Certificats de virginité : les médecins risqueront un an de prison et 15.000 euros d’amende
Méconnu du grand public, vraisemblablement peu demandé, même s’il est impossible à chiffrer, le certificat de virginité pourrait bien être interdit en 2021. C’est en tout cas l’un des objectifs du projet de loi contre les séparatismes religieux, porté par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté. Projet de loi présenté par Emmanuel Macron vendredi dernier.
Ce 5 octobre, l’AFP a appris auprès du ministère de l’Intérieur que Matignon compte punir les médecins délivrant des certificats de virginité d’un an de prison et 15.000 euros d’amende, rapporte, entre autres, Franceinfo.
Sanctionner « les commanditaires »
Dans une interview accordée au Parisien en septembre, Mme Schiappa avait bien annoncé que ces certificats seraient « interdits » et que des « poursuites pénales » seraient engagées.
Ce lundi, elle a révélé auprès de plusieurs médias que le gouvernement réfléchit aussi à sanctionner « les commanditaires, les parents, le fiancé », cite Franceinfo.
Qu’est-ce qu’un certificat de virginité ?
Un certificat de virginité consiste, en pratique, à un examen de l’hymen.
Cette membrane, située à l’entrée du vagin, est encore l’objet d’idées-reçues tenaces et néfastes. Malgré les avancées de la médecine gynécologique et sexuelle, qui a depuis longtemps prouvé que l’hymen n’est en rien une preuve de virginité, beaucoup pensent encore le contraire.
La légende veut que lors du premier rapport sexuel, l’hymen se retrouve percé, provoquant un saignement. Saignement qui serait ainsi la preuve que la jeune femme était bel et bien « vierge », une obsession patriarcale.
Ce qui est faux, et réducteur. D’abord, parce que l’hymen peut prendre différentes formes. Il ne « bloque » pas forcément l’entrée du vagin, telle une bâche hermétique à l’entrée d’une pièce. L’hymen peut « simplement » se situer en partie sur les parois du vagin. Il peut aussi être plus ou moins « élastique » en fonction des femmes.
Ensuite, l’hymen ne saigne pas forcément lors de la première pénétration. Il peut saigner lors d’un autre rapport, ou à cause d’un autre événement non-sexuel (sport, fracture, tampon hygiénique, coupe menstruelle, etc). Il peut aussi ne jamais saigner, du tout.
Enfin, un examen de l’hymen pour prouver la virginité est vain, puisque la sexualité ne se limite pas à la pénétration vaginale.
Malgré ces données scientifiques, certaines familles très conservatrices, des trois grandes religions monothéistes (catholique, juive, musulmane), peuvent réclamer un certificat de virginité, avant un mariage notamment.
« Certains médecins osent encore certifier qu’une femme est vierge pour permettre un mariage religieux, malgré la condamnation de ces pratiques par le Conseil de l’Ordre des médecins, dénonce ainsi Gérald Darmanin au Parisien. On va non seulement l’interdire formellement, mais proposer la pénalisation. »
Une pratique condamnée par l’Ordre des médecins
Que dit la loi sur le certificat de virginité ? À ce jour, rien.
Mais le Conseil de l’Ordre des médecins condamne cette pratique. En 2003, il a rédigé un avis appelant les médecins à refuser d’en délivrer, un certificat de virginité n’ayant, selon lui, « aucune justification médicale et constituant une violation du respect de la personnalité et de l’intimité de la jeune femme (notamment mineure) contrainte par son entourage de s’y soumettre ».
De son côté, le Collège national des gynécologues de France a aussi considéré qu’il ne fallait pas répondre à cette pratique. À ce titre, aucun document-type n’existe, indique la praticienne Amina Yambgnane, à 20 Minutes.
En 2018, l’Organisation des Nations Unies pour les droits humains, et les droits des femmes, et l’Organisation Mondiale de la Santé, ont appelé à la fin des certificats de virginité. Ces ONGs les ont décrits comme un processus « humiliant, douloureux et traumatisant », et constituant une violence envers les femmes.
Une mise en danger des jeunes filles ?
