Amérindiens du Canada : 9 choses à savoir sur les Premières Nations
Qui occupait le territoire nord-américain ? Voici quelques clés pour mieux comprendre ces tribus amérindiennes qui ont combattu ou fait alliance avec les Français du Nouveau Monde.
1/ Quand les premiers Amérindiens sont-ils arrivés sur le territoire canadien ?
La question fait débat auprès des archéologues et anthropologues. Lors d’une période glaciaire s’étalant de 100 000 à 5 000 av. J.-C., les premiers Amérindiens, venus d’Asie, ont franchi le détroit de Béring, alors vaste banquise reliant les actuelles Sibérie à l’Alaska. Les études scientifiques américaines du XXe siècle ont avancé que l’occupation du territoire canadien remonterait entre 15 000 et 5 000 av. J.-C. Des pointes de flèches retrouvées en 2003 au sud du Québec ont permis de dater une première présence humaine dans la province 10 000 avant notre ère. Mais cette chronologie a été remise en cause par une étude de 2017 sur des ossements humains trouvés dans la grotte de Blue Fish Cave, dans le Yukon. Des anthropologues ont prouvé qu’ils dataient de 25 000 ans av. J.-C. ! Si la date précise de l’arrivée de ces « paléo-Indiens » reste incertaine, leur provenance exacte, elle, est désormais connue. En mai 2020, une étude dirigée par l’institut allemand Max-Planck a démontré l’existence d’un gène commun entre des ossements de chasseurs de la région russe du lac Baïkal, datant de 13 500 av. J.-C, et ceux des premiers Amérindiens.
2/ Ces peuples amérindiens étaient-ils nomades ou sédentaires ?
A l’origine nomades (elles ont traversé le détroit de Béring en suivant les migrations animales), les trois ethnies présentes sur les terres canadiennes – Inuits, Algonguiens et Iroquoiens – ont ensuite adopté un mode de vie semi-nomade. Sans doute à partir du IIe millénaire av. J.-C estiment les historiens. Les Inuits, installés dans la région polaire de la baie d’Hudson, chassaient les mammifères marins en été pour rejoindre leurs iglu (« maisons de glace » dans la langue inuktitut) en hiver.
Les Innus ou Montagnais – de culture algonquienne – remontaient les rivières à l’arrivée du printemps, pour revenir dans leurs campements au nord du fleuve Saint-Laurent dès la fin de l’automne. Mais les tribus iroquoiennes, situées dans la région des Grands Lacs, devinrent, elles, sédentaires. Ainsi, les Hurons fondèrent des villages agricoles où le maïs, la courge, la fève et le topinambour étaient cultivés à perte de vue. Cette différence s’est traduite dans l’habitat. Si les algonquiens vivaient dans des wigwam, tentes recouvertes de peaux rappelant les tipis des Amérindiens des Plaines (Sioux…), les Iroquoiens, eux, résidaient dans de longues maisons en bois de cèdre. Certaines habitations pouvaient mesurer jusqu’à 60 mètres de long et abriter jusqu’à 200 personnes.
3/ Comment se composaient ces sociétés ?
D’après Jacques Lacoursière, auteur d’une Histoire du Québec des origines à nos jours (éd. Nouveau Monde, 2005), les peuples algonquiens (Algonquins, Micmacs, Malécites, Innus/Montagnais, Cris, Ojibwés…), et iroquoiens (Iroquois, Hurons, Eriés…) se seraient divisés en nations en suivant les cours d’eau entre 1000 av. J.-C. à 1000 apr. J.-C.). Ces tribus se sont, plus tard, séparées en fratries. « Au XVIIe siècle, la confédération huronne était composée de huit clans », explique l’historien Gilles Havard dans L’Amérique fantôme (éd. Flammarion, 2019). L’organisation était assez similaire d’une population à l’autre : les hommes chassaient et pêchaient tandis que les femmes se partageaient les tâches domestiques (tannage des peaux, confection de vêtements, préparation des repas, récolte…).
La notion de partage des biens a empêché l’émergence d’une société de classes et la mendicité était inexistante, comme l’ont constaté les premiers colons français. Il existait toutefois une différence sociale fondamentale entre Algonquiens et Iroquoiens. Ces derniers évoluaient dans un système matrilinéaire (un enfant appartenait toujours au clan de sa mère) et matriarcal (les chefs étaient choisis par les femmes les plus âgées du village). Chez les Algonquiens, la société était davantage patriarcale avec des chefs élus uniquement sur leurs aptitudes à faire la guerre. Les « coureurs de bois », ces explorateurs français partis dans les forêts de l’ouest pour faire commerce de la fourrure, furent impressionnés par l’esprit militaire de chefs de nations algonquiennes comme les Potawatomis (région du lac Michigan) ou les Abénaquis, au sud du Saint-Laurent.
