Achats en ligne, appels perso… quels sont mes droits au bureau ?

Utiliser à des fins personnelles le matériel fourni par l’employeur est toléré… jusqu’à une certaine limite. Qu’en est-il exactement ?

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Faire ses achats en ligne sur l’ordinateur du bureau pendant la pause-déjeuner, poster un statut ou une photo sur un réseau social, caler un rendez-vous personnel sur une messagerie instantanée… Qui peut jurer n’avoir jamais utilisé un équipement professionnel pour un usage personnel ? Ces pratiques courantes sont-elles de nature à justifier une sanction, voire un licenciement ? Certainement pas de manière systématique. Ces usages sont tolérés… jusqu’à un certain point. Et en l’absence d’une réglementation précise, il faut s’en remettre aux principes posés par l’employeur (souvent pour garantir la sécurité des systèmes informatiques de l’entreprise), aux décisions des tribunaux… ainsi qu’à un peu de bon sens pour savoir quelles bornes ne pas franchir.

S’enquérir d’abord du règlement intérieur

Dans un grand nombre d’entreprises, les usages personnels du matériel professionnel sont encadrés par un règlement intérieur ou une charte dédiée. La Commission nationale de l’informatique des libertés (Cnil) incite d’ailleurs les entreprises à formuler, par ce biais, les règles d’utilisation des équipements mis à la disposition des salariés. S’il ne peut en principe interdire totalement l’usage d’un ordinateur ou d’un smartphone professionnel à des fins personnelles, l’employeur est toutefois en droit de proscrire formellement certaines opérations comme le téléchargement de logiciels ou l’utilisation d’une messagerie personnelle. Et il peut naturellement interdire à ses salariés de faire circuler des informations à caractère injurieux, diffamatoire, discriminatoire… ou encore de se livrer à tout usage contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.
A savoir. Toute utilisation du matériel qui aurait pour effet de nuire à l’entreprise ou de porter atteinte à son image, est de nature à justifier un licenciement.

Une appréciation au cas par cas par les tribunaux

Pour s’en tenir à un usage personnel acceptable de ses outils pros, le salarié doit faire preuve de modération. Autrement dit ne pas passer trop de temps sur les réseaux sociaux ou sa messagerie privée, et surtout faire en sorte que cela n’ait aucun impact sur la qualité de son travail. A défaut, il risque une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Comme la loi ne fixe aucun barème précis, c’est aux tribunaux qu’il revient de juger au cas par cas, en tenant compte de divers éléments : la gravité de l’infraction aux principes posés par l’employeur, la durée des usages personnels du salarié, l’impact sur son activité, ses antécédents disciplinaires, son ancienneté dans l’entreprise…

La Cour de cassation a ainsi validé le licenciement d’un salarié pour avoir visité des sites sans rapport avec son travail, téléchargé et posté des centaines de mails assortis de pièces jointes à des collègues, alors que le règlement intérieur interdisait ces usages. La même juridiction a confirmé le licenciement d’une salariée qui avait cumulé, en deux semaines, 10 000 connexions sur des sites n’ayant aucun rapport avec ses missions, bien que le règlement intérieur ne précisait rien sur l’usage d’internet à titre personnel. Les prud’hommes ont également jugé fautif un clerc de notaire qui avait surfé, à titre privé, sur le Net, plus de huit heures trente en moins de deux mois, alors qu’il effectuait dans le même temps des erreurs dans son travail.
A savoir. Une cour d’appel a invalidé le licenciement d’une assistante qui utilisait sa connexion internet et son téléphone professionnels pour des usages personnels, compte tenu de son ancienneté (14 ans) et de l’absence de toute sanction disciplinaire antérieure.

Des contrôles même en l’absence des salariés

Ordinateur, tablette, téléphone fixe, smartphone… mis à la disposition d’un salarié par l’entreprise à des fins professionnelles appartiennent à celle-ci. En conséquence de quoi la loi autorise l’employeur à contrôler l’usage qui en est fait. Il peut donc consulter les mails, l’historique des connexions internet, les SMS passés et reçus… sans que le salarié puisse s’y opposer. Le contrôle de ces équipements peut même être effectué en son absence. Une surveillance en temps réel est également possible, mais strictement encadrée et soumise à l’information des salariés.
A savoir. Si un mot de passe est nécessaire pour accéder au contenu du matériel professionnel, le salarié ne peut refuser de le communiquer à son employeur.

Accès protégé… en cas de fichiers privés uniquement

Toutefois, l’employeur ne peut accéder aux documents, fichiers et messages personnels du salarié sans violer sa vie privée. Il ne peut pas plus utiliser ces informations dans le cadre d’une procédure disciplinaire ou judiciaire. Mais, pour cela, le salarié doit y apposer la mention « Personnel » ou « Privé » sur chacun des éléments concernés : fichier, dossier et même objet de chaque message et SMS. A défaut, ceux-ci n’auront pas de caractère privé, et l’employeur pourra en vérifier le contenu. La Cour de cassation a ainsi jugé que les courriels issus d’une messagerie personnelle du salarié, consultée au bureau, ne constituent pas une correspondance privée, dès lors que chaque message n’est pas identitié comme tel. Enfin, il n’est pas permis d’apposer la mention « Personnel » ou « Privé » sur un disque dur d’ordinateur professionnel afin d’interdire l’accès de son contenu.
A savoir. Si un document personnel est identifié comme porteur d’un risque pour l’entreprise (s’il est, par exemple, infecté par un virus), l’employeur est autorisé à le consulter, mais seulement en présence du salarié.

L’avis de l’expert

Les instances représentatives du personnel doivent être consultées avant la mise en œuvre d’un dispositif de contrôle, et chaque employé informé des finalités poursuivies, base légale, destinataires des données récoltées, durée de conservation et possibilité d’exercer ses droits : d’opposition pour motif légitime, d’accès et de rectification ou pour introduire une réclamation auprès de la Cnil. Cette info peut prendre la forme d’une charte, annexée ou non au règlement intérieur, d’une note individuelle ou de service. En cas de difficultés, vous pouvez saisir, selon les cas, l’Inspection du travail, le procureur de la République ou notre service des plaintes.

Merci à Eric Delisle, responsable des questions sociales et RH à la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés).

Bon à savoir

  • Les entreprises doivent collecter l’historique des connexions de tous leurs salariés et les garder un an.
  • Vous avez le droit de stocker sur votre ordinateur professionnel des messages perso, à condition de mentionner « Personnel » ou « Privé » dans leurs intitulés.
  • Vous avez le droit d’envoyer et de recevoir des mails perso.
  • Votre employeur peut surveiller la taille des messages perso, leur fréquence, leurs destinataires mais pas leur contenu.
  • La géolocalisation d’un véhicule de fonction doit pouvoir être désactivée lorsque le salarié utilise le véhicule dans le cadre de sa vie privée.

Prudence sur les réseaux sociaux

Publier des messages sur un site public, donc accessible à tous, pour y dénigrer son entreprise constitue un motif de licenciement pour faute grave. Mais insulter son employeur via un groupe Facebook ne peut être une cause réelle et sérieuse de licenciement, selon la Cour de cassation : ces propos tenus dans le cadre d’un groupe fermé relèvent d’une conversation privée.

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