9 idées reçues sur les antidépresseurs
Ces médicaments, qui suscitent le plus souvent la méfiance, jouent pourtant un rôle non négligeable dans la guérison. Notre expert répond à vos questions.
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Un Français sur cinq souffrira d’une dépression au cours de sa vie, selon Santé Publique France. Loin du simple coup de déprime, cette maladie – car c’en est une – se caractérise par un sentiment de tristesse constant, une perte de motivation et une fatigue persistante. A l’heure actuelle, les médicaments antidépresseurs sont la solution privilégiée pour en guérir. Seulement, beaucoup s’en méfient, parce qu’ils sont dits peu utiles par certains, mais aussi parce qu’ils entraînent quelques effets secondaires. On fait le point avec le Dr Jean-Eric Lundy, psychiatre et psychothérapeute à la clinique Bellevue de Meudon (92), qui répond à vos questions les plus fréquentes.
Leur prise entraîne-t-elle une dépendance ?
Que l’on se rassure : il est possible d’arrêter un traitement antidépresseur du jour au lendemain sans ressentir de « manque ». En revanche, les anxiolytiques, prescrits contre l’anxiété, peuvent être responsable d’une accoutumance.
Peuvent-ils être prescrits « à vie » à un patient ?
Le traitement dure entre 9 et 12 mois : si les symptômes dépressifs (la fatigue, la tristesse constante, le manque de motivation…) s’atténuent généralement en l’espace de 3 mois, il faut poursuivre les médicaments pendant 6 à 9 mois pour éviter les rechutes. En revanche, en cas de dépression chronique ou récidivante, il devra souvent être pris sur une longue durée – mais avec des doses beaucoup plus faibles.
Font-ils systématiquement grossir ?
Tout dépend de la famille à laquelle appartient le médicament : ainsi, si les antidépresseurs tricycliques peuvent entraîner une prise de poids (2-3 kilos en moyenne pendant la durée du traitement), certains ISRS ont plutôt un effet coupe-faim amaigrissant. Mais il ne faut pas oublier que la perte de poids est un symptôme courant de la dépression : en luttant contre la maladie, les médicaments antidépresseurs contribuent à restaurer un poids normal… donc on grossit.
Les antidépresseurs altèrent-ils la personnalité ?
Attention à ne pas se méprendre, car l’objet de ces traitements n’est pas de normaliser la pensée. « Les médicaments antidépresseurs ne modifient pas le caractère du patient, ils luttent seulement contre la chape de plomb faite de tristesse et d’apathie qui caractérise la dépression, explique le Dr Lundy. Ce sont des “béquilles chimiques” qui permettent au patient d’être lui-même et de mobiliser ses ressources intérieures, sans être paralysé par cette maladie handicapante. Ils sont là pour aider à mener une vie normale et active. »
Se sent-on forcément ramolli ou apathique ?
Certains antidépresseurs (surtout les plus anciens, les tricycliques et les Imao) sont effectivement responsables d’une somnolence et d’une sensation de fatigue perpétuelle. Mais la sensation d’être « assommé » s’explique aussi par le fait que ces médicaments améliorent la qualité du sommeil : on dort donc mieux, et plus longtemps !
S’accompagnent-ils tous d’effets secondaires ?
Oui, mais certains sont plus légers et passagers que d’autres, donc mieux tolérés, notamment avec les ISRS et IRSNA, malgré un risque cardiovasculaire augmenté pour ce dernier. Seuls les anciens Imao et les tricycliques peuvent entraîner des effets potentiellement graves, type troubles cardiaques et convulsions.
Le risque de suicide est-il plus important quand on est sous antidépresseurs ?
Au début du traitement, on peut observer chez le patient dépressif ce que l’on appelle une « levée de l’inhibition » : son moral ne s’est pas encore amélioré mais, comme l’état d’apathie est levé, le risque de tentative de suicide peut être accru. Un risque surtout présent durant la première semaine de traitement, d’où la nécessité d’un suivi médical.
Peut-on les prescrire aux enfants ou aux adolescents ?
Chez eux, le traitement de référence de la dépression est la psychothérapie. En deuxième intention et à partir de l’âge de 8 ans, des médicaments pourront être prescrits si la psychothérapie s’avère insuffisante. L’objectif est de réduire le risque suicidaire (particulièrement important à l’adolescence) et de prévenir l’installation d’une dépression chronique à l’âge adulte.
Existe-t-il des alternatives naturelles ?
A l’heure actuelle, les 4 familles d’antidépresseurs (Imao, ISRS, tricycliques et IRSNA) ont fait leurs preuves, en association avec une psychothérapie. Ce qui n’exclut pas les approches douces : « Le yoga, la phytothérapie, la méditation de pleine conscience ou l’art-thérapie peuvent s’avérer bénéfiques en cas de dépression, mais elles doivent s’ajouter au traitement médicamenteux, car elles ne soignent pas la maladie !« , insiste le Dr Lundy.
Les 4 grandes familles
- Les Imao ou inhibiteurs de la monoamine oxydase, les plus anciens, ne sont quasiment plus prescrits, du fait de leurs effets secondaires (malaises, confusion, agressivité…).
- Les ISRS ou inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sont les premiers prescrits en cas de dépression légère à sévère. Ils sont bien tolérés, avec des effets secondaires transitoires (troubles du sommeil, soucis digestifs…).
- Les IRSNA ou inhibiteurs mixtes de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline sont aussi prescrits en première intention, en particulier contre la mélancolie (dépression très sévère), avec des effets comparables à ceux des ISRS – toutefois plus marqués à l’arrêt.
- Les antidépresseurs tricycliques, enfin, sont prescrits en deuxième intention, en cas d’échec des autres traitements (ISRS et IRSNA).
2 questions au Dr. Jean-Éric Lundy, psychiatre et psychothérapeute
En cas de dépression, les médicaments sont-ils toujours indispensables ?
Au même titre qu’une angine ou qu’une bronchite, elle nécessite la prescription de médicaments. Des symptômes dépressifs » légers » peuvent rapidement s’aggraver et la maladie devenir chronique – elle est alors très difficile à soigner. C’est la première cause de suicide en France.
Prescrit-on trop d’antidépresseurs en France ?
L’enjeu n’est pas d’en prescrire moins, mais de prescrire mieux, avec des dosages et des durées adaptés à la sévérité de la maladie. Mon conseil est donc de s’adresser directement à un psychiatre dès les premiers symptômes dépressifs, car plus le traitement est précoce, moins le risque de rechute est élevé.
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