4/ Y avait-il des échanges commerciaux entre les tribus amérindiennes ?
Le troc s’effectuait partout. Les autochtones échangeaient toutes sortes de marchandises : des poissons d’eau douce (saumon, brochet) contre de la viande (orignal, élan), une fourrure de castor pour une peau de phoque, un filet de pêche contre une lance, du maïs pour des baies sauvages… Ils accordaient une grande valeur à des ceintures et cordons composés de perles, les wampums. Ces objets avaient une grande valeur en raison de la durée de leur confection : 120 jours pour les plus longs, selon l’explorateur Samuel de Champlain (1574-1635) qui nota dans son Journal « le marchandage de ces colliers de porcelaines » sur les rives du Saint-Laurent. Dès le début du XVIIe siècle, les colons firent de ces wampuns une monnaie d’échange avec les peuples algonquiens et iroquoiens. Notamment dans les foires des pelleteries (commerce de la fourrure), comme celle sur l’île Saint-Ignace, près de la ville de Trois-Rivières. Dans ces centres marchands, les Français se virent offrir des peaux de castor ramenés par les Ménominis des Grands Lacs en échange de leurs « tubes de feu » (fusils). Mais ces lieux d’échanges commerciaux étaient aussi le théâtre d’échauffourées, comme en fut témoin le « coureur de bois » Nicolas Perrot, en 1670, près de Montréal. Des marchands français et des indiens Outaouais s’y affrontèrent à cause d’un vol sur une marchandise.
5/ Comment les peuples amérindiens communiquaient-ils ?
Du Saint-Laurent aux Grands Lacs, deux familles linguistiques dominaient : algonquienne et iroquoienne. A l’intérieur de ses groupes cohabitaient une multitude de dialectes similaires. Ainsi, les peuples du lac Supérieur (Cris, Ojibwés, Saulteux et Ménominis) pouvaient plus ou moins se comprendre. L’innu, langue algonquienne parlée par les Innus/Montagnais était proche de l’idiome des Cris, deux dialectes pourtant distants de 2 000 kilomètres !
Lorsque la communication verbale était impossible, la gestuelle jouait un rôle important. Le huron servait, lui, de langue ambassadrice dans la région des Grands Lacs. La maîtriser permettait d’entrer en contact avec les nations iroquoiennes. Pour apprendre ces langages autochtones – et favoriser le commerce de la fourrure – des interprètes français, appelés « truchements », furent envoyés au sein de tribus dès le début du XVIIe siècle.
A l’inverse, des Indiens étaient « recrutés » par des explorateurs pour parler le français. Le jeune Huron Savignon, confié à Champlain en 1610 enracina ainsi « l’amitié » franco-indienne dans la vallée du Saint-Laurent. Mais devant le peu d’entrain des autochtones à apprendre une langue étrangère, les missionnaires récollets puis jésuites, arrivés entre 1615 et 1625, traduisirent des dialectes en latin. En 1632, le père Gabriel Sagard (1590-1636) publia un Dictionnaire franco-huron tandis que les ursulines de Québec rédigèrent, en 1639, des textes religieux en iroquoien et algonquien.
Au fil des siècles, le lexique français s’est enrichi de mots algonquiens comme tomahawk (hache de guerre), sachem (chef) ou encore toboggan (traîneau). Et certains lieux géographiques sont un héritage linguistique de l’Amérique indienne : Québec vient d’une expression des Micmacs, kebec, qui désigne « l’endroit où le fleuve rétrécit », tandis que Canada est une déformation du terme iroquoien kanata, signifiant village.
6/ Culture amérindienne : quelle était la place de la religion ?
Elle était la clef de voûte des sociétés amérindiennes. Les autochtones n’honoraient aucun dieu et ne possédaient pas de lieux de culte. Animistes, ils considéraient tout être vivant ou objet comme habité par un esprit. « Avec cette croyance, ils pensaient qu’un homme pouvait se transformer en serpent ou en pierre, entendre le langage des oiseaux, ou voir dans les étoiles filantes le présage d’une guerre », note Gilles Havard. Les esprits étaient sans cesse honorés, en particulier ceux des morts, très redoutés.
Une figure spirituelle s’imposait dans les villages : le chaman. Appelé oki dans les tribus iroquoiennes ou manetowa (manitou) chez les Algonquiens, il soignait les maladies, souvent à l’aide de plantes médicinales. Dans des tentes à sudation, où l’on fumait du tabac dans un calumet, il chassait les esprits démoniaques. Les missionnaires récollets puis jésuites, venus en Nouvelle-France pour évangéliser les Amérindiens, n’affichaient que mépris pour ces « imposteurs ». Horrifiés par la « sauvagerie » de cette foi indienne, où festins orgiaques et interprétations de songes étaient la norme, ils tentèrent de la remplacer, avec difficulté, par les paroles du Christ. Il y eut quelques conversions réussies, à l’image de Kateri Tekakwitha (1656-1680), une Algonquine devenue religieuse. Béatifiée par Jean-Paul II en 1980, elle est la première sainte amérindienne du Canada.
