Algie vasculaire de la face : "C'est l'une des douleurs les plus sévères qu'un être humain puisse ressentir"
L’algie vasculaire de la face (AVF) est une maladie neurologique à l’origine de douleurs intenses. Elle se manifeste sous forme de crises qui peuvent être quotidiennes et donc avoir un impact majeur sur la vie des patients. On fait le point sur les symptômes, les causes et les traitements de cette pathologie handicapante.
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« C’est comme si on me plantait un tournevis dans l’œil ». Voici comment Diane Wattrelos, 30 ans, décrit la douleur qu’elle ressent lorsqu’elle est confrontée à une crise d’algie vasculaire de la face (AVF). Depuis son adolescence, elle vit avec cette pathologie neurologique, surnommée « maladie du suicide » ou « céphalée suicidaire ». Cette maman de deux enfants est ainsi confrontée à l’une « des douleurs les plus sévères qu’un être humain puisse ressentir », comme le souligne le Dr Anne Donnet, neurologue et cheffe de service du centre d’évaluation et de traitement de la douleur à l’hôpital de la Timone de Marseille (AP-HM). Elle est si intense qu’elle est souvent comparée à une amputation sans anesthésie.
Algie vasculaire de la face : « J’ai cru que j’allais mourir »
L’algie vasculaire de la face peut être chronique ou épisodique. Dans sa forme chronique, qui concerne environ 20 % des patients, les crises sont quotidiennes. La forme épisodique de cette maladie concerne quant à elle environ 80 % des patients et se caractérise par des crises plus espacées. « Les patients peuvent avoir des périodes de crise qui s’étalent sur plusieurs semaines, puis plus rien pendant des mois voire des années », explique le Dr Anne Donnet.
Diane Wattrelos, elle, souffre de la forme chronique de cette maladie. A l’âge de 14 ans, elle est confrontée à ses premières crises de façon périodique, sans savoir de quoi il s’agit. Pour comprendre l’origine de ses douleurs, elle consulte de nombreux médecins. « On m’a enlevé les dents de sagesse, on m’a limé les dents. J’ai pris aussi sur moi car je voulais vivre comme toutes les jeunes filles de mon âge », explique-t-elle.
Lorsqu’elle a 23 ans, tout bascule : ses crises deviennent chroniques et se manifestent tous les jours et toutes les nuits. « Il y a eu un avant et un après : j’ai cru que j’allais mourir », se souvient-elle.
Une maladie handicapante, à l’impact majeur sur la vie des patients
Les crises d’algie vasculaire de la face peuvent durer 15 à 180 minutes et survenir jusqu’à huit fois par jour. Elles peuvent aussi se manifester la nuit. La douleur est localisée d’un côté du visage, au niveau de la région orbitaire et au-dessus de l’œil, mais peut s’étendre dans la région temporale et irradier la région cervicale et maxillaire. En plus de cette douleur insoutenable, « ces crises sont accompagnées de manière quasi-systématique d’un signe autonomique qui apparaît du côté de la douleur : larmoiement, œil qui devient rouge, narine qui se bouche ou qui coule », précise le Dr Anne Donnet.
Diane Wattrelos est confrontée à une dizaine de crises par jour, qui peuvent durer jusqu’à 45 minutes. « J’ai une sensation de broiement au niveau de l’œil, accompagné de rougeurs et d’un œdème. La douleur finit par atteindre tout le visage. Parfois, je ne peux pas poser le pied par terre pendant plusieurs jours ».
Ces crises ont donc un impact majeur sur la vie personnelle et professionnelle des patients. « Des répercussions anxieuses et dépressives peuvent ainsi y être associées », souligne le Dr Anne Donnet. La vie de Diane Wattrelos a d’ailleurs basculé lorsque ses crises sont devenues chroniques. « A ce moment-là, je faisais des études en banque que j’ai terminées de justesse. J’ai été déclarée adulte handicapée à plus de 80 % »,explique-t-elle.
