Ce que l’arrêt de la pilule peut entraîner sur le corps
Scandales des pilules 3e génération, désir de revenir à un contraceptif plus «naturel»… Nombreuses sont les raisons qui poussent certaines femmes à dire adieu au petit comprimé. Mais une fois la pilule arrêtée, quels sont les effets sur le corps ?
«Depuis que j’ai arrêté la pilule, je revis», lâche Lucie*. Après six ans sous pilule et le sentiment d’être «rincée émotionnellement», la Nantaise de 24 ans décide de changer de contraceptif. «Je n’en pouvais plus, j’avais l’impression d’être dans un état de léthargie émotionnelle, ma libido avait complètement disparu, c’était l’enfer. Aujourd’hui, je sais pourquoi je suis triste ou joyeuse, ma vie n’est plus dictée par des hormones de synthèse.»
Comme elle, de nombreuses Françaises ont abandonné la pilule au profit d’une contraception plus «naturelle» comme le stérilet en cuivre ou le préservatif. D’après une étude menée par l’Ifop en 2018, 33% des femmes entre 15 et 49 ans avaient recours à la pilule, contre 40,8% huit ans plus tôt. Un désamour en partie dû au scandale des pilules de 3e génération qui a éclaté en 2012, constate la gynécologue Jocelyne Blanchard. «Beaucoup de femmes viennent me voir pour changer de contraceptif, note la spécialiste. Je comprends leur décision, et même si je ne suis pas sûre que ce soit toujours la meilleure, je vais rarement à leur encontre. La meilleure contraception, c’est celle que la patiente choisit», insiste la médecin. S’il est indéniable que la pilule convient à de nombreuses femmes, l’arrêter peut s’avérer libérateur pour certaines… mais dévastateur pour d’autres.
« Amélioration considérable »
«En l’espace de quatre mois, j’ai vu une amélioration considérable, se remémore Marie, 25 ans. Je me suis sentie mieux dans ma peau, beaucoup moins susceptible et j’ai même perdu quelques kilos, comme si j’avais dégonflé», note la Clermontoise. Or, ce n’est pas qu’une impression. La gynécologue Jocelyne Blanchard le souligne : «Certaines pilules majorent la rétention hydrosodée», autrement dit la rétention d’eau, donnant ainsi aux utilisatrices l’impression de «dégonfler» après l’arrêt.
Lorsque Sasha, 23 ans, arrête la pilule en 2017, elle aussi perd plusieurs kilos, «deux à trois tailles de soutien-gorge», mais l’acné, disparue depuis plusieurs années, refait surface. Malgré ces quelques désagréments, elle ne regrette en rien sa décision. «Jamais je ne reprendrai la pilule, clame-t-elle. Au fil des mois, j’ai eu l’impression de découvrir une nouvelle personne. J’ai appris à reconnaître mes sensations, à comprendre comment fonctionne mon corps, et je suis devenue plus sensible.» Un réel avantage pour celle qui avait le sentiment d’être «éteinte» sous pilule. Idem pour Hayat, 27 ans, qui a constaté une «amplification de ses émotions». «Je pleure plus facilement et j’ai parfois plus de difficulté à relativiser à l’approche ou pendant mes règles», note la journaliste.
Salomé, 24 ans, a le sentiment de «beaucoup mieux vivre» depuis qu’elle est passée au stérilet en cuivre. «Je suis plus en phase avec mon corps. Mes changements d’humeur sont moins violents, mes cheveux plus éclatants, et ma libido a explosé», concède-t-elle. Orianne Carrié, gynécologue médicale, confirme : «Lorsqu’elles cessent de prendre des hormones de synthèse, parfois à l’origine de sécheresse vaginale, certaines femmes voient leur libido croître».
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Une affaire de femmes
Quand certaines aimeraient se séparer du comprimé, le corps, lui, en décide autrement. Charlotte, 27 ans, souffre de terribles douleurs menstruelles l’année qui suit l’arrêt de la pilule et ses saignements deviennent plus abondants. Comme elle, Élisa, 24 ans, se voit dans l’obligation de reprendre la pilule pour calmer les crampes. «Ce n’est pas étonnant, concède Orianne Carrié. Chez certaines femmes, la pilule peut avoir un impact bénéfique sur la douleur, et réduire le flux et la durée.» «Et cela peut aussi aider certaines femmes à régulariser leur cycle», poursuit Jocelyne Blanchard.
Mathilda, 23 ans, n’a «jamais été rassurée par la pilule», pourtant, lorsqu’elle tente de l’arrêter, son corps la rappelle à l’ordre. «Après plusieurs années sous pilule, je me suis fait poser un stérilet, mais j’ai fait des kystes hémorragiques au niveau des ovaires, c’était un calvaire.» Depuis, elle est à nouveau sous pilule et constate, à regret, qu’il n’existe toujours pas de contraception masculine autre que le préservatif. «Les études sur la contraception sont principalement menées par des hommes, c’est donc plus facile pour eux de faire porter le poids de la contraception sur les épaules des femmes», constate la gynécologue Jocelyne Blanchard. Et de conclure : «Normalement, la contraception est avant tout une affaire de couple».
*Les prénoms ont été modifiés.
** Initialement publié en avril 2019, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.
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