César 2021 : retour sur l'interview que Niels Schneider accordait à Vogue Paris en 2017
Alors qu’il vient d’être nommé aux César 2021 dans la catégorie Meilleur acteur pour son rôle dans “Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait” d’Emmanuel Mouret, retour sur l’interview que Niels Schneider accordait à Vogue Paris en 2017.
C’est tremblant d’émotion, le nœud papillon légèrement de travers, qu’il a reçu en 2017, le César du meilleur espoir masculin pour son rôle puissant et sombre dans le polar d’Arthur Harari, Diamant noir. Révélé par Xavier Dolan en objet de désir incandescent, il semble renaître des cendres où une inquiétude viscérale l’avait plongé.
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Quel genre de séducteur êtes-vous ?
Niels Schneider : "Pas très confiant. Je ne suis pas un mâle alpha, c’est sûr! Ma manière de séduire est très inconsciente. Jamais calculée. Une fois que je suis séduit, quelque chose en moi se met en route, une énergie, un éveil et je me sens vivre. Je ne suis pas un dragueur. C’est organique. Bien sûr que je me plante. Je rencontre des murs souvent. Mais normalement je sens quand même assez vite quand ça colle ou pas, quand on est sur la même longueur d’ondes, que ce soit avec un metteur en scène ou avec une femme. Je suis très sensible à l’envie, au désir de l’autre.
Et qu’est-ce qui vous séduit ?
L’humour, l’intelligence mêlés à de très beaux yeux, une très belle bouche. Le romanesque. Sentir chez quelqu’un une promesse de grandeur, la possibilité d’une belle histoire.
On sent chez vous un rapport inquiet à votre physique, à votre beauté.
Ça n’est pas la beauté qui me fait peur. Quoique au cinéma, je pense que ce sont les défauts qui sont intéressants. Ce qui m’a fait du mal, c’est d’être enfermé pendant un moment dans le personnage que j’incarnais dans Les Amours imaginaires de Xavier Dolan, un fantasme, un objet de désir… Je ne me trouve objectivement pas beau. Quand on me fait la remarque, ça me surprend toujours. On m’a comparé, après ce film, à Björn Andrésen, le Tadzio de Mort à Venise. Je sais que pour lui, l’après Visconti a été très dur. Il a voulu arrêter de jouer, a sombré dans l’alcool. C’est un métier où quel que soit ton physique, on ne va parler que de ta gueule. Il faut s’y faire. On n’a pas le choix. C’est pour cette raison qu’il faut être un petit peu égoïste et penser à soi, à ses propres goûts, pour ne pas être baladé par le désir des autres. Être réinventé par le regard d’un réalisateur, c’est agréable, mais c’est aussi dangereux. Il ne faut pas le prendre trop au sérieux.
Qu’avez-vous fait de plus fou pour une femme ?
J’allais vous dire que je n’étais pas du genre à m’acharner mais en même temps, c’est faux. Si j’y crois très fort, je suis prêt à faire beaucoup de choses. Je peux attendre très longtemps. Mais je ne suis pas du tout un conquérant ou un Don Juan. Si je m’obstine, c’est parce que je sais que ça en vaut la peine.
“Les acteurs sont tous des actrices” s’amuse à dire Vincent Cassel. Qu’y a-t-il de féminin en vous ?
Qu’est-ce que c’est le féminin? Pourquoi les actrices ne seraientelles pas toutes des acteurs ? Depardieu a dit : si j’étais un homme, je serais Catherine Deneuve. Pas mal, non ?
Dans votre musée imaginaire, quelles sont les actrices qui vous ont fait fantasmer ?
À l’adolescence ? Neve Campbell, j’avais beaucoup de désir pour elle. Et Alicia Silverstone, vous vous souvenez ? J’étais aussi un peu amoureux de Taylor Hanson. J’ai eu beaucoup de chagrin quand j’ai appris que c’était un homme. Et Natalie Portman, un grand grand amour. À 12 ans, je lui ai écrit et elle m’a répondu, enfin c’était peut-être son assistante. Je lui disais : aujourd’hui, ça va être compliqué parce que je suis très jeune mais quand j’aurai 18 ans, la différence d’âge se fera moins sentir. D’ailleurs je lui expliquais que mes parents avaient sept ans de différence… Mais, plus sérieusement, si on oublie les années ados, j’ai toujours été amoureux d’Isabelle Adjani.
Vous avez joué au théâtre à ses côtés ?
Oui. Je n’ai même pas lu le texte avant d’accepter. C’est une des plus grandes actrices du monde toutes générations confondues. On ne peut même pas dire qu’elle est hors norme. Elle est exceptionnelle. Il y en a une comme elle tous les cent ans. Travailler avec elle, c’est tout sauf professionnel. C’est une expérience unique. Elle n’a pas de méthode, c’est très mystérieux. Elle m’impressionne beaucoup, beaucoup, beaucoup, par son intelligence, sa richesse intérieure, sa beauté.
© Michael Mayren
Vous observez beaucoup les femmes ou les hommes dans la rue ?
Bien sûr. Pour m’en nourrir. Comme un écrivain prend des notes dès qu’il voit ou entend quelque chose, quand on est comédien et qu’on voit un regard, une réaction, on se dit : c’est ça, c’est exactement ça ! Il faut l’attraper et le mettre dans un tiroir. Jusqu’à l’âge de 20 ans, j’étais très timide. Je ne parlais pas mais j’observais beaucoup. Dans ma bande de copains, j’étais le confident, la bonne oreille. J’ai l’impression que j’ai stocké beaucoup de choses et que j’ai développé mon sens de l’observation.
Une voix qui vous trouble ?
Leonard Cohen, Dylan, Neil Young, Joe Strummer. Je suis extrêmement sensible aux voix. Celles de Depardieu, d’Adjani. La voix de Valeria Bruni-Tedeschi, de Birkin, de Charlotte Gainsbourg. Le parfum de la peau, mais encore plus la voix, ont un effet très séduisant sur moi. La voix raconte quelque chose sur l’identité de la personne beaucoup plus que son physique. On peut mentir avec les yeux mais pas avec la voix. On est toujours trahi par sa voix.
Vous accordez beaucoup d’attention à votre apparence ?
Oui et non. Disons que si je suis dans un vêtement qui ne me ressemble pas je peux me sentir très mal. J’aime aussi le glamour des cérémonies. Les smokings, les femmes en robes sublimes. J’ai l’impression que la plupart des acteurs détestent ou disent qu’ils détestent. Si tu fais ça avec sérieux, c’est terrible. Il faut garder l’aspect ludique, festif, magique. L’esprit La La Land !
Est-ce que vous avez un vêtement fétiche ?
Après un tournage, je garde toujours un vêtement. Là, par exemple, je porte les chaussures de Diamant noir. Sur Tout est parfait, j’ai gardé une chemise, sur J’ai tué ma mère, le T-shirt à manches rouges que portait Xavier (Dolan), sur Les Amours imaginaires, sur tous mes films…
Votre définition de l’élégance ?
Quelque chose d’épuré, de sobre, de simple. L’élégance, c’est quand chaque élément est à sa place. Ça vaut pour une mise en scène. Par exemple aux échecs – j’adore les échecs – quand on dit qu’un coup est élégant, c’est qu’il est rapide et précis.
Un vêtement que vous voudriez voir éradiquer du dressing féminin?
Je ne sais pas… Des fois, je me dis : alors ça, c’est pas possible et je vois une femme très belle le porter et je change d’avis. Pendant un moment, je n’aimais pas les leggings… Ah si, les Doc Martens, je ne trouve pas ça très beau.
“Je me suis souvent moqué des gens qui avaient trop d’émotion…”, disiez-vous dans une interview. Vous aviez l’air bouleversé en recevant votre César. Vous avez changé d’avis ?
Quand tu es derrière ta télé, tu te dis : bon, ça va ! Il y a des guerres dans le monde, pourquoi être en larmes pour un morceau de cuivre. Déjà, le principe même de mettre des films en compétition, c’est discutable. Tu n’as pas gagné le Tour de France ! Il y a eu un vote, c’est très arbitraire. Et puis ce César est arrivé. Il faut dire que je me préparais tellement à ne pas l’avoir. Mon père était dans la salle, il était venu pour moi de Montréal. Je me disais : si je ne l’ai pas, désolé papa, je te rembourse ton billet. Quand ils ont donné les noms des nominés, je me répétais : je ne l’ai pas, je ne l’ai pas, peu importe qui l’a, sois très heureux. Et quand j’ai entendu mon nom, j’étais séché. Il y a un truc lié à l’enfance, aux rêves que j’avais, au chemin parcouru, à l’époque où je ne voyais rien venir, où je n’attendais plus rien de la vie. J’ai repensé à mon adolescence, je me croyais tellement incapable de monter sur une scène. J’ai repensé à mon grand frère [Vadim, de quinze mois son aîné, comédien. Il s’est tué en voiture à 17 ans en se rendant sur un tournage, ndlr] qui était si doué, que j’admirais tant. Je pensais qu’il était le seul à avoir du talent. L’émotion a tout emporté. La vie réserve parfois de belles choses. Peut-être ai-je eu raison de me faire un peu confiance".
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