Affaire Jubillar : l'enquête est-elle vraiment terminée ?
Trois ans après la disparition mystérieuse de Delphine Jubillar et alors que tout accable le mari, l’instruction est étrangement close…
Voilà une affaire qui aura tenu la France entière en haleine… Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, Delphine Aussaguel, épouse Jubillar, une infirmière de 33 ans, mère de deux enfants et résidant dans le petit village de Cagnac-les-Mines (Tarn), disparaît sans laisser de traces. Cédric Jubillar, ce mari avec qui elle est en instance de divorce, est le premier soupçonné. Il est vrai que le profil de cet autoentrepreneur, peintre-plaquiste, ne plaide guère en sa faveur, étant tenu pour marginal et velléitaire. Après plusieurs mois d’enquête, il est placé en garde à vue le 16 juin 2021, avant d’être mis en examen pour meurtre aggravé deux jours plus tard.
Depuis, il croupit en prison, tandis que la vérité oblige à dire qu’en trois ans, l’enquête n’a guère avancé. Pourtant, la preuve d’un comportement erratique de la part du principal suspect la nuit du drame a été confirmée par l’enquête des gendarmes. Ainsi, alors que Cédric Jubillar se rend compte de l’absence de son épouse, il ne lui faut pas plus d’un quart d’heure pour téléphoner à la gendarmerie. Les enquêteurs s’interrogent aussi sur le fait qu’il n’ait pas cherché sa femme à l’extérieur du domicile, préférant faire une lessive, celle de la housse de couette sur laquelle était censée dormir Delphine Jubillar qui, à l’en croire, aurait été « souillée par le chien« .
Plus intrigant encore, il appelle son épouse 250 fois le lendemain (l’analyse de son téléphone portable est formelle), puis seulement deux fois le jour suivant. En résumé, indices et présomptions ne manquent pas. Seulement voilà, le corps de l’infortunée Delphine n’a toujours pas été retrouvé à ce jour. Et, comme dit l’adage : « Pas de corps, pas de crime ! »
En prison, Cédric Jubillar se mure dans le silence, se contentant de formuler des demandes de libération par le biais de ses avocats. Cependant, l’enquête sur les derniers mois de la disparue avance avec son lot de révélations : les enquêteurs apprennent que Delphine Jubillar entretenait une relation amoureuse avec un homme surnommé le « confident de Montauban« , et avec qui elle projetait de refaire sa vie. Dès lors, la gendarmerie parvient à recomposer un étrange puzzle amoureux.
Cathy M., l’épouse du « confident de Montauban », aurait conclu une sorte de pacte avec sa rivale, consistant à prendre le temps de divorcer avant de « laisser » son mari à Delphine. À côté de ce triangle adultère, il y a aussi Séverine, la nouvelle compagne de Cédric Jubillar, placée à son tour en garde à vue pour « recel de cadavre » avant d’être relâchée, faute de preuves.
Écoutes téléphoniques
Là où l’affaire dérape, c’est quand, le 13 décembre 2021, BFM TV révèle des éléments fondés sur les écoutes téléphoniques du portable de la petite sœur de Cédric Jubillar. Ce dernier lui aurait déclaré : « Si on t’embête, dis que tu as un meurtrier parfait dans ta famille. » À croire que le prévenu est plus prolixe derrière les barreaux que devant les juges ! Il y a aussi ce témoignage d’un certain Marco, ancien codétenu de Jubillar à la maison d’arrêt de Seysses (Haute-Garonne), livré sur le plateau de TPMP, le 20 octobre dernier, face à Cyril Hanouna : « On parlait tous les soirs. […] Il m’a raconté qu’il est tombé sur elle [Delphine, ndlr] alors qu’elle envoyait un message à son “connard” [l’amant de Delphine, ndlr]. »
D’où cette version plausible du drame, relatée par le même Marco : « Il m’a dit : “J’étais dans ma chambre, je n’avais plus de batterie dans mon téléphone et là, j’ai vu que l’autre connard lui envoyait des messages. J’ai pété les plombs et je m’en suis débarrassé.” Ce n’est pas un mytho, il est très intelligent.«
Certes, mais ces aveux ne présentent rien qui puisse fondamentalement bouleverser l’enquête, ne s’agissant que de confidences rapportées par un témoin dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas exactement de moralité.
Fin d’enquête
Résultat, la colère gronde chez les proches de la disparue. Didier Cotteaux, l’oncle de Delphine, a ainsi confié à RTL : « Il y a une haine qui monte, infernale. Ne pas savoir, c’est difficile à digérer, on ne peut pas passer à autre chose. La fin de l’histoire, c’est qu’il [Cédric, ndlr] va prendre vingt piges et nous, on ne saura toujours pas. » En revanche, ce que l’on sait, c’est que les deux juges d’instruction en charge des investigations ont clos l’enquête le 13 octobre dernier et communiqué leur dossier au procureur de la République de Toulouse. Mais en avons-nous forcément fini avec cette ténébreuse affaire ? Est-il bien certain que Cédric Jubillar écopera de « vingt piges » ? Une fois de plus, faute de cadavre, et avec un mobile de crime toujours aussi flou, rien n’est certain. Ce crime donné pour avoir été « parfait » le sera-t-il donc ?
Analyses ADN
On était en droit de se poser la question, jusqu’à la récente découverte de traces salivaires correspondant à l’ADN de Delphine Jubillar, retrouvées sur le pyjama de son mari, lorsqu’il a ouvert la porte de leur maison aux gendarmes, ce funeste matin du 16 décembre 2020. À en croire nos confrères du Point, les traces en question se situent « en partie dorsale, sur la partie haute » de la grenouillère panda que portait Cédric Jubillar, soit au niveau des épaules.
À propos de ce qui pourrait bien accréditer l’hypothèse du transport du corps de Delphine Jubillar, contredisant ainsi la version de son époux, Maître Laurent Boguet, l’avocat des enfants du couple s’interroge : « Le positionnement de ces traces est à tout le moins surprenant. » De quoi relancer l’enquête, voire même de la faire basculer, à condition que Maître Boguet fasse vite, le délai légal étant de quinze jours après la fin des investigations. Cela signifierait, si toutefois les analyses de l’ADN retrouvé sur la grenouillère de Cédric Jubillar venaient confirmer qu’il s’agit bien de la salive de sa femme, qu’il aurait bien, à un moment ou à un autre, transporté le corps de cette dernière. Mais où ? Ce sera peut-être à lui de le révéler lors de son procès, tant l’étau paraît désormais se resserrer autour de lui.
En attendant, les avocats de la défense tentent de faire le rapprochement avec une disparition similaire, celle de Suzanne Viguier, épouse du professeur de droit Jacques Viguier. Ce dernier, suspecté de l’avoir assassinée, a été acquitté à deux reprises, en 2009 et 2010. Là encore, un amant de passage et un corps qui n’a jamais été retrouvé. Sauf que dans cette affaire-là, il n’y avait pas de traces salivaires de la victime sur le pyjama du principal suspect. Et surtout que Jacques Viguier, même en détention provisoire, ne s’était jamais vanté du crime qu’il aurait commis. On se prend à rêver de ce que cette sordide affaire aurait pu donner dans une enquête de notre cher inspecteur Columbo…
Nicolas GAUTHIER
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