Ce qui se cache derrière la coulrophobie, la peur des clowns

Censé faire rire petits et grands, le clown déclenche parfois une peur panique. Si elle disparaît souvent à l’adolescence, la coulrophobie peut persister à l’âge adulte. Face à ce trouble persistant, certains adultes consultent. Plusieurs méthodes offrent de bons résultats en psychologie pour vaincre sa peur.

A la simple vue d’un chapiteau rouge et or, Caroline blêmit. D’aussi loin qu’elle se souvienne, cette dynamique cadre parisienne a toujours détesté les cirques. Ce qui la dégoûte le plus dans ces spectacles ? L’odeur des fauves, la musique tagada tsouin tsouin et surtout… les clowns. L’idée même d’être assise à quelques mètres de ces bouffons aux visages peinturlurés lui donne des sueurs froides. Si l’un de ces énergumènes s’avisait à l’approcher, la quadra le sait : elle entrerait illico dans un état de transe à fait pâlir d’envie un consommateur de champignons hallucinogènes.

Qu’est-ce que la coulrophobie ?

Caroline souffre de coulrophobie, qui est la peur inexpliquée et démesurée des clowns. Une phobie plus fréquente qu’on ne l’imagine, surtout chez les enfants. Le coulrophobe est incapable de se confronter à un personnage grimé, ni même de voir son image au détour d’une page ou sur petit et grand écran. Pis, la simple anticipation de l’une de ces situations suffit à le mettre sens dessus dessous.

D’où vient la coulrophobie ?

A l’origine de cette phobie, il y a l’apparence pour le moins surprenante de cet individu. Avec son maquillage – visage blafard, bouche en demi-lune – et son accoutrement multicolore, le clown ne ressemble à personne. « Lorsque l’on ne parvient pas à décoder le visage de quelqu’un, on le perçoit comme menaçant », glisse Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne). La coulrophobie est d’ailleurs souvent doublée d’une angoisse des masques et des déguisements, voire de certains animaux. Elle renvoie à une peur intrinsèque des inconnus et des prédateurs potentiels.

Au-delà du physique, les réactions imprévisibles du personnage sont une autre des causes du trouble provoqué. Le clown est capable de balancer une tarte à la crème ou un jet d’eau au visage de son voisin en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. D’ailleurs, n’est-ce pas pour mieux duper son monde qu’il se déguise ?

Il y a aussi ce terrible fait divers qui a marqué les mémoires. Dans les années 1970, près de Chicago, John Wayne Gacy, dit « le clown tueur » se déguisait pour divertir les enfants et amadouer ses 33 futures victimes. Qui aurait pu soupçonner que derrière le nez rouge se cachait un déséquilibré ? La culture populaire a, elle aussi, exploité le filon du clown machiavélique. Moult histoires de meurtres sont perpétrées par cette créature, à l’instar de Grippe-sou, le héros maléfique du roman « Ça » de Stephen King ou de Twisty le Clown de la série « American Horror Story ». Sans même parler du Joker de la saga Batman. De quoi transformer pour certains le gentil personnage de cirque, créé au XIXe pour amuser la galerie, en un redoutable psychopathe.

Des plaisantins ont même joué sur cette peur, voici quelques années. Déguisés en clowns et armés de couteaux ou de machettes, ils terrorisaient les passants en Amérique, mais aussi en France. A l’automne 2014, un vent de panique avait notamment soufflé dans la région de Douai (Hauts- de-France), après le signalement de plusieurs « creepy clowns » (clowns effrayants), comme les a surnommés la presse anglo-saxonne.

« Un épisode traumatique, survenu souvent pendant l’enfance, peut enfin marquer la mémoire, même de manière inconsciente, ajoute le professeur Pelissolo. Un clown peut, par exemple, nous avoir fait peur en criant très fort lors d’un carnaval. »  Victor, lui, se souvient avoir été longtemps perturbé, après que son frère l’a poursuivi dans l’appartement en arborant un masque de Pierrot méchant.

Manifestations et symptômes

Comme pour toutes les phobies, le premier des symptômes est l’évitement. Le coulrophobe a toujours une bonne excuse pour ne pas mettre les pieds au cirque. Et si, comble de l’horreur, la rencontre avec un clown a malgré tout lieu, il est incapable de se raisonner. Sa gorge se noue, son coeur s’emballe, ses muscles se raidissent. Submergé par l’angoisse, le coulrophobe se voit déjà mourir. Ce sont là des symptômes bien classiques de la crise de panique.

Solutions et traitements

Le premier conseil à donner à l’entourage d’un enfant coulrophobe est de ne surtout pas le tenir à distance des clowns. Cette attitude, qui part d’un instinct naturel de protection, pourrait amplifier le réflexe de panique. Il convient au contraire de l’habituer à les côtoyer et de lui expliquer que ces messieurs déguisés sont gentils. S’ils se travestissent, c’est uniquement dans le but d’amuser petits et grands.

La bonne nouvelle est que la coulrophobie disparaît souvent à l’adolescence. Après plusieurs expériences positives, le cerveau apprend que la situation tant redoutée n’est pas dangereuse. Lorsque les troubles psychologiques persistent chez l’adulte, il n’occasionne pas de stress à outrance. Car à moins de travailler dans un cirque, le risque de se retrouver nez à nez rouge avec un clown dans la vie quotidienne reste relativement faible. Il n’empêche : si votre coulrophobie vous gâche la vie, sachez qu’il est possible de vous en débarrasser, vous pouvez consulter.

« Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) donnent de bons résultats, confirme Antoine Pelissolo. Elles consistent à exposer progressivement le patient à la présence d’un clown. On commence, par exemple, par lui montrer une photo de loin, en la floutant si nécessaire, puis on la rapproche, jusqu’à terminer par porter un masque et lui demander de le toucher ». Le thérapeute préconise de poursuivre le travail à la maison, hors consultation, en regardant tous les jours des films de clowns ou en jouant avec un masque pendant 5 à 10 minutes. L’assiduité est importante, car il s’agit de s’habituer à leur présence qui, on l’a dit, reste aléatoire dans la réalité. L’hypnose est un autre recours possible pour le traitement de la phobie.

En revanche, si la phobie n’est pas associée à des angoisses, il ne sert pas à grand-chose de préconiser des exercices de relaxation ou une aide médicamenteuse.

Possibilité de prise en charge et guérison

A moins qu’elle ne cache un mal plus profond, comme des actes de maltraitance, la coulrophobie se soigne en général très bien. Cinq ou six séances chez un psychothérapeute, ou chez un psychiatre, dont les consultations présentent l’avantage d’être prises en charge, suffisent à habituer le patient à la présence des clowns et à annihiler définitivement sa peur.

Pour ce qui est de Caroline, pas sûre qu’elle soit prête à tenter une thérapie pour accompagner un jour ses jumeaux au cirque. Et même si elle finissait par apprécier les clowns, l’odeur des fauves et la musique tagada tsouin tsouin continueraient de toute façon de l’incommoder…

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