Si elle n’a pas pu faire carrière dans la banque, la jeune maman a réussi à s’adapter et travaille de chez elle. Sa maladie reste néanmoins un frein dans de nombreux aspects de sa vie : « Je ne peux pas conduire, aller au cinéma, faire des courses ni même porter mes enfants », détaille-t-elle. L’algie vasculaire de la face rend également difficile toute vie sociale. « Je ne peux pas dîner avec plus de cinq ou six personnes, car le bruit peut déclencher une crise. Je ne peux pas non plus boire d’alcool pour les mêmes raisons », explique-t-elle.
Algie vasculaire de la face : des causes encore incertaines
La cause exacte de l’algie vasculaire de la face reste encore incertaine. « Il y a probablement un terrain génétique à risque, même si nous n’avons actuellement pas de preuve de cela. La rencontre de ce terrain génétique avec des facteurs déclencheurs tels que le tabagisme pourrait être en cause », explique le Dr Anne Donnet.
Ce que l’on sait, c’est que l’hypothalamus, une petite glande du cerveau qui joue un rôle dans la régulation des fonctions vitales, est également impliquée dans l’algie vasculaire de la face. « On a pu mettre en évidence en imagerie une hyperactivité de l’hypothalamus chez des patients en crise », indique la neurologue.
Or, l’hypothalamus est aussi responsable de la chronobiologie, qui joue également un rôle dans l’algie vasculaire de la face. « On sait que les crises peuvent survenir à des saisons et à des horaires particuliers. Cette maladie a un rythme circadien et circannuel. L’hypothalamus est probablement le générateur des crises et régit leur fréquence ainsi que les périodes auxquelles elles se manifestent », explique le Dr Anne Donnet.
Lutter contre l’errance diagnostique de l’algie vasculaire de la face
Cette particularité peut complexifier le diagnostic de l’algie vasculaire de la face. Et pour cause : les patients ayant une forme épisodique peuvent ne pas avoir de crise durant des années. Si cette maladie est difficile à détecter, c’est aussi parce qu’elle reste peu fréquente et donc mal connue. « Pour la diagnostiquer, il faut poser les bonnes questions concernant la localisation de la douleur, la durée des crises, leur répartition dans le temps ou encore les signes autonomiques associés », indique le Dr Anne Donnet. Sans cela, elle peut être confondue avec une migraine ou une sinusite.
Après des années d’errance médicale, l’algie vasculaire de la face de Diane Wattrelos est diagnostiquée lorsqu’elle a 24 ans. « J’ai pris cela comme une délivrance. Je pouvais enfin avancer », explique-t-elle. C’est d’ailleurs pour lutter contre cette errance diagnostique et sensibiliser au handicap qu’elle a décidé de témoigner.
AVF : soulager les crises et mettre en place un traitement de fond
La prise en charge des patients atteints d’algie vasculaire de la face est double. L’objectif est de soulager les crises, mais aussi de mettre en place un traitement de fond. Le traitement des crises repose sur du Sumatriptan injectable. « La douleur est généralement soulagée en moins de 15 minutes », note le Dr Anne Donnet. Cependant, les contre-indications cardiovasculaires doivent être respectées et les patients ne peuvent réaliser que deux injections par 24 heures, ce qui ne leur permet pas de calmer toutes leurs crises si celles-ci sont plus nombreuses.
L’oxygénothérapie à haut débit est également mise en place pour traiter les crises d’algie vasculaire de la face. « Elle permet généralement de soulager la douleur de manière satisfaisante et n’est pas limitée dans la journée », explique le Dr Anne Donnet.
Les traitements de fond de l’algie vasculaire de la face sont quant à eux réservés aux patients qui ont des cycles supérieurs à trois semaines. « Dans ce cas, un médicament non spécifique utilisé à la base en cardiologie, le Vérapamil, est prescrit à des doses bien plus élevées pour l’AVF », indique la neurologue. C’est pour cette raison qu’il convient de faire un électrocardiogramme au préalable. Du lithium peut également être prescrit pour traiter les formes chroniques de la maladie. Le temps que ces traitements de fond fassent effet, de la cortisone par voie orale peut y être associée.
