À quoi ressemble la vie sexuelle après avoir eu un enfant ?

Tout le monde sait comment on fait des bébés mais personne ne dit comment cela se passe après. Nous avons recueilli les confessions de plusieurs mères et sondé des spécialistes.

Au commencement, il y a l’accouchement. Ce moment où d’organe sexuel érotisé, le vagin devient un couloir qui permet le passage du bébé dans le cas d’une naissance par voie basse. Le premier rapport sexuel qui suit est alors retardé, de six semaines minimum comme le conseillent les médecins pour se remettre de cette épreuve physique, mais parfois davantage par crainte. «J’avais peur que mon partenaire ne ressente rien du tout. On allait dans l’inconnu», se souvient Inès, 34 ans, mère d’un garçon de 3 ans. «J’ai menti à ma gynécologue. Quand elle m’a demandé au bout de trois mois si on avait repris les rapports sexuels, je lui ai dit oui alors qu’on a attendu cinq mois pour le faire», se souvient encore Audrey, 40 ans et mère d’une fille de 4 ans.

Trois semaines, deux mois, six mois… Quelle que soit l’attente, cette première fois est une déception pour toutes. «Quand on a essayé trois semaines après l’accouchement j’ai eu mal. On a de nouveau tenté une semaine plus tard, mais je n’avais pas vraiment de sensations. C’était un champ de bataille», se rappelle Aurélie 34 ans. «Je l’ai fait parce que je devais le faire, on avait passé trop de temps sans rapport sexuel. Ce n’était pas du désir, mais un devoir conjugal, je n’ai pas ressenti de plaisir», assure également Audrey. Même constat chez Inès : «On avait envie de refaire l’amour pour se dire qu’on redevenait un couple, mais c’était bizarre pour tous les deux.»

Une fois l’exploration du début passée, la sexualité reste tout de même entre parenthèses la première année qui suit une naissance. «La fatigue, le manque de sommeil, l’allaitement, la logistique… Durant les premiers mois, il y a une perte d’intérêt assez logique pour la chose sexuelle. La femme est en symbiose avec le bébé, elle ne peut pas être fusionnelle avec deux êtres à la fois», explique la sexothérapeute Marie-Line Urbain.

Des sensations modifiées

Que se passe-t-il sous notre couette quand le bébé grandit ? Si le corps d’une mère ne sera jamais le même que celui d’avant la naissance, son vagin, lui, le sera-t-il ? «Après un accouchement par voie basse, la cavité vaginale s’élargit pour que la tête du bébé passe. Les muscles et les nerfs sont étirés, ce qui peut expliquer la perte de plaisir chez certaines femmes», explique François Haab, chirurgien urologue.

«Mes sensations ont clairement changé, vaginalement je ressens moins de choses et j’ai vu plusieurs fois une ostéopathe pour des manipulations gynécologiques afin de remettre tout en place», confirme Aurélie. Sophie, 38 ans et mère de deux enfants, atteignait moins facilement l’orgasme durant quatre ans après la naissance de son second enfant. «J’étais moins sensible, je sentais que mon vagin était moins musclé. C’est revenu il y a un an et demi quand j’ai repris le sport», se souvient-elle.

«On peut mettre jusqu’à deux ans à se remettre complètement d’un accouchement par voie basse et parfois une béance vaginale peut s’observer même dix ans après», souligne François Haab. «Les pets vaginaux, fuites urinaires, l’eau qui rentre dans le vagin lors d’un bain sont des signes de béance vaginale. Cela affecte bien sûr le plaisir sexuel mais les femmes n’osent pas consulter pour cette raison-là», déplore le médecin. Le temps et la rééducation périnéale permettent de récupérer, mais pour certaines, une chirurgie peut être utile. À condition de réussir à en parler.

Pour Marie-Line Urbain, le changement est avant tout psychologique. «Le cerveau est le premier organe sexuel. Si l’accouchement s’est bien passé, après la rééducation, le plaisir doit pouvoir revenir. Mais si l’on s’imagine avoir un corps détérioré par le passage du bébé, on aura plus de mal à avoir du plaisir après les naissances», nuance la sexothérapeute.

