Après 22 mois de lutte, la victoire pour les femmes de chambre de l’Ibis des Batignolles
Après presque deux ans de lutte pour obtenir des conditions de travail décentes, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles ont décroché mardi un accord historique face à leur employeur.
Leur slogan « Femmes de chambre en colère, y en a marre de la galère ! » résonnait depuis vingt-deux mois, Porte de Clichy dans le 17e arrondissement de Paris. Aux termes d’une lutte inédite comprenant huit mois de grève, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles, qui dénonçaient la précarité de leurs conditions de travail, ont obtenu gain de cause. Un accord définitif a été négocié mardi avec leur employeur, STN, un sous-traitant de nettoyage du groupe hôtelier Accor. « C’est un immense sentiment de fierté et de soulagement », a réagi auprès de ELLE, Tiziri Kandi, animatrice du syndicat des hôtels de prestige et économique (CGT-HPE), aux côtés des grévistes depuis le début de leur action.
« Cette lutte a été une aventure humaine hors norme »
Elles étaient mobilisées depuis le 17 juillet 2019. Travaillant depuis plusieurs années au sein du deuxième plus grand Ibis de France, une vingtaine de femmes de chambre de l’hôtel des Batignolles dénonçaient les cadences infernales pour nettoyer les 700 chambres de l’établissement trois étoiles. Le changement des draps, l’aspirateur et la salle de bain d’une chambre devaient être réalisés en une quinzaine de minutes maximum. Un rythme impossible à tenir.
Soutenues par la CGT-HPE, les salariées souhaitaient une diminution des cadences, une revalorisation de leur salaire et le paiement de leurs heures supplémentaires. Elles réclamaient également leur intégration au sein du groupe Accor, afin d’avoir un statut plus protecteur que leur contrat précaire avec le sous-traitant STN.
Malgré le froid, la fatigue, puis la pandémie du covid-19, elles ont tenu bon. « On savait qu’en s’attaquant au sixième plus grand groupe hôtelier à l’échelle mondiale, le conflit ne durerait pas un mois ou deux », indique Tiziri Kandi. Pour tenir sur le long terme, les femmes de chambres se sont organisées. En parallèle des négociations, elles ont mené de nombreuses opérations sur le terrain : elles étaient plusieurs fois par semaine devant le parvis de l’hôtel, elles ont rejoint d’autres camarades en lutte lors de manifestations et ont occupé les halls de plusieurs hôtels du groupe, toujours dans la joie et la bonne humeur. « La solidarité tout le long de la lutte a été exceptionnelle. Il y a eu des moments durs. Cette lutte a été une aventure humaine hors norme. »
Revalorisations salariales et meilleures conditions de travail
Si elles n’ont pas obtenu leur intégration comme salariées au sein du groupe Accor, les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles ont obtenu satisfaction sur une grande partie de leurs revendications. Selon la CGT-HPE qui a négocié l’accord signé mardi, elles ont décroché une requalification de leur contrat en contrat à durée indéterminée auprès de leur employeur STN, des revalorisation salariales d’un montant allant de 250 à 500 euros par mois, une augmentation de qualification, une prime de panier équivalente aux salariés du groupe Accor, la réintégration de deux employées dont les contrats avaient été rompus pendant la grève ou encore la prise en charge du nettoyage de leur tenue.
« Les cadences de travail ont été diminuées de 20%, et une pointeuse pour prendre en compte les heures supplémentaires va être installée », détaille Tiziri Kandi, qui annonce également l’arrêt de la pratique de l’abattement sur les cotisations sociales.
De nombreuses élues et associations féministes se sont réjouies de cet accord dès vendredi dernier, lorsque l’annonce d’une signature a fuité sur les réseaux sociaux. « Formidable nouvelle », avait écrit sur Twitter, l’adjointe à la Mairie de Paris, Audrey Pulvar. « Victoire bien méritée pour ces courageuses héroïnes qui ont lutté pendant 22 mois », s’était félicitée l’association Osez le féminisme.
Brava, victoire des femmes de ménage à l’Ibis Batignolle !!✌ Victoire bien méritée pour ces courageuses héroïnes qui ont lutté pendant 22 mois ✊ https://t.co/VkhRq4Dxoa
Heureuse pour les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles, l’eurodéputée Marie Toussaint a tenu à souligner sur son compte Twitter : « Bravo à elles ! Mais vigilance aussi car la sous-traitance est encore là. Leur lutte prend fin aujourd’hui, mais la bataille continue pour les droits ! » Un point sur lequel Tiziri Kandi est confiante. « Souvent, la fin de la fin de la sous-traitance est obtenue en deux temps. Il y a d’abord une première étape avec une égalité de traitement entre les salariés internes et les salariés de la sous-traitance, comme on vient de l’obtenir pour les femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles. Plus tard, les employeurs finissent eux-mêmes par mettre fin à la sous-traitance car elle n’a plus d’utilité une fois que tous les salariés ont les mêmes droits. »
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