A cause des confinements, mon conjoint ne me manque plus (et ça me manque)

Mon conjoint et moi avons pris l’habitude de nous dire : « Bon courage pour ta réunion » puis : « Comment s’est passée ta réunion ? » une demi-heure plus tard. Ça a démarré avec son nouveau travail pendant le confinement, et ça a continué… sans qu’on y pense.

Même si je pose toujours la question, la plupart du temps, je connais déjà la réponse. Difficile de garder quoi que ce soit privé quand deux personnes vivent et travaillent ensemble dans un petit appartement. J’entends sa voix de l’autre côté du mur presque toute la journée, le bruit de la chasse d’eau quand il va aux toilettes, ou ses pas sur le plancher qui grince, pendant que j’essaie de passer un moment seule avec Adriene.

Mon conjoint et moi avons passé plus de temps ensemble ces neuf derniers mois que pendant nos neuf ans de relation amoureuse. Nous cuisinons ensemble, mangeons ensemble, nous promenons ensemble, dormons ensemble.

Je l’aime, mais il ne me manque plus, et ça me manque.

« Tu ne devineras jamais ce qui m’est arrivé aujourd’hui ! » ne fait plus partie de notre vocabulaire. Les jours où nous passions des heures sans aucun contact semblent dater d’un passé lointain. Je ne me dépêche plus de rentrer pour lui raconter une anecdote, et je n’attends plus avec impatience qu’il en fasse de même. Cela fait des mois qu’il ne m’a pas envoyé un texto pour me dire que je lui manquais.

Vie de couple devenue étouffante

Aujourd’hui, notre vie de couple est devenue étouffante. Si l’éloignement renforce les sentiments, qu’arrive-t-il quand on vit ensemble 24h sur 24?

La Dr Gillian Sandstorm, maîtresse de conférences en psychologie à l’Université de l’Essex, admet que sa propre relation de couple en a souffert. Je ne dois donc pas paniquer.

« Mon mari et moi sommes mariés depuis près de 14 ans. J’ai donc l’impression de tout savoir de lui, même si c’est évidemment impossible », dit-elle. « J’ai remarqué que les moments où j’apprends encore quelque chose de nouveau à son sujet correspondent souvent à ceux où nous interagissons avec d’autres personnes, qui parlent d’autres sujets et abordent des choses dont je n’ai jamais eu l’occasion de parler avec lui pendant toutes ces années. À présent que nous n’échangeons plus avec d’autres, ces moments ne se produisent plus. »

La Dr Sandstorm a étudié pendant des années les relations avec les connaissances, ou « liens faibles » comme on les appelle dans le jargon du métier : par exemple, échanger quelques mots avec un serveur dans un café ou un chauffeur de bus que l’on connaît à peine. « Les jours où l’on interagit avec davantage de connaissances, on se sent de meilleure humeur et plus en phase avec les autres », indique la spécialiste.

Même si notre partenaire ne nous a pas manqué depuis longtemps, nous pouvons inconsciemment regretter de voir ses côtés moins reluisants (et qu’il soit témoin des nôtres).

L’experte mentionne d’autres travaux de recherches qui suggèrent que nous nous comportons mieux ou que « nous montrons sous notre meilleur jour » avec les gens que nous connaissons peu. De ce fait, nous avons souvent tendance à apprécier ces interactions plus que nous ne l’aurions imaginé, ce qui accroît encore notre bonne humeur. « Nous ne le faisons pas autant avec notre partenaire, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose », avance-t-elle.

« Nous voulons pouvoir être ouvert·e et honnête avec notre partenaire, et recevoir de sa part un soutien émotionnel quand nous traversons des moments difficiles, mais il faut aussi lui donner la chance de partager les bons moments. » En d’autres termes, la pression exercée sur la relation amoureuse est beaucoup plus forte si elle ne subit plus aucune influence extérieure.

Garder son individualité

« Le danger, c’est que la relation soit privée d’oxygène, et se mette à stagner, voire se flétrisse et meure » quand on reste avec son partenaire 24h sur 24, souligne la psychothérapeute Lucy Beresford. Ce n’est pas le genre de chose que l’on a envie d’entendre lorsqu’on est censé se marier dans quelques mois, comme c’est le cas pour mon partenaire et moi.

« Les relations amoureuses fonctionnent mieux quand les deux personnes arrivent à former un couple tout en conservant leur individualité », ajoute la thérapeute.

Cependant, Michaela Thomas, psychologue et autrice de The Lasting Connection (« Le Lien durable »), assure que passer la journée entière ensemble tous les jours n’est pas forcément néfaste.

« Ce n’est pas malsain si vous parvenez à le gérez », affirme-t-elle. « Votre entente avec l’autre durant cette période dépend aussi de votre capacité à maintenir le dialogue pour savoir ce dont chacun a besoin pour se sentir bien. »

Elle cite une étude de l’an dernier démontrant que la pandémie a occasionné une période de turbulences pour les couples : les conjoints sont davantage énervés ou contrariés parce que leur partenaire perturbe leurs habitudes.

« Nous ne sommes pas habitués à avoir l’autre dans les pattes quand nous travaillons, et l’espace dont nous jouissons habituellement hors du foyer peut nous manquer », souligne Mme Thomas, qui évoque « l’effet de simple exposition ». Ce phénomène fait que nous apprécions davantage notre partenaire quand nous passons du temps avec lui ou elle du moment que l’on n’abuse pas des bonnes choses.

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