7/ Quand le métissage entre autochtones amérindiens et Français est-il apparu ?
Difficile de le dater avec précision. Des historiens canadiens comme Philippe Mailhot considèrent qu’une première génération de métis serait apparue dès les années 1620. Un brassage s’expliquant par la présence de « truchements » dans les tribus dès le début du XVIIe siècle, puis de « coureurs de bois » dans les « pays d’en haut » (l’Ouest). « Adoptés » par les chefs amérindiens, ces Français participaient, entre autres, à des « festins de fornications », nommés ainsi par les jésuites. Des cérémonies où les femmes choisissaient les hommes avec qui passer la nuit.
Oubliées par les registres paroissiaux, ces unions « sauvages » donnèrent naissance à quelques grandes figures métisses, tel Charles Langlade (1729-1801). Ce fils d’un « coureur de bois » et d’une Outaouaise devint lieutenant au sein de la colonie lors de la guerre de la Conquête, de 1754 à 1763, opposant la France aux Britanniques. On retrouve aujourd’hui des descendants de métis partout au Canada, notamment dans le Manitoba. Les 46 000 Franco-Amérindiens de cette province y parlent le métchif, une langue mêlant le français au dialecte des Cris.
8/ Ces Premières Nations se faisaient-elles la guerre ?
Les conflits étaient permanents. Une guerre fratricide entre des peuples iroquoiens et les Cinq-Nations iroquoises du lac Ontario existait déjà au moment où le navigateur français Jacques Cartier (1491-1557) remonta le Saint-Laurent, en 1534. L’origine du conflit était la recherche d’un chimérique royaume de Saguenay, eldorado boréal qui fit fantasmer les colons. Pour étendre leur territoire, les Iroquois s’en prirent ensuite aux Algonquins, Hurons et Montagnais. Dès le début du XVIIe siècle, ces trois dernières tribus s’allièrent aux Français, lesquels saisirent l’enjeu d’une telle alliance : un enrichissement par le commerce des fourrures. Tout au long du siècle, les Iroquois attaquèrent sans répit les peuples voisins : Mohicans et Abénaquis à l’est, Eriés, Miamis et Illinois à l’ouest, Hurons et Népissingues au nord. Armés par les colons anglais, situés au sud, les redoutables guerriers iroquois affaiblirent alors la Huronie et massacrèrent 200 colons à Lachine, près de Montréal, en 1689.
Après un siècle d’hostilités, quarante nations amérindiennes – sous l’égide du gouverneur de la Nouvelle-France et d’un chef huron nommé Kondiaronk (1649-1701) – et les Cinq-Nations signèrent un traité de Grande Paix, à Montréal, le 23 juillet 1701. Une pax amerindiana fragile. Au XVIIIe siècle, lors des guerres franco-britanniques dans la colonie, les Iroquois s’engagèrent aux côtés des Anglais alors que les peuples algonquiens restèrent fidèles aux Français. Après le traité de Paris, en 1763, qui vit la France abandonner sa colonie nord-américaine à la Couronne, des chefs de guerre pro-français tels que le Outaouais Pontiac (1714-1769) déclenchèrent un soulèvement panamérindien dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre. Et les Iroquois ? Alliés aux Britanniques lors de la guerre d’indépendance américaine (1775-1783), ils virent leurs terres ancestrales occupées par l’armée de George Washington en 1779. La fin d’un peuple prédateur.
9/ Des épidémies ont-elles frappé cette Amérique indienne ?
Elles ont été dévastatrices ! D’après l’historien Denys Delâge, auteur de Le Pays renversé (éd. du Boréal, 1985), 300 000 Amérindiens vivaient sur le territoire québécois lors de l’arrivée des premiers pêcheurs européens, à la fin du XVe siècle. Les maladies, contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés, auraient décimé entre 50 et 65 % de cette population, en l’espace de trois siècles. Des épidémies de rougeole, choléra, grippe, syphilis, typhus, coqueluche et peste bubonique ont décimé, entre autres, les Micmacs et les Algonquins, premiers peuples à entrer en contact avec les colons. Frappés par la variole entre 1634 et 1640, « la population des Hurons passa, elle, de 30 000 à 9 000 habitants », dit Gilles Havard. Les peuples iroquoiens rendirent les jésuites responsables de ces fléaux qu’ils assimilaient à de la sorcellerie. D’où des missionnaires assassinés, tels le père Jean de Brébeuf en 1649.
? En images : Aux origines du Québec, l’épopée de la Nouvelle-France.
➤ Article paru dans le magazine GEO Histoire de février – mars 2021 sur les origines du Québec (n°55).
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