancs, et même une sociologie des blancs, qui étudie donc la blanchité, le fait d’être blanc. C’est ce qu’on appelle en anglais les « whiteness studies ».
Parmi les premières personnes à avoir analysé la blanchité, on trouve William Dubois, sociologue et historien américain né à la fin du XIXè siècle. Dans un texte qui s’appelle Les âmes du peuple blanc, Dubois décrit la blanchité comme conquérante, associée à la guerre et à la possession, détruisant la terre. Il dénonce aussi le mensonge de la prétendue supériorité blanche.
Privilège blanc
Dans les années 1980, 1990, des intellectuels de plus en plus nombreux s’interrogent sur la blanchité : la juriste Cheryl Harris, la sociologue Ruth Frankenberg et aussi l’écrivaine Toni Morrison, qui écrit en 1993 un essai sur la « Blancheur et l’imagination littéraire ».
C’est à cette époque que naît le concept de « privilège blanc », sous la plume de la chercheuse Peggy McIntosh. Ce qui ne vaut pas dire que lorsqu’on est blanc, on est forcément riche et heureux, mais qu’à conditions égales, un blanc aux Etats-Unis ou en France aura des avantages qu’une personne noire, asiatique ou arabe n’aura pas. La notion de privilège permet de changer de perspective et de regarder la même chose non plus du point de vue de la discrimination, mais de l’avantage social.
Un faux standard
En France, une des premières personnes à avoir importé et expliqué cette notion est le chercheur Maxime Cervulle, dans le livre Dans le blanc des yeux.
Comme les études féministes débusquent l’illusion d’un masculin générique dans la grammaire, ou d’un suffrage se disant universel mais qui n’était en fait qu’un suffrage masculin, les études sur la blanchité analysent la manière dont la pensée blanche s’est érigée en norme, en standard.
De nombreux livres
Aujourd’hui la réflexion sur la blanchité est de plus en plus populaire en France. En un an, de nombreux livres sont sortis sur le sujet, notamment celui de Lilian Thuram, La pensée blanche. L’ex footballeur propose carrrément un « suicide de la race ». Il ne s’agit pas bien sûr que toutes les personnes perçues comme blanches se suicident. C’est pour Lilian Thuram « l’acceptation du questionnement sur ce que c’est que d’être blanc ».
Il s’agit en somme de prendre conscience de ce que des années d’histoires racistes ont pu laisser en nous tous et toutes, comme réflexes inconscients. Allez, au boulot !
#MotsPourMaux, c’est quoi?
Privilège blanc, genre, sexisme, validisme, racisé, intersectionnalité, féminisme décolonial ou universel, agisme, queer, microagressions… De nombreux mots sont apparus dans notre vocabulaire, il y a plus ou moins longtemps, sans qu’on en connaisse toujours précisément les contours, voire leur définition.
Le sexisme concerne-t-il uniquement les femmes, ou toute distinction opérée en fonction du sexe ? Qu’est-ce qu’un « privilège blanc », et est-ce que cela veut dire que les personnes perçues comme blanches sont forcément des privilégiées ? Qu’est-ce que l’âgisme ? Et pourquoi les personnes qui combattent la notion de race se disent-elle « racisées » ?
Avec #MotsPourMaux, deux fois par mois, 20 Minutes vous aide à y voir plus clair dans ces notions.
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