C’est dans ma tête. La réouverture des lieux de culture

Depuis mercredi, les lieux de culture commencent progressivement à rouvrir, et il va redevenir possible d’aller au cinéma, au théâtre, au concert. On sait à quel point ces lieux nous avaient manqué et on se réjouit de pouvoir les retrouver. Mais nous aimerions revenir avec la psychanalyste Claude Halmos sur le rôle qu’ils jouent.

franceinfo : Peuvent-ils, au-delà du plaisir qu’ils nous apportent, jouer un rôle dans notre équilibre psychologique ?

Claude Halmos : La réouverture des lieux de culture rouvre aussi des portes dans nos têtes, parce que la culture n’est pas seulement une source de plaisir ; elle joue un rôle important dans notre équilibre psychique.

De quelle façon ?

La culture installe dans nos vies des « ailleurs », qui nous permettent de nous évader de la réalité. Ce qui, quand elle est aussi lourde qu’actuellement, est particulièrement nécessaire.

Elle nous permet cette évasion en nous faisant, comme la musique, éprouver des émotions que nous n’éprouvons pas dans la vie quotidienne. Et, comme le théâtre ou le cinéma, en nous racontant des histoires, dans lesquelles nous pouvons entrer. Pour, en nous identifiant à l’un des personnages, devenir, pour un moment quelqu’un d’autre et, à travers lui, retrouver une énergie, un espoir que nous avions perdus ; ressentir une colère qui nous soulage un peu de la nôtre…

La culture est aussi l’occasion de découvertes, de réflexions, de prises de conscience, qui élargissent notre horizon ; et qui sont essentielles, d’ailleurs pour les enfants. Des adultes racontent par exemple que c’est en regardant, enfants, au cinéma, l’histoire de Bambi qu’ils ont compris combien tuer est grave.Et on rêverait que les adolescents qui en poignardent d’autres, comme si cela n‘avait aucune importance, aient pu faire cette expérience.

Et en quoi le fait d’aller dans des lieux de culture est-il important ?

Aller dans les lieux de culture est important parce que partager nos émotions avec les autres, les amplifie et les inscrit dans une circulation des émotions qui est à la fois revigorante, et humanisante. Des adolescents qui ne vont pas bien peuvent dire, par exemple que les seuls moments où leur vie leur semble avoir un sens, ce sont les concerts, où cette mise en commun des émotions les fait se sentir moins seuls, et surtout moins différents des autres.

Et puis nous retrouvons, dans les salles de spectacles, la conscience de notre existence corporelle. Devant un écran, nous sommes réduits à un regard. Dans une salle, nous sommes là avec notre corps, à côté de celui des autres, et face aux corps de ceux qui sont sur scène. On parle de « spectacle vivant », mais il est aussi vivifiant, parce que l’énergie qui circule à travers les corps, nous aide à « recharger » si l’on peut dire, « nos batteries ».

Alors on s’y précipite ?

Oui. Et avec enthousiasme. Mais aussi avec prudence. C’est-à-dire en respectant les mesures sanitaires. Pour que cette réouverture puisse être durable ; que les acteurs de la culture ne soient pas, à nouveau, privés de travail et nous, les spectateurs, privés de rêve.

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