Affaire Gérard Depardieu : trois actrices témoignent de violences sexuelles à visage découvert sur le plateau de "Mediapart"
Trois femmes, parmi les 13 qui ont accusé Gérard Depardieu de violences sexuelles et sexistes lors de tournages de films sortis entre 2004 et 2022, dans une longue enquête de Mediapart, révélée le 11 avril 2023. Un enquête en trois volets, qui dévoile ces glaçants récits, en même temps qu’elle relève l’absence de réactions des équipes de tournage, sinon la minimisation des faits, en raison du statut et de la notoriété de l’acteur.
Le site d’investigation a également rappelé que Gérard Depardieu est mis en examen pour « viols » depuis décembre 2020 : la comédienne Charlotte Arnould l’accuse de l’avoir violée à l’âge de 20 ans et alors qu’elle souffrait d’anorexie mentale.
La main dans la culotte d’une jeune actrice
Deux jours après la mise en ligne ces nouveaux témoignages, Mediapart a publié sur sa chaîne YouTube une édition spéciale de son émission À l’air libre, présentée par la journaliste Valentine Oberti, avec, en plateau, trois actrices qui se sont confiées à Marine Turchi, qui signe cette enquête écrite.
Ces trois femmes ne se connaissaient pas, ne s’était jamais vues auparavant. Tour à tour, elles témoignent à visage découvert de ce qu’elles auraient vécu lors de tournages.
Sarah Brooks, qui a débuté cette émission des larmes dans la voix et craint que sa prise de parole ait « des répercussions », décrit ce qu’elle aurait vécu à 20 ans, lors de son premier tournage, celui de la série Netflix Marseille en 2015, dans laquelle Gérard Depardieu partage l’affiche avec Benoît Magimel.
Je sens sa main qui va le long de mon dos, qui pousse mon short et qui rentre dans ma culotte.
La jeune actrice est placée à côté de Gérard Depardieu, alors qu’une photo de quelques acteurs de la série est en train d’être prise. Dans ce contexte-là, « il commence à faire des espèces de grognements (…) et je sens sa main qui va le long de mon dos, qui pousse mon short et qui rentre dans ma culotte, décrit-elle. Je lui vire la main une fois, il le refait, je lui vire la main une deuxième fois, je verbalise, et dis : ‘Il y a Gégé qui est en train de mettre sa main dans mon short’. Il m’a répondu : ‘Ben quoi ? Je croyais que tu voulais réussir dans le cinéma’, et tout le monde a rigolé. Moi, je suis partie en pleurant. »
Alysse Hallali, scénariste et actrice, aussi la première des 13 femmes à avoir contacté Mediapart après le témoignage de Charlotte Arnould, rencontre, elle, Gérard Depardieu sur le tournage d’un film – qu’elle ne cite pas – et pour lequel elle incarne la fille du personnage du célèbre acteur. Elle a alors 17 ans.
« Elle a bien poussé ma fille, elle a des jolis petits seins », aurait été la première phrase que Gérard Depardieu a adressé à l’actrice alors mineure, d’après cette dernière.
« Pendant les prises et entre chaque prise, il me coince sous son bras et met sa main sur ma poitrine, explique Alysse Hallali, en mimant le violent geste. J’essaie de me dégager une première fois, une deuxième fois, mais en fait, il me tient, il pèse 240 kilos – enfin, je ne veux pas juger de son poids -, mais j’ai l’air d’un moustique à côté. »
Il me caresse le sein devant tout le monde. Je suis gênée, un peu paralysée. (…) Je me rends compte que tout le monde voit, mais que personne ne fait rien.
À la suite de quoi, « il me caresse le sein devant tout le monde. Je suis gênée, un peu paralysée, je me dis : ‘Tiens, il n’y a personne qui voit ?’ Mais au bout d’un moment, je me rends compte que tout le monde voit, mais que personne ne fait rien », raconte Alysse Hallali, pointant à son tour cette omerta. Elle évoque aussi des éclats de rire des équipes de tournage lorsqu’il faisait des blagues à caractère sexuel.
« Noter son emprise »
Une autre similitude avec le témoignage de Sarah Brooks : Gérard Depardieu aurait évoqué à voix haute son acte. D’après cette actrice et scénariste, il lui aurait lancé, lors du déjeuner : « Toi, c’est bien, parce que tu m’as regardé et tu t’es laissée faire ». Une façon de « noter son emprise », observe-t-elle avec le recul.
Comme les deux autres femmes en plateau, Hélène Darras, aussi actrice, n’a pas porte plainte. Elle a en revanche témoigné auprès de la justice dans le cadre de l’enquête qui concerne la plainte de Charlotte Arnould.
Alors qu’elle est élève en école de théâtre, Hélène Darras est embauchée durant quinze jours sur le tournage de Disco, sorti en 2008, pour faire de la figuration et même prononcer quelques répliques.
Il me demande si je veux monter dans sa loge en me mettant une belle main appuyée sur les fesses.
« Entre chaque prise, [Gérard Depardieu] me prend par la taille, il descend sa main un peu partout, sur les fesses, sur les hanches, il me serre, et moi je ne sais pas quoi faire », raconte Hélène Darras. Celle qui confie être « rongée » par ces faits qu’elle énonce, poursuit : « Il me demande si je veux monter dans sa loge en me mettant une belle main appuyée sur les fesses. (…) Dans son regard, j’ai eu l’impression que j’étais un morceau de viande. (…) Il fait peur. On a peur. »
Aussi présente autour de la table d’À l’air libre, la journaliste Marine Turchi souligne que d’autres personnes se sont plaint de propos sexuels et comportements inappropriés sur le tournage de Disco.
Présumé innocent, Gérard Depardieu, contacté par Marine Turchi pour son enquête écrite, « n’a pas souhaité nous rencontrer ni répondre à [leurs] questions écrites » et « dément formellement l’ensemble des accusations susceptibles de relever de la loi pénale », selon ses avocats. Le média l’avait également invitée à s’exprimer dans son émission sur YouTube.
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