Bénédicte Durand, la nouvelle directrice à la barre dans la tempête Sciences Po
La nouvelle administratrice provisoire de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris a été nommée le 10 février. Elle prend les rênes après la démission de son prédécesseur Frédéric Mion, éclaboussé par l’affaire Duhamel.
Elle est le nouveau visage de Sciences Po, jusqu’à nouvel ordre. Mercredi 10 février, Bénédicte Durand a été nommée au poste d’administratrice provisoire de l’Institut d’études politiques (IEP) par Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. «J’assume cette responsabilité nouvelle, pleinement consciente du contexte difficile dans lequel se trouve notre institution, mais aussi avec humilité et reconnaissance pour la confiance qui m’est faite», a-t-elle déclaré dans un message adressé, jeudi 11 février, à la communauté de l’université.
La nomination de Bénédicte Durand fait suite à la démission de Frédéric Mion, qui dirigeait l’école depuis 2013. Une démission intervenue alors que les étudiants reprochaient à leur directeur d’avoir nié être au courant des accusations d’inceste pesant sur Olivier Duhamel, ex-président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), révélées par Camille Kouchner dans le livre La Familia grande. Après s’être dit stupéfait de les allégations, Frédéric Mion a finalement reconnu en avoir été alerté en 2018 par l’ex-ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. Le 10 février dernier, le journal Marianne portait le coup de grâce en révélant que Marc Guillaume, ancien secrétaire général du gouvernement et actuel préfet de Paris, avait été informé à deux reprises des faits concernant Olivier Duhamel, dont une fois par Frédéric Mion.
De l’enseignement à la politique
Bénédicte Durand n’a jamais enseigné à Sciences Po. Elle n’y a pas non plus étudié. Interrogée en 2015 par La Péniche, le journal des étudiants de Sciences Po, elle confiait s’être posée la question d’intégrer la prestigieuse école lorsqu’elle était jeune étudiante. Partagée entre l’envie d’une carrière d’enseignante ou de journaliste, elle choisit finalement l’enseignement. Après une classe préparatoire, elle devient professeure agrégée d’Histoire et docteure en géographie. Sa carrière dans l’enseignement supérieur commence à l’Université Paris IV, en tant que maître de conférences.
Son parcours bifurque en 2005, quand elle accepte de rejoindre le cabinet du ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Gilles de Robien. Sa mission : s’occuper de la vie étudiante mais surtout appliquer le projet de la loi Fillon, votée la même année, qui prévoyait l’intégration des IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) dans les universités. Un dossier qu’elle qualifiait alors de «sensible» et «technique». Et pour cause, la loi Fillon avait entraîné un mouvement de protestations de plusieurs mois, principalement mené par les lycéens. Face à l’opposition massive des corps étudiants et enseignants, le projet avait même été partiellement modifié.
De 2007 à 2011, Bénédicte Durand poursuit son expérience politique au sein du cabinet de Valérie Pécresse, alors nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Elle y exerce d’abord en tant que conseillère en sciences humaines, avant d’être nommée directrice adjointe en charge de l’enseignement supérieur. Au sujet de sa collaboration avec le corps politique, la professeure affirme : «Mon engagement est plus technique que politique». Tout en ajoutant quelque temps plus tard avoir assez pris part à la politique, et reprendre ses fonctions d’enseignante à temps plein.
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Son parcours à Sciences Po
«Enseigner, c’est mon identité», confie Bénédicte Durand à La Péniche lors de son entrée à Sciences Po en 2015. En effet, cette année-là, Frédéric Mion, alors directeur de l’IEP, la nomme Doyenne du Collège universitaire. «Je n’avais aucun regard ni aucune expérience de Sciences Po. Je connaissais bien l’établissement vu depuis le Ministère, mais je n’y avais jamais enseigné. J’y arrive donc avec un regard neuf et sans préjugés», expliquait-elle alors. Le transfert à Reims d’une partie du Collège Universitaire, la réforme du concours d’entrée, ou encore l’organisation des enseignements… sont alors autant de nouveaux défis à relever. Trois ans plus tard, le bilan est élogieux. Tant est si bien qu’en 2018, Bénédicte Durand succède à Cornelia Woll à la direction des Études et de la scolarité.
Une arrivée dans la tourmente
Le tourment médiatique, les chantiers de grande ampleur… Celle qui est aujourd’hui l’administratrice provisoire de Sciences Po y est de nouveau confrontée. En plus du scandale ayant conduit Frédéric Mion à la démission, l’établissement de la rue Saint-Guillaume fait aussi face à une vague de témoignages d’étudiantes victimes de violences sexistes et sexuelles. Un mouvement qui s’exprime depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux via le hashtag #sciencesporcs. Une enquête préliminaire a été ouverte pour viol à Toulouse, deux pour agressions sexuelles à Grenoble et un signalement à la Justice a été fait à Strasbourg. À ce titre, Frédérique Vidal et Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, ont échangé mardi 9 février avec les directeurs des Instituts d’Études Politiques. L’administration provisoire de Bénédicte Durand doit avoir lieu en attendant la désignation définitive d’un nouveau directeur. Aucune date n’a pour le moment été annoncée.
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