En vidéo, 10 aliments pour booster sa libido

Une nouvelle voie vers le plaisir ?

Chez certaines, au contraire, l’accouchement peut laisser entrevoir un plaisir différent. «Je ne sais pas si mon vagin est plus large, mais en tout cas j’ai plus d’orgasmes qu’avant la naissance de ma fille. J’ai l’impression que grâce à la grossesse et l’accouchement, je connais mieux mon corps», affirme Audrey. «Elle s’écoute et est désormais aguerrie à ce qu’il se passe chez elle», commente la sexothérapeute.

Pour d’autres, l’accouchement vient même règler un problème physique. «En termes de plaisir, l’accouchement peut permettre à celles qui avaient un vaginisme (peur panique de la pénétration qui conduit à une contraction musculaire prolongée ou récurrente des muscles du plancher pelvien, NDLR), ou une hypertonie périnéale à atteindre l’orgasme alors que leur vagin trop contracté ne le permettait pas avant», assure l’urologue François Haab.

Des pratiques plus traditionnelles

Si les sensations et la libido ne changent pas chez toutes les mères, le manque de temps et l’absence de spontanéité de l’acte sexuel restent une constante. «Une vie sexuelle avec les enfants s’organise plus qu’avant, tu cries moins quand ta fille est dans la chambre à côté», affirme Aurélie. Au-delà de la fatigue des premières années, l’enfant est aussi un nouveau membre dans la maison. Les surprises et positions sexuelles diverses à tous les étages ne sont reservées qu’aux vacances. «Quand tu deviens parents, tu ne fais plus l’amour dans la cuisine ou la salle de bains. Tout se passe dans la chambre à coucher», confirme Sophie, mère d’une fille de 8 ans et d’un garçon de 5 ans.

Une sexualité plus traditionnelle donc. Celle-ci peut parfois résulter de l’image que certains hommes se font des mères. «On se voyait comme parents et donc on s’interdisait certaines positions. C’était plus banal parce que pour mon compagnon, l’image de la mère était sacrée», regrette Audrey, aujourd’hui séparée de son conjoint. «L’homme s’imagine que certaines pratiques ne sont pas compatibles avec le respect qu’il a pour la mère de ses enfants, d’autant plus s’il a manqué de respect aux femmes quand il était plus jeune. La mère change également de statut, elle prend la place de sa propre mère, elle n’a pas d’image sexuée mais une image de contrôle, responsabilité, devoir, tout ceci peut influer dans les pratiques que l’on s’autorise ou non», assure Marie-Line Urbain.

Le manque de temps et l’organisation nécessaires poussent au contraire d’autres couples à profiter pleinement de cet instant plus rare et donc précieux. «Comme on fait moins souvent l’amour à cause de la fatigue ou du rythme de chacun, quand on le fait, on ne s’interdit rien. Autant que cela soit comme avant», explique Inès. Cependant, le plaisir est moins au rendez-vous malgré les positions qui restent identiques. «Peut-être parce qu’on le fait moins souvent, on a très envie et c’est trop rapide», se demande la jeune femme. Sophie regrette quant à elle une pratique devenue moins sensuelle en raison de sa rareté. «Avant, on prenait notre temps. Maintenant, on a très envie car on fait rarement l’amour, et donc on fait souvent l’impasse sur les préliminaires», affirme-t-elle.

Moins de temps, moins d’occasions, la sexualité change dès la première naissance. Moins bien, mieux, différente en tout cas, son absence devient un problème uniquement quand un décalage existe dans le couple. «Certains parents viennent me dire qu’ils sont devenus colocataires et n’ont pas de vie sexuelle, mais ils ne ressentent pas de frustration. Le manque de sexe les inquiète seulement car ils ne correspondent pas l’image que l’on a du couple amoureux, alors que tant que les deux sont d’accord, il n’y a pas forcément de problème», souligne Marie Line Urbain. Et Inès de résumer : «Quand on est trop fatigué pour faire l’amour parce qu’on dort moins bien par exemple, on n’est pas inquiet. On sait que ce sont des cycles et que cela reviendra.»

* Initialement publié en avril 2018, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.

Source: Lire L’Article Complet