Traitement de l’AVF : « J’ai eu des effets secondaires monstrueux »
Pour soulager sa douleur, Diane Wattrelos a essayé de nombreux traitements, parmi lesquels des anti-épileptiques, des anti-inflammatoires ou encore des corticoïdes. Mais ils n’ont pas eu l’effet escompté : la jeune femme a été déclarée pharmacorésistante. « Malgré les traitements, j’avais toujours mes crises et j’étais en plus confrontée à des effets secondaires monstrueux. Je n’arrivais plus à marcher, j’avais des œdèmes des membres inférieurs, je perdais la mémoire, mes cheveux et aussi du poids. J’ai vécu cela comme un échec », explique-t-elle.
Elle s’est alors vu proposer des opérations chirurgicales, à commencer par une stimulation occipitale. Diane Wattrelos a également subi une intervention plus invasive, divisée en deux phases : à l’issue de la première étape, qui a duré cinq heures, la jeune femme a dû garder des vis dans le crâne pendant deux jours. « C’était extrêmement difficile psychologiquement », se souvient-elle. La seconde étape a duré 13 heures et consistait à implanter des électrodes au centre de l’hypothalamus, reliées à un boîtier.
En tout, Diane Wattrelos a subi pas moins de 12 opérations. « La douleur était telle que j’étais prête à tout accepter », précise-t-elle. Mais elle affirme n’en avoir tiré aucun bénéfice : « J’ai même eu un risque d’augmentation de crise », explique-t-elle. Elle a donc récemment subi une dernière opération afin de retirer le boîtier qui lui avait été implanté. « Il y a des personnes pour qui ça fonctionne, mais il faut prendre beaucoup de recul, bien se renseigner et avoir en tête les potentielles répercussions », explique-t-elle.
Les anticorps monoclonaux anti-CGRP, un espoir pour les malades
Pour Diane Wattrelos comme pour de nombreux malades, l’espoir repose sur de nouveaux traitements : les anticorps monoclonaux anti-CGRP, dont certains disposent d’une autorisation de commercialisation de l’Agence européenne des médicaments (EMA) depuis 2018, uniquement dans l’indication migraine. « Mais cette même agence a donné un feu rouge dans l’indication AVF pour le seul anticorps ayant bénéficié d’un essai clinique concernant cette maladie, à savoir l’Emgality (galcanézumab). Il est cependant commercialisé en pharmacie dans l’indication migraine depuis un mois, non remboursé, et à un tarif conseillé de 245 euros », explique le Dr Anne Donnet.
Si ces traitements ont été développés pour traiter la migraine résistante, ils pourraient agir sur l’AVF. « Le traitement Aimovig (erenumab) fonctionne sur des patients lourdement atteints par l’algie vasculaire de la face, je l’utilise moi-même depuis 19 mois et j’étais un cas très lourd, résistante à tous les traitements actuellement proposés en France », explique par exemple Isabelle Schaal dans une pétition qu’elle a lancée pour que ce médicament soit disponible en France et remboursé.
En 2019, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu un avis favorable pour son utilisation « chez les patients atteints de migraine sévère avec au moins 8 jours de migraine par mois », mais il ne sera pas remboursé. Or, une injection coûte pas moins de 500 euros. Les patients comme Isabelle Schaal demandent ainsi sa mise à disposition en France ainsi que son remboursement. « On ne sait pas si ce traitement peut fonctionner sur tous les malades, mais l’algie vasculaire de la face est tellement handicapante que nous devrions pouvoir l’essayer », conclut Diane Wattrelos.
Merci au Dr Anne Donnet, neurologue et cheffe de service du centre d’évaluation et de traitement de la douleur à l’hôpital de la Timone de Marseille (AP-HM), et à Diane Wattrelos, atteinte d’algie vasculaire de la face et créatrice du compte Instagram Les Maux en Couleur, sur lequel elle livre des conseils pour vivre avec une maladie chronique comme l’AVF.
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