Allaitement difficile : 5 conseils pour surmonter les obstacles
Tétées au rythme anarchique, bébé qui ne grossit pas assez, seins douloureux, nombreux sont les obstacles qui amènent les jeunes mamans à abandonner l’allaitement. Par manque d’accompagnement et souvent à regret. Les conseils de Sandra Caserio, puéricultrice coordinatrice de l’Espace Parentèle à l’hôpital Armand Trousseau à Paris pour surmonter les difficultés.
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L’allaitement, une envie largement partagée par les jeunes mamans, mais la réalité n’est pas toujours rose. Une étude menée en 2018 par l’APHP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) sur 8 de ses maternités a montré que si 70% des futures mamans souhaitent allaiter exclusivement en entrant à la maternité, elles ne sont plus que 50% à la sortie. La cause principale de cet abandon : le manque d’accompagnement. Alors que l’on imagine un geste naturel, inné, la mise au sein ne s’avère pas toujours simple.
« Le mythe de l’allaitement instinctif a du plomb dans l’aile« , constate Sandra Caserio. « Les femmes commencent à comprendre que pour allaiter, il faut qu’elles soient impliquées, actives. Pendant leur court séjour à la maternité, elles ont de nombreux gestes à acquérir, le bain, les changes, faire connaissance avec son enfant, tout en se remettant de la fatigue de l’accouchement. C’est important qu’elles aient commencé à se renseigner avant, par exemple pendant les cours de préparation à l’accouchement. Grâce à ces connaissances, elles n’attendent pas que tout vienne des professionnels qui sont souvent débordés, mais elles savent les solliciter avec des questions précises au besoin.«
Avec le raccourcissement des séjours à la maternité, le temps d’accompagnement est réduit. Les jeunes mamans rentrent à la maison avant leur montée de lait, ce qui amène de nouveaux questionnements. L’entourage s’en mêle parfois et fait pression sur la jeune maman. Sandra Caserio passe en revue les principales difficultés et donnent quelques conseils pour poursuivre cette aventure.
C’est l’anarchie, le bébé n’a pas de rythme et semble pendu au sein
« C’est normal qu’il n’y ait pas de rythme au début« , rassure Sandra Caserio. « Le premier mois, souvent, on tâtonne. Le bébé peut manger toutes les 1h30, voire une heure. Les mamans vont apprendre petit à petit à décrypter ses pleurs. Celui-ci n’a que ce moyen de communication pour exprimer toutes les choses désagréables qu’il vit. » Si les pleurs intenses sont souvent synonymes de faim, des gémissements signifient plutôt « je m’endors » ou « j’ai besoin d’un câlin« .
« C’est très important de mettre des mots sur ce que l’on est en train de faire », souligne la puéricultrice. « Le parent lui dit « Tu pleures ? Je vais changer ta couche »… Le bébé a besoin d’être rassuré sur le fait que l’on comble ses besoins. Au tout début, il découvre la sensation de faim et apprend à s’autoréguler. Il n’y a pas de notion de quantité avec l’allaitement. Il faut faire confiance à son enfant qui sait quand il a besoin d’être nourri. » Selon les moments de la journée, les tétées sont tantôt rapprochées, tantôt espacées. Il est important de suivre la demande du bébé pour que la production s’ajuste correctement à ses besoins. Au fur et à mesure, passé le premier mois, ce sera moins anarchique.
Les premières semaines, il ne faut pas attendre que le bébé pleure pour le mettre au sein. Soyez attentives aux signaux de faim : il baille, sa langue bouge, sa main vient devant sa bouche. Attention à la tétine. Si elle est mise trop systématiquement au bébé qui pleure, cela peut empêcher une mise au sein, une prise de poids et compromettre l’allaitement.
Les seins sont douloureux, engorgés
« Toutes les trois heures, on doit soulager le sein« , explique la puéricultrice. « Il faut mettre le bébé au sein le plus possible, à l’éveil, dès qu’il porte ses mains à la bouche. Si bébé s’est endormi avant la fin de la tétée, il ne faut pas hésiter à utiliser un tire-lait pour « vider » le sein. » Les astuces de la professionnelle pour soulager des seins douloureux : une application de froid entre les tétées pour soulager la douleur, ou de chaud au moment des tétées pour faciliter l’écoulement du lait. Si le lait a des difficultés à sortir, il peut être utile d’assouplir l’aréole en faisant une contre-pression aréolaire, car il s’agit souvent d’un œdème lié à la montée de lait. Autre astuce à faire sous la douche : faire un massage aréolaire, et tout autour du sein, en pressant doucement si les tissus sont tendus. Puis finir avec un jet d’eau froide pour resserrer les vaisseaux. Enfin, mieux vaut privilégier des positions de repos à plat dos (afin de refouler l’œdème vers l’arrière.)
J’ai des crevasses
Ces plaies sont souvent liées à une mauvaise position du bébé au sein. « Je conseille aux jeunes mamans de prendre le temps de bien s’installer, même si le bébé réclame bruyamment« , préconise Sandra Caserio. « Prenez un coussin pour bien l’installer et n’hésitez pas à le déshabiller un peu pour qu’il n’ait pas trop chaud contre vous. » Pendant la tétée, il est important que le tout-petit ait la bouche grande ouverte et prenne au maximum l’aréole. Pour cela, il doit avoir la bouche grande ouverte pour aller au sein. Les positions les plus pratiques et qui évitent les crevasses, selon la puéricultrice :
– Le ballon de rugby, la tête de votre enfant installée dans le bras gauche pour le mettre au sein gauche, son corps est positionné le long de votre flanc.
– Si la maman a subi une césarienne, elle peut s’allonger sur le côté et poser son enfant à côté d’elle, ventre contre ventre.
– La Madone inversée ou berceuse inversée, qui permet à la maman de présenter le sein sous le nez du bébé (et ainsi l’inciter à ouvrir grand la bouche) et d’accompagner son bébé avec l’autre main pour faciliter la prise en bouche.
– La « BN, biological nurturing » ou position naturelle, qui permet à l’enfant d’utiliser tous ses réflexes innés.
Pour soulager les crevasses, vous pouvez appliquer un peu de votre lait en fin de tétée. Intéressant aussi, une crème à base de lanoline ou du miel stérilisé. Enfin, évitez les frottements.
Bébé a du mal à prendre le sein
Les mamans utilisent parfois des bouts de sein siliconés quand les mamelons ne sont pas assez ressortis. Attention à ce genre d’accessoire. « Souvent les enfants tétouillent et ils se retrouvent à téter dans le vide« , constate la puéricultrice. « Il faut bien vérifier le positionnement de la bouche de l’enfant. Car téter le bout de sein ne permet au lait d’être extrait. Il faut avoir une prise en bouche bien large pour avoir une succion efficace« .
En cas de mamelons ombiliqués, si la jeune maman peut poser des bouts de sein siliconés, qui sont alors indiqués, utiliser un tire-lait juste avant la tétée permet également au bout de sein de mieux ressortir. Un bon positionnement de bébé aide également à faire ressortir les mamelons, comme la position de la madone inversée afin que le tout-petit ouvre bien la bouche. N’hésitez pas à demander de l’aide pour bien positionner le bébé.
Bébé ne grossit pas suffisamment
« La question de la prise de poids, c’est l’épée de Damoclès de l’allaitement« , prévient la puéricultrice. Comme la quantité de lait ne peut être mesurée, dès que la courbe de croissance s’infléchit, l’allaitement est mis en cause. Attention à ne pas trop se fier au carnet de santé. « On oublie souvent que le référentiel est la courbe de poids du carnet de santé établie par l’OMS, qui s’appuie sur des bébés nourris au biberon« , précise Sandra Caserio. « La prise de poids des bébés nourris au sein n’est pas dans la même cinétique de croissance. Celle-ci ralentit à partir de 4 mois. » N’investissez surtout pas dans une balance à la maison. Rendez-vous plutôt à la PMI, vous pouvez y faire peser votre enfant et des professionnels sont présent pour aider à vérifier les positions et réajuster l’allaitement au cas par cas.
« Si l’enfant ne grossit pas suffisamment, on peut conseiller de mettre bébé davantage au sein, de tirer son lait avec un tire-lait pour stimuler la production, d’utiliser des tisanes d’allaitement (fenouil ou fenugrec (s’il n’existe pas de contre-indication médicale) qui améliorent aussi le confort digestif du nourrisson), d’avoir une alimentation équilibrée, de bien s’hydrater, de se reposer et de se faire aider pour l’intendance du logement « , explique la puéricultrice.
Et si le pédiatre recommande d’introduire des biberons de lait en complément ? « Dans les 15 premiers jours, qui suivent la naissance cela peut rendre l’allaitement plus difficile« , reconnaît Sandra Caserio. « Mais le bébé peut s’adapter à une alternance sein-biberon, c’est ce qu’on a montré dans la prise en charge des bébés prématurés, à qui on propose un allaitement mixte au début. L’important, c’est surtout de savoir pourquoi il y a une mauvaise prise de poids, de nourrir le bébé le temps de résoudre le problème, d’entretenir la lactation et de tirer son lait si un biberon a été introduit. » Ne pas hésiter à faire le point avec un professionnel formé en allaitement.
Les bonnes adresses pour se faire aider
– Les centres de PMI (protection maternelle et infantile)
– Les consultantes en allaitement / lactation (certifiées IBCLC ou diplômées DU : Lactation humaine et allaitement maternel)
– Espace d’accompagnement à la parentalité dans certains hôpitaux comme l’Espace Parentèle de l’hôpital Armand Trousseau à Paris.
– Numéro vert : SOS allaitement, pour les mamans ayant accouché dans une maternité d’Ile de France : 0800 400 412
– Les associations de soutien à l’allaitement comme celle de SOLIDARILAIT
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