Mais sur le terrain, la réalité n’est pas toujours si simple. La gynécologue obstétricienne Ghada Hatem, grande défenseuse des droits des femmes et de leur liberté à disposer de leur corps, a reconnu sur LCI délivrer en moyenne deux certificats de virginité par mois.
Mais elle ne pratique aucun examen de l’hymen : « Oui, je fournis parfois un certificat à une jeune femme que je n’examine même pas, explique-t-elle à l’antenne. Si elle a besoin d’un papier disant qu’elle est vierge pour lui sauver la vie, pour qu’on arrête de l’emmerder, je le fais. Je lui explique que je suis désolée, que je regrette qu’elle doive en passer par là. »
Si elle a besoin d’un papier disant qu’elle est vierge pour lui sauver la vie, pour qu’on arrête de l’emmerder, je le fais.
Pour Ghada Hatem, il s’agit avant tout de protéger ces filles d’un environnement familial pouvant s’avérer toxique, voire dangereux : « La plupart du temps, nous ne faisons pas de certificat, mais quand nous le faisons, c’est parce que nous pensons qu’il y a un danger de mort pour cette fille. Parce que sinon, elle va être emmenée au bled, ira voir un gynécologue du bled, et si elle n’est pas vierge, ça va chauffer pour elle. »
Selon la praticienne, ce genre de consultation est surtout l’occasion d’engager un dialogue, et éventuellement, provoquer une prise de conscience : « Ce qui m’intéresse c’est ce qu’il y a derrière ce certificat : est-ce que cette jeune fille est sous emprise, est-ce qu’elle est terrorisée, est-ce que sa famille est menaçante ? J’essaye de lui expliquer qu’en acceptant ça elle met peut-être le doigt dans un engrenage affreux. Ce temps d’éducation, de pédagogie, est bien plus important que ce bout de papier. »
Pour Ghada Hatem, pénaliser le certificat de virginité « n’a pas de sens ». Elle défend qu’à la place, les parents soient poursuivis : « Je pense qu’il vaudrait mieux punir les parents qui exigent ça que le médecin qui essaye d’aider sa patiente. Je pense qu’on prend le problème à l’envers. »
« Je pense qu’on devrait laisser les médecins tranquilles, les laisser faire leur boulot et juger de ce qui leur paraît bien pour leurs patients, défend la médecin-cheffe de la Maison des femmes de Saint-Denis. Et je ne comprends pas qu’on veuille légiférer là-dessus, comme s’il s’agissait du problème numéro un de la France, de la laïcité et de l’intégration. »
En 2019, aux États-Unis, le rappeur T.I. a présenté ses excuses après avoir reconnu en interview qu’il faisait passer chaque année un examen gynécologique de virginité à sa fille, adolescente. En réaction, l’État de New York avait annoncé vouloir interdire cette pratique.
La polygamie et les mariages forcés également visés
Cette loi sur les séparatismes religieux entend aussi renforcer la lutte contre la polygamie et les mariages forcés, qui sont déjà interdits dans la loi française.
« Actuellement, la législation interdit la délivrance ou le renouvellement de la plupart des titres de séjour [cartes de résident, conjoints de Français, ndr] aux étrangers vivant en France en état de polygamie », rappelle le ministère de l’Intérieur à l’AFP. « Le retrait du titre est également prévu. »
Ce nouveau projet de loi entend « généraliser » ces interdictions à « à tous les titres de séjour, notamment professionnels et étudiants », annonce Matignon. Ce projet de loi entend même « lever la protection contre l’expulsion et l’éloignement du territoire pour les étrangers polygames en France ».
Concernant le mariage forcé, Marlène Schiappa a annoncé la possibilité, « pour un tiers », personne ou association, cite Franceinfo, « d’alerter l’officier d’état civil lorsqu’il y a un doute qui existe sur le consentement réel au mariage d’une des parties prenantes ».
À ce jour, la loi permet déjà à l’officier d’état civil de recevoir séparément l’une des personnes cherchant à se marier, pour s’assurer de son